À la découverte des Moais de l’île de Pâques

Publié le 6 octobre 2013
Écrit par Aurore Bonvalot, présidente l’agence Collectionneurs de Voyages

À la découverte des Moais de l’île de Pâques

L’île de Pâques, ou Rapa Nui, est une petite île de 166 km2 du sud-est de l’océan Pacifique. Elle est la plus isolée du monde. Elle forme, avec Hawaï et la Nouvelle-Zélande, le triangle polynésien avec en son centre les îles de la Polynésie française. Après notre escapade en Polynésie française, nous sommes arrivés à l’île de Pâques à 1 h 50 du matin par le seul vol hebdomadaire de LAN Chile. Nous avons atterri sur la plus longue piste d’atterrissage au monde, qui s’étend sur 4,2 km. Dans les années 1970, la NASA a ouvert cette piste d’urgence pour les navettes spatiales, qui n’ont heureusement jamais eu à l’utiliser.

Lionel, le propriétaire de notre lodge, nous a accueillis pieds nus à l’aéroport. Français d’origine, il a immigré ici dans sa jeunesse, après avoir fait son service militaire à Tahiti.

Depuis plus de 20 ans, Lionel se passionne pour l’île de Pâques et ses moais, ces statues énigmatiques qui fascinent le monde entier. Il a été notre guide durant tout notre séjour et nous avons apprécié qu’il prenne le temps de nous relater les diverses théories qui planent à propos de l’histoire de l’île…

 

QUELQUES PAGES D’HISTOIRE

Certains prétendent que l’île de Pâques a été peuplée dès 400 apr. J.C., mais des recherches scientifiques indiquent que le peuplement aurait été plus tardif, soit entre les années 800 et 1200. Les premiers colons polynésiens seraient arrivés par pirogue depuis les îles Marquises, en Polynésie. On remarque en effet que les moais ressemblent aux tikis de la Polynésie et que la faune et la flore de l’île de Pâques sont assez semblables à celles de la plupart des îles polynésiennes.

Selon une thèse récente, l’île aurait subi une influence inca vers 1465. Vivaient alors sur l’île les « Courtes oreilles », d’origine polynésienne, et les « Longues oreilles », d’origine inca et reconnus pour leur travail habile de la pierre. On décèle cette influence inca en observant la construction ou l’ornementation de certains vestiges. Les « Longues oreilles » sont arrivés sur l’île sans femmes et se sont mélangés aux Polynésiens. C’est ainsi que leur race a disparu de l’île de Pâques.

Le culte des ancêtres a pris de plus en plus d’importance avec le temps et les habitants ont créé des centaines de statues qu’ils ont dispersées sur l’île. En quelques siècles, une déforestation impressionnante a eu lieu. Dans les années 1500-1600, une crise environnementale causée par l’érosion des sols et la sècheresse a fait de nombreux ravages. Cette catastrophe a provoqué une crise sociale sans précédent : les récoltes ont été détruites, les ressources ont disparu et le culte des ancêtres a pris fin. Le taillage, le transport et l’érection des statues ont été remplacés par le culte de l’homme-oiseau Tangata Manu. Son rôle était d’assurer la répartition équitable des ressources de l’île entre les clans. Chaque année, à l’arrivée du sterne noir, un représentant de chaque clan devait gagner à la nage l’île Motu Nui, au sud-ouest de l’île de Pâques, afin de rapporter l’un de ses œufs. Le premier qui revenait avec l’œuf précieux devenait l’homme-oiseau pour un an. Notre guide nous a rappelé qu’un tel effondrement social pourrait aussi se produire de nos jours dans notre société occidentale à cause de l’inéquité des richesses et notre manque de respect envers les ressources naturelles.

C’est le 5 avril 1722, le jour de Pâques, que l’île a été visitée par un premier Européen, le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen. De nombreux Européens ont ensuite dirigé des expéditions sur l’île. De 1859 à 1863, les marchands d’esclaves péruviens ont déporté environ 1500 Pascuans vers les îles Chincha. C’est à cette époque que le culte de l’homme-oiseau a disparu.

En 1864, deux prêtres français sont arrivés pour créer la Mission catholique. Jusqu’en 1888, des planteurs-éleveurs européens vont se succéder pour installer des exploitations agricoles bien pourvues en animaux et en équipement. C’est finalement en 1888 que l’île de Pâques a été annexée au Chili. Elle compte aujourd’hui 4500 habitants, dont la plupart vivent essentiellement du tourisme.

Encore aujourd’hui, plusieurs théories divergent à propos du transport des moais et de l’évolution du peuple pascuan. Le géonomiste américain Jared Diamond prétend qu’on aurait eu recours à des troncs d’arbres pour transporter les statues jusqu’à leur emplacement. La quasi-totalité des arbres auraient ainsi été coupés pour faciliter ce travail colossal, ce qui aurait provoqué l’érosion des sols et la crise sociale des années qui a sévi pendant tout le XVIe siècle.

Une autre théorie proposée par les archéologues Carl Lipo de la California State University et Terry Hunt de l’University of Hawaï réfute la précédente. Selon eux, les moais aurait plutôt été déplacés horizontalement par rotation (en les roulant comme des rondins) ou encore verticalement à l’aide de cordages. Les arbres auraient été trop spongieux pour supporter le poids de ces immenses statues. La déforestation aurait été causée par les rats introduits sur l’île par les Polynésiens. Les rongeurs auraient ravagé les noix de coco, contribuant ainsi à la disparition des palmiers royaux. Ils auraient aussi attaqué les nids d’oiseaux, causant inévitablement l’extinction d’une partie de l’avifaune. Ce sont les Européens qui auraient introduit des maladies graves telles que la tuberculose et la syphilis, décimant ainsi la population locale. Une autre théorie moins convaincante prétend que les statues auraient été transportées jusqu’au bord de la mer par l’intervention de pouvoirs divins. L’histoire de cette île mystérieuse est vraisemblablement composée de mythe et de réalité…

 

LE TOUR DE L’ÎLE À PIED

On peut visiter l’île de Pâques de plusieurs façons. Tout d’abord à pied, avec un guide chevronné. Le nôtre, féru d’histoires et curieux de nature, suit depuis des années les archéologues qui se succèdent sur l’île à la recherche

d’indices et de preuves pour mieux comprendre l’histoire de ce peuple et la symbolique des moais.

Le patrimoine exceptionnel de l’île est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1995 et recèle mille et un secrets. Il est possible d’approcher les moais, ces statues mégalithiques de basalte. On en compte environ 900, d’une hauteur moyenne de 4 mètres et d’un poids variant entre 20 et 80 tonnes. On dénombre à leurs pieds près de 300 terrasses empierrées appelées Ahu, qui servaient de plateforme cérémonielle. Le matériau employé pour faire les statues provenait de la carrière logée sur les flancs et dans le cratère du volcan Rano Raraku. On trouve d’ailleurs à cet endroit bon nombre de statues inachevées, dont la plupart auraient la moitié du corps enseveli sous terre. Ce lieu est considéré par certains théoriciens comme le cimetière des moais.

Si vous avez la chance de visiter cette île, vous pourrez vous approcher des moais placés non loin du village d’Hanga Roa, au bord de la mer. L’un d’eux est encore doté d’un œil blanc de coraux à l’iris rouge vif. Voir le soleil se coucher sur ces géants de pierre est un moment divin ! Vous pourrez découvrir l’Ahu Akivi, la seule plateforme sacrée installée dans les terres et non sur le rivage. Ses sept moais rendent hommage aux sept premiers habitants polynésiens de l’île. Ce sont les seuls moais orientés vers la mer. Tous les autres sont tournés vers l’intérieur de l’île pour mieux contempler leur terre natale.

Approchez-vous du gigantesque Ahu Tongariki, le plus grand de l’île avec ses 15 moais alignés le long de l’océan Pacifique. Un seul est coiffé d’un pukao, un chapeau ou chignon en pierre rouge typique de la civilisation inca. On voit souvent des chevaux sauvages se promener aux alentours.

En faisant le tour des moais, vous remarquerez des inscriptions pétroglyphes gravées sur leur dos. Leur signification est malheureusement perdue, mais la répétition de certains symboles (oiseau, humain, pénis, poisson) est aussi présente dans les refrains de plusieurs hymnes polynésiens : Les oiseaux ont copulé avec les poissons et ainsi ont été engendrés les premiers hommes.

Notre guide a partagé avec nous l’une de ses théories : certains moais au ventre gonflé seraient en réalité une représentation féminine des dieux. Le culte des ancêtres servait à implorer les dieux de leur amener la pluie pour combattre la sécheresse. La femme est le symbole de la fertilité : elle donne vie à l’enfant et, par extension, elle assure la fertilité du sol et l’abondance des ressources naturelles.

Le volcan de Rano Kau est une vraie splendeur : son cratère d’un kilomètre de diamètre dispose de parois abruptes de 300 mètres de profondeur. Au fond se trouvent plusieurs petits lacs d’eau douce et, en haut de la falaise sise à l’ouest du cratère, on peut voir le site cérémoniel d’Orongo d’où partaient les nageurs rêvant de devenir l’homme-oiseau.

 

UNE ESCAPADE À CHEVAL

L’une des plus belles façons de découvrir l’île est de faire une excursion à cheval. Pendant près de trois heures, vous vous baladerez à travers les champs, sur des chemins rocailleux, pour enfin vous arrêter au beau milieu de l’île. Vous pourrez voir sur l’île parfaitement triangulaire des cônes volcaniques éteints et des petits cratères dispersés ici et là.

L’île de Pâques est un ralliement de trois volcans formant un triangle isocèle. Elle est entourée de plusieurs îlots que l’on peut approcher en kayak.

Du haut de votre cheval, vous pourrez contempler le contraste époustouflant entre le bleu tranchant de la mer et le vert des herbes au sol. Un effet spectaculaire que l’on ne peut s’empêcher d’immortaliser avec notre appareil photo. 

 

UNE VIRÉE EN VOITURE

Une partie de l’île peut être visitée en voiture, ce qui vous permettra de jouir d’une liberté plus grande et de vous attarder plus longue- ment devant les sites qui vous fascinent. Si le cœur vous en dit, vous pourrez passer un après-midi tranquille au bord d’une des plages, dont la plus agréable est la plage de sable blanc d’Anakena. Sous le regard des moais, laissez-vous tenter par une baignade en eau fraîche et une douce détente sous les palmiers.

Arrêtez-vous ensuite au petit cimetière du village, en flanc de colline : la plupart des tombes sont blanches et les bouquets de fleurs multicolores confèrent au lieu un air de légèreté, voire de gaieté.

Le mystère reste entier quant à la fabrication et au transport des plus célèbres statues de la planète, et il le demeurera probablement tou- jours. Lieu mythique depuis les siècles, l’île de Pâques continue d’attirer touristes, archéologues et chercheurs du monde entier. N’attendez pas trop et partez à la découverte de ces paysages et de ces statues à couper le souffle. On se sent si petit à côté des moais !