Publié le 7 août 2021
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
Les maladies cardiovasculaires (MCV) ne sont surpassées que par le cancer en tant que principale cause de décès au pays et elles constituent aussi l’une des principales causes d’hospitalisation[i]. On regroupe sous cette appellation toute pathologie qui affecte le système circulatoire comme la maladie artérielle périphérique (MAP) et d’autres maladies qui touchent les veines et les vaisseaux lymphatiques[ii]. Vu l’importance des MCV, les chercheurs sont constamment à l’affût de nouveaux facteurs potentiels de risque.
Ainsi, en plus des traditionnels profils lipidiques sanguins et de la tension artérielle, des facteurs tels que l’inflammation, le stress oxydant, la fonction endothéliale et les pathologies qui prédisposent les personnes aux incidents cardiovasculaires telles que l’obésité, le syndrome métabolique et le diabète de type ll font l’objet de nombreuses études.
La juste place de l’alimentation
Grâce à cette tendance et à notre nouvelle compréhension de l’épigénétique – et plus spécifiquement de la nutrigénomique – nous assistons à l’émergence d’une vision plus large et plus globale de la santé cardiovasculaire. Ce nouveau paradigme est particulièrement propice à la modulation nutritionnelle de ces facteurs de risque grâce à l’apport de diverses substances bénéfiques telles que les antioxydants, les fibres et les acides gras oméga-3. Par conséquent, les interventions nutritionnelles gagnent (enfin !) leur place bien méritée à la table !
Selon divers chercheurs, la promotion d’une alimentation saine devrait être au cœur de la prévention des maladies cardiovasculaires. Une étude néerlandaise publiée dans le European Journal of Cardiovascular Prevention and Rehabilitation a d’ailleurs conclu que : « L’adhésion aux recommandations relatives à l’apport quotidien en fruits, légumes, poissons et acides gras pourrait soulager de 20 à 30 % le fardeau des maladies cardiovasculaires. » Ce type d’intervention nutritionnelle pourrait également se traduire par environ une année de vie supplémentaire pour un individu de 40 ans[iii].
Mais à quel type de régime alimentaire se vouer ?
Avec l’abondance d’information concernant l’alimentation, il est facile de tomber dans la confusion, alors tentons d’y voir plus clair. Notre régime alimentaire de type occidental est caractérisé par une forte consommation de viande rouge et de produits animaliers, d’aliments transformés, de grains raffinés, de sucres et d’acides gras saturés. Tous ces facteurs sont reconnus comme étant pro-inflammatoires et nuisibles à la santé vasculaire. Une analyse prospective effectuée dans le cadre de l’Étude sur le risque d’athérosclérose dans les collectivités a révélé un risque d’incidence du syndrome métabolique accru de 18 % chez les personnes qui étaient le plus proche du modèle alimentaire occidental[iv].
À l’autre extrémité du spectre, le fameux régime méditerranéen (MedDiet) avec son abondance d’aliments d’origine végétale et minimalement transformés, l’omniprésence des gras mono-insaturés provenant de l’huile d’olive et son apport réduit en gras saturés, en viandes et en produits laitiers est souvent cité et semble représenter le modèle nutritionnel idéal pour la santé cardiovasculaire.
La MedDiet a effectivement fait l’objet de plusieurs études dont cette revue de la littérature publiée dans Circulation Research en 2019 qui a conclu que les preuves disponibles appuyant ce type d’alimentation sont importantes, solides et cohérentes. Selon les chercheurs : « Une meilleure adhésion à la MedDiet traditionnelle est associée à de meilleurs résultats en matière de santé cardiovasculaire, y compris des réductions cliniquement significatives des taux de maladies coronariennes, d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques et de l’ensemble des maladies cardiovasculaires[v]. »
Le rôle des nitrates, des nitrites et de l’oxyde nitrique
Bien que l’effet cardioprotecteur de la MedDiet soit principalement attribué à l’apport accru d’acide gras mono-insaturé, d’antioxydants et de fibres fournis par ce régime combiné avec la réduction concomitante des gras saturés et d’aliments au potentiel hautement inflammatoire, un facteur-clé est souvent négligé, soit le rôle de l’oxyde nitrique.
L’oxyde nitrique (NO), anciennement connu sous le nom de « facteur de relaxation dérivé de l’endothélium », constitue une molécule biologiquement active importante connue depuis les années 80. Le NO a ensuite été reconnu en tant que molécule de signalisation impliquée dans un grand nombre de processus physiologiques incluant la régulation de la tension artérielle et de la circulation sanguine[vi]. Selon l’hypothèse antérieure, l’approvisionnement de l’organisme en NO n’était possible que par l’action enzymatique de la synthèse de l’oxyde nitrique sur l’acide aminé L‐Arginine. En vertu de cette hypothèse, les protéines alimentaires représentaient la seule source de NO. De plus, le NO est rapidement oxydé en nitrite, puis en nitrate avant d’être excrété dans l’urine. Ces produits étaient jadis considérés métaboliquement inactifs, mais au cours des dernières décennies, une voie endogène servant à recycler ces anions en NO dans notre corps a été découverte, la voie nitrate‐nitrite‐NOx[vii].
Cette information est cruciale, car le nitrate (NO3−) peut être fourni grâce à une alimentation riche en végétaux. Il s’agit d’un nutriment végétal essentiel que l’on retrouve dans le sol après la fixation de l’azote atmosphérique par l’action des microbes présents dans le sol[viii]. Le corps peut donc utiliser ce nitrate alimentaire pour produire du NO par la même voie nitrate‐nitrite‐NOx et non seulement à partir des protéines[ix]. Puisque la voie de NOx utilise le nitrate pour produire du nitrite, puis de l’oxyde nitrique, nous savons maintenant que le nitrate alimentaire – obtenu principalement par les végétaux alimentaires – représente une source importante d’approvisionnement de l’organisme en NO[x].
Les évidences scientifiques suggèrent qu’un régime naturellement riche en fruits et légumes procure en partie ses bienfaits cardiovasculaires grâce à la production accrue de NOx. Puisque le nitrate constitue une réserve de NOx, il participe à l’effet antithrombotique et immunomodulateur et occupe un rôle-clé dans la cytoprotection (protection cellulaire) et la vasodilatation[xi].
Les études épidémiologiques confirment régulièrement que les régimes riches en fruits et légumes sont associés à une réduction de la pression artérielle et à une diminution du risque d’accident vasculaire cérébral ischémique ainsi que de cardiopathie ischémique. Bien que le mécanisme exact de cette protection demeure inconnu, les études qui ont examiné les effets protecteurs de diverses catégories de fruits et légumes concluent que les légumes verts feuillus semblent conférer le plus haut degré de protection contre les maladies cardiovasculaires[xii][xiii].
Les suppléments
La première source de nitrate devrait provenir de votre alimentation, mais on peut aussi se procurer des suppléments à base de nitrate de potassium pour un coup de pouce supplémentaire.
Conclusion
Nous savons aujourd’hui que nous ne sommes pas d’impuissantes victimes de notre héritage génétique. Plusieurs facteurs sur lesquels nous exerçons un pouvoir d’action direct tels que nos choix alimentaires, la pratique de l’activité physique et la saine gestion du stress ont un impact encore plus important sur notre santé cardiovasculaire et générale que nos gènes. Profitez de l’été pour consommer de succulentes salades préparées à partir d’aliments biologiques québécois et vous ferez de « vieilles artères » !
[i] Rapport du Système canadien de surveillance des maladies chroniques : Les maladies cardiaques au Canada, 2018. Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/en/public-health/services/publications/diseases-conditions/report-heart-disease-Canada-2018.html#s1-2
[ii] Clinique de Cleveland. Maladie vasculaire. https://my.clevelandclinic.org/health/diseases/17604-vascular-disease#:~:text=Vascular%20Disease%20includes%20any%20condition, sang%20disorders%20that%20affect%20circulation.
[iii] Engelfriet P, Hoekstra J, Hoogenveen R, Büchner F, van Rossum C, Verschuren M. Food and vessels: the importance of a healthy diet to prevent cardiovascular disease. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil. 2010;17(1):50-55. Doi:10.1097/HJR.0b013e32832f3a76
[iv] Lutsey PL, Steffen LM, Stevens J. Dietary intake and the development of the metabolic syndrome: the Atherosclerosis Risk in Communities study. La circulation. 2008;117(6):754-761. Doi:10.1161/CIRCULATIONAHA.107.716159
[v] Martínez-González, M.A., Gea, A., Ruiz-Canela, M. La diète méditerranéenne et la santé cardiovasculaire. Circ Rés. Doi: 10.1161/CIRCRESAHA.118.313348. Pmid: 30817261.
[vi] Dietary Nitrate and the Epidemiology of Cardiovascular Disease: Report From a National Heart, Lung, and Blood Institute Workshop( en français) Amrita Ahluwalia , Ph.D., Mark Gladwin , M.D., Gary D. Coleman , Ph.D., Norman Hord , Ph.D., M.P.P., Rd., George Howard , DrPH , Daniel B. Kim‐Shapiro , PhD , Martin Lajous , MD, PhD , Filip J. Larsen , PhD , David J. Lefer , PhD , Leslie A. McClure , PhD , Bernard T. Nolan , PhD , Ryszard Pluta , MD, PhD , Alan Schechter , MD , Chia‐Yih Wang , PhD , Mary H. Ward , PhD , et Jane L. Harman , DVM, MS, Ph. D. https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/JAHA.116.003402
[vii] Lundberg JO, Weitzberg E, Gladwin TA. La voie de l’oxyde nitrique de nitrate‐nitrite en physiologie et thérapeutique. Nat Rev Drogue Discov. 2008; 7:156–167 https://www.nature.com/articles/nrd2466?is_widget=1
[viii] l’EFSA . Nitrate dans les légumes: avis scientifique du groupe scientifique sur les contaminants dans la chaîne alimentaire. EFSA J. 2008; 689:1–79. https://seguridadalimentaria.elika.eus/wp-content/uploads/articulos/Archivo291/CONTAM_NitratosVeg08.pdf
[ix] Butler AR, Feelisch M. Therapeutic uses of inorganic nitrite and nitrate: from the past to the future. La circulation. 2008; 117:2151–2159. https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/circulationaha.107.753814
[x] Dietary Nitrate and the Epidemiology of Cardiovascular Disease: Report From a National Heart, Lung, and Blood Institute Workshop( en français) Amrita Ahluwalia , Ph.D., Mark Gladwin , M.D., Gary D. Coleman , Ph.D., Norman Hord , Ph.D., M.P.P., Rd., George Howard , DrPH , Daniel B. Kim‐Shapiro , PhD , Martin Lajous , MD, PhD , Filip J. Larsen , PhD , David J. Lefer , PhD , Leslie A. McClure , PhD , Bernard T. Nolan , PhD , Ryszard Pluta , MD, PhD , Alan Schechter , MD , Chia‐Yih Wang , PhD , Mary H. Ward , PhD , et Jane L. Harman , DVM, MS, Ph. D. https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/JAHA.116.003402
[xi] Dietary Nitrate and the Epidemiology of Cardiovascular Disease: Report From a National Heart, Lung, and Blood Institute Workshop( en français) Amrita Ahluwalia , Ph.D., Mark Gladwin , M.D., Gary D. Coleman , Ph.D., Norman Hord , Ph.D., M.P.P., Rd., George Howard , DrPH , Daniel B. Kim‐Shapiro , PhD , Martin Lajous , MD, PhD , Filip J. Larsen , PhD , David J. Lefer , PhD , Leslie A. McClure , PhD , Bernard T. Nolan , PhD , Ryszard Pluta , MD, PhD , Alan Schechter , MD , Chia‐Yih Wang , PhD , Mary H. Ward , PhD , et Jane L. Harman , DVM, MS, Ph. D. https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/JAHA.116.003402
[xii] Bhupathiraju SN, Wedick NM, Pan A, Manson JE, Rexrode KM, Willett WC, Rimm EB, Hu FB. Quantité et variété dans l’apport en fruits et légumes et risque de maladie coronarienne. Suis J Clin Nutr. 2013; 98:1514–1523. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24088718/
[xiii] Joshipura KJ, Hu FB, Manson JE, Stampfer MJ, Rimm EB, Speizer FE, Colditz G, Ascherio A, Rosner B, Spiegelman D, Willett W. L’effet de l’apport en fruits et légumes sur le risque de maladie coronarienne. Ann Intern Med. 134:1106–1114. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11412050/