Publié le 1 janvier 2021
Écrit par Véronique Bourbeau, ND.A, herboriste clinicienne
Au cours des dernières décennies, plusieurs études ont démontré qu’une carence en vitamine D représentait un facteur de risque pour diverses maladies, dont l’ostéoporose et la dépression saisonnière1, 2. Plus récemment, les chercheurs ont découvert une autre facette majeure de cette vitamine : son action modulatrice sur le système immunitaire. Si la contribution de la vitamine D à la santé est mieux détaillée et comprise aujourd’hui, cette proposition ne date pourtant pas d’hier. Jadis, l’arrivée de la saison froide rimait avec le retour de l’iconique cuillère d’huile de foie de morue bien savoureuse ! Bien avant l’utilisation des antibiotiques, cette potion préventive des infections hivernales circulait non seulement dans nos familles, mais aussi dans les sanatoriums de l’époque, où l’on soignait la tuberculose et la consomption avec cette huile riche en vitamine D3, 4.
Depuis, des études épidémiologiques ont démontré de fortes associations entre les variations saisonnières des taux de vitamine D et l’incidence de diverses maladies infectieuses, dont les infections respiratoires et la grippe5, 6. En effet, chez les personnes ayant une carence documentée en vitamine D, la réponse immunitaire serait affaiblie ou anormale, les rendant d’office plus susceptibles d’être victimes des flambées épidémiques saisonnières et de développer un degré accru de symptômes respiratoires graves7, 8, 9. Voyons ensemble pourquoi.
Le rôle premier du système immunitaire est d’assurer l’intégrité de l’organisme. Il travaille à éliminer les substances perçues comme étrangères (micro-organismes, cellules anormales, débris) tout en assurant la tolérance des différentes structures appartenant à l’individu. Une substance étrangère se nomme « antigène ».
Les défenses de l’organisme sont structurées autour de deux voies : l’immunité innée et l’immunité adaptative. L’immunité innée représente la première ligne de défense contre les antigènes. Elle se compose des barrières naturelles (la peau, les muqueuses et leurs microbiotes, les sécrétions tissulaires telles que la salive, la sueur, le sébum, l’acide chlorhydrique de l’estomac), de mécanismes inflammatoires (fièvre, cytokines), de production de substances antimicrobiennes et de fonctions de nettoyage (phagocytose). La réponse innée est identique, quelle que soit la nature de l’antigène, et survient lorsque ce dernier demeure à l’extérieur des cellules de l’hôte. L’immunité adaptative intervient en second plan, lorsque l’antigène pénètre à l’intérieur de nos cellules. Elle entraîne une réponse spécifique à ce dernier via la création d’anticorps. Un anticorps est une protéine spéciale dotée du mandat de neutraliser les antigènes. Une fois produit, l’anticorps demeure en mémoire dans notre organisme ; nous appelons cela l’« immunisation ». C’est le principe de base visé par l’acte vaccinal.
La vitamine D se présente sous deux formes : inactive et active (aussi nommée « calcitriol »). Récemment, nous avons découvert que les reins ne seraient pas les seuls organes activateurs, mais que les cellules immunitaires représenteraient également des joueurs importants. Afin de renforcer leurs actions, les cellules immunitaires auraient la capacité, sur le site même de l’infection, de convertir les précurseurs de la vitamine D sous leur forme biologiquement active10, 11. Une fois activé localement, le calcitriol se lie à son récepteur (retrouvé également dans ces mêmes cellules immunitaires) et déclenche une cascade d’événements issus à la fois de l’immunité innée et de l’immunité adaptative, dont l’augmentation des sécrétions antimicrobiennes, la production de protéines antivirales, l’activation des cellules éliminatrices, la création et la libération d’anticorps, la modulation de la réponse inflammatoire (ni trop ni moins) et la réparation des tissus lésés. Ceci témoigne de l’importance de la vitamine D afin d’assurer une défense immunitaire énergique.
Lors d’une infection virale, c’est l’exubérance de la réponse immunitaire de l’hôte, plutôt que le pathogène lui-même, qui détermine la gravité clinique et le risque de mortalité associés aux maladies telles que la grippe12, 13 et la COVID-1914. L’infection par le SRAS-CoV-2 (virus responsable de la COVID-19) induit un fort dysfonctionnement du système immunitaire caractérisé par le développement d’une réponse inflammatoire intense chez l’hôte et la mise en place d’une affection potentiellement mortelle définie comme le « syndrome de libération de cytokines inflammatoires » (SLC). La dérégulation des réponses protectrices du système immunitaire ainsi que l’induction d’activités inefficaces dans différents types de cellules immunitaires peuvent mener au syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), principalement chez les personnes âgées15, 16.
Parmi les fonctions utiles de la vitamine D se trouvent la réduction de la perméabilité pulmonaire aux envahisseurs17, la modulation à la baisse de facteurs inflammatoires nocifs (dont certaines cytokines) pouvant causer un rétrécissement des bronchioles, le renforcement musculaire (dont les muscles intercostaux sollicités lors d’infections respiratoires)18, l’amélioration du volume maximal d’air expiré (traduisant la capacité pulmonaire)19, l’induction de la mort des cellules infectées (apoptose) et la synthèse de radicaux libres visant à déstabiliser l’intrus20.
Avec un taux optimal de vitamine D, les mécanismes de défense sont nettement améliorés, la gravité de l’infection est atténuée, la convalescence écourtée et la qualité de vie favorisée ! Ces avantages amènent plusieurs chercheurs à considérer l’utilisation de la vitamine D comme un adjuvant stratégique aux autres thérapeutiques utilisées actuellement21. Au cours de la première vague de COVID-19, une corrélation inverse entre les concentrations sanguines de vitamine D et la sévérité de la maladie est d’ailleurs ressortie comme significative dans plus de 20 pays22-26.
Des données épidémiologiques montrent que les sujets âgés, ou chroniquement malades, ont un risque plus élevé de décès à la suite d’une infection par le SRAS-CoV-2, par rapport aux individus plus jeunes ou en meilleure santé. En fait, ces personnes présentent un affaiblissement chronique de la réponse immunitaire induit par des dysfonctionnements qualitatifs / quantitatifs des différents intervenants issus à la fois de l’immunité innée et de l’immunité adaptative. Ceci se traduit par un déséquilibre en faveur des cytokines pro-inflammatoires (IL-1α, IL-2, IL-6, IL-8, IL-12, IFN-γ) par rapport aux anti-inflammatoires (IL-1 Ra, IL-4, IL-10, TGF-β)27, ce qui fragilise constamment leur condition immunitaire. Ce phénomène est amplifié au contact du SRAS-CoV2 et peut mener à une tempête cytokinique. Cette dernière prend place à la fois dans le sang et dans les poumons des personnes infectées. La tempête cytokinique est la forme la plus sévère du syndrome de libération de cytokines mentionné plus haut. Plus la tempête est forte, plus la maladie est alarmante et les lésions pulmonaires préocupantes28, 29.
Par conséquent, la régulation de la réponse inflammatoire exagérée observée au cours de l’infection par le SRAS-CoV-2 représente un élément clé dans la stratégie pour contrer le virus et prévenir ses effets potentiellement mortels. Or, une carence en vitamine D est associée à des niveaux plus élevés de cytokines pro-inflammatoires, suggérant qu’un statut adéquat de cette vitamine pourrait contribuer à limiter leur synthèse et donc atténuer le sérieux de l’infection virale30-35. La vitamine D exerce également une action réparatrice des tissus alvéolaires pulmonaires (avec la contribution de la vitamine A)36. Puisqu’environ 20 % des personnes atteintes de la COVID-19 développent une pneumonie interstitielle accompagnée de lésions sévères, l’ajout de la vitamine D à l’arsenal thérapeutique classique semble, jusqu’à ce jour, favorable37.
Les dernières années ont apporté un changement radical dans notre perspective sur la façon dont la vitamine D influence la santé. Les répercussions d’une carence en vitamine D sur le système immunitaire (inné et adaptatif) sont devenues plus claires. Dans une telle situation, il semble y avoir une susceptibilité accrue aux infections et une prédisposition à la flambée inflammatoire toxique. Plusieurs études appuient l’hypothèse selon laquelle la suffisance en vitamine D contribue à des fonctions immunorégulatrices et une réponse immunitaire équilibrée, particulièrement dans un contexte d’infection respiratoire d’origine virale. En ces temps de pandémie, l‘état des connaissances actuelles sur la vitamine D nous permet de croire que son statut sanguin représente l’un des facteurs qui influencent notre combativité face à la maladie.
RÉFÉRENCES
Articles consultés:
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