
Publié le 1 janvier 2025
Écrit par Jean-Claude Magny, Ph. D., ND.A.
Des maladies chroniques dites « de société » affectent un nombre croissant de personnes de tous les âges et de toutes les tranches de la société au sein de la population mondiale.
De l’avis de plusieurs chercheurs[1], ce n’est pas uniquement dans l’organisme humain qu’il convient de rechercher les causes initiales, mais aussi dans le mode de vie et surtout dans l’environnement qui ne cesse de se dégrader.
Notre système de santé, qui tente tant bien que mal de contrer cette épidémie, est malheureusement un système de gestion de la maladie et non de promotion de la santé. À l’instar des pompiers, il n’intervient qu’une fois que le feu est pris ou que la maladie est déclarée. Lorsque le temps et les ressources le permettent, on procède à des dépistages précoces qui sauvent parfois des vies, mais qui souvent viennent engorger davantage le système.
La prévention primaire[2], pour pallier cette situation d’urgence, a été mise en place. Elle consiste en des mesures qui ont pour but de prévenir certaines maladies infectieuses ou un premier accident cardiovasculaire par exemple, en vaccinant ou en contrôlant les facteurs de risque biologiques par l’utilisation de médicaments. À cet égard, l’exemple qui est souvent cité par les gens du domaine est le développement des agents hypocholestérolémiants, comme les statines, qui visent à diminuer les concentrations de cholestérol dans le sang.
La prévention secondaire concerne toutes les interventions médicales qui ont pour objectif de diminuer, voire d’éviter, le risque qu’un patient déjà affecté par une maladie, cardiovasculaire ou autre, voit son état s’aggraver.
La prévention tertiaire, elle, vise à éviter que la personne subisse un deuxième incident ou fasse une rechute parce qu’elle n’applique plus les principes de prévention secondaire ou primaire.
Alors que l’utilisation de médicaments dans ces deux premières formes de préventions semble universellement acceptée par la communauté médicale, leur prescription en prévention primaire suscite encore beaucoup de débats.
La prévention primordiale[3] est une approche moins connue et beaucoup plus ambitieuse que les préventions primaire, secondaire et tertiaire. Ce nouveau concept en matière de prévention a été mis de l’avant par l’American Heart Association. Elle est la pierre angulaire d’une santé cardiovasculaire optimale. Elle vise à éviter l’aggravation des facteurs de risque à partir de la naissance afin de réduire considérablement les risques.
C’est dans cette perspective d’une prévention primordiale que de plus en plus de chercheurs suggèrent qu’il serait plus important de mettre l’accent sur le mode de vie que sur des traitements pharmacologiques. Ces traitements agissent le plus souvent sur les effets ou les symptômes en général plutôt que sur les causes véritables d’un déséquilibre métabolique conduisant aux maladies chroniques.
Pour eux, ces traitements ne peuvent remplacer les effets bénéfiques d’une alimentation personnalisée, d’une activité physique adaptée, d’une bonne gestion des facteurs de stress ou d’un sommeil réparateur, entre autres bonnes habitudes à adopter.
Avec une démarche qui repose sur des actions concrètes à la portée de tous, une nouvelle approche en santé[4] a vu le jour : « La médecine par le mode de vie »
Dans cette approche, appelée lifestyle medecine par nos voisins américains, un rôle important est accordé aux habitudes de vie, tant en matière de prévention que de traitement des maladies. Elle vise à faire du patient un partenaire pour qu’il devienne le principal acteur de SA santé, par des choix thérapeutiques appropriés, l’adoption de saines habitudes de vie et l’aménagement d’un environnement favorable à la santé.
Cette médecine par le mode de vie poursuit les objectifs suivants :
Pour atteindre ces objectifs leur permettant de se présenter à l’examen de certification de l’American College of Lifestyle Medecine (ACLSM), les futurs intervenants auront à comprendre et à approfondir des savoirs essentiels menant à des capacités pour développer les compétences nécessaires afin d’intervenir efficacement dans les domaines constituant les six piliers sur lesquels repose cette nouvelle médecine. Il s’agit de :
Au Québec depuis l’automne 2022, la médecine par le mode de vie est réservée aux médecins comme une spécialisation au programme de médecine de famille de l’Université Laval. Cette formation les rend admissibles à l’examen de l’ACLSM.
Alors que la tendance dans notre système de santé est à la construction de grosses infrastructures et à la mise sur pied d’un nouveau mode de gestion centralisée, les médecins qui sont toujours pressés par le temps pourront faire appel à ces nouveaux intervenants.
Pourquoi réserver cette formation uniquement aux médecins de famille? Pourquoi ne pas l’étendre à d’autres intervenants du réseau de la santé, comme les infirmières, les kinésiologues, les éducateurs physiques, les nutritionnistes et les psychologues? Pourquoi pas également aux naturopathes agréés? Dans le cadre de leur formation initiale, ces derniers ont développé les compétences nécessaires pour intervenir dans plusieurs des domaines retenus par la médecine par le mode de vie. Une simple formation de mise à niveau suffirait pour harmoniser cette pratique pour l’ensemble des intervenants.
Tous ces professionnels ne veulent qu’apporter leur contribution pour désengorger un système de santé à bout de souffle et de ressources afin de laisser la place aux personnes qui ont besoin de se faire soigner.
C’est dans la mouvance de cette nouvelle médecine par le mode de vie qu’ont vu le jour deux nouveaux concepts. Il s’agit de celui de santé durable[5], qui milite pour l’amélioration de l’espérance de vie en bonne santé, et de celui d’UNE santé, par une médecine prônant une approche intégrée en santé durable (AISD)[6] faisant appel à l’ensemble des intervenants dans ce vaste domaine pour prendre soin de la planète, des humains et des animaux.
C’est dans cette perspective de santé durable pour UNE santé que le réseau international des Clubs d’Éducation à la Santé pour une Prévention Active (CESPA), un organisme sans but lucratif et sans attaches commerciales, a vu le jour en 2009 au Québec et rayonne dans la francophonie.
Un tel système de santé profiterait à la fois à la population, au gouvernement et aux professionnels concernés. L’époque où un seul intervenant dans une discipline travaille tout seul en silo pour soigner un patient est bel et bien révolue.
Nous sommes entrés dans l’ère où les intervenants et les patients doivent travailler en partenariat pour déterminer et trouver ensemble les causes de maladies et concevoir des plans d’intervention personnalisés plus efficaces.
Compte tenu de la complexité des maladies et du nombre important de facteurs promoteurs à leur origine, il est de plus en plus urgent de créer des unités de soins de santé interprofessionnels où les patients sont écoutés et accompagnés, où les intervenants ont l’occasion d’échanger pas seulement pour proposer des traitements, mais également pour suggérer des changements au mode de vie et au milieu de vie de leurs patients-partenaires.
Tout comme mon regretté ami et collègue Daniel Kieffer de France, je vis avec l’espoir qu’un jour viendra où une telle vision en matière de santé se concrétisera. Cependant, ce changement passera obligatoirement par la recherche, la formation et une collaboration non monopolisante.
RÉFÉRENCES
[1] Dominique Belpomme, Comment naissent les maladies, Éditions Les liens qui libèrent, 2016.
[2] Denis Fortier, Plus jamais malade, Trécarré, 2024.
[3] Jean-Pierre Desprès, La révolution active, Les éditions du journal, 2023.
[4] Site web de l’Université Laval
[5] Sommet santé durable 2024, Association pour la santé publique du Québec
[6] Jean-Claude Magny et collègues, Pour une approche intégrée en santé, Presses de l’Université du Québec, 2009.