Publié le 7 mai 2022
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott
Par définition, une eau minérale est obligatoirement d’origine souterraine. De plus, elle doit contenir un nombre stable de minéraux qui caractérisent son goût et sa teneur en effervescence, ce qui la distingue d’une simple eau de source, gazéifiée ou non. Depuis longtemps, on lui attribue, outre un côté désaltérant, un pouvoir curatif.
Entrée en matière
L’une des principales motivations à consommer de l’eau minérale est sa capacité à aider dans le processus de digestion. Mais les statistiques sur la consommation mondiale d’eau minérale en bouteille ne concordent pas véritablement, probablement parce qu’elles ne font pas la distinction entre une eau de source gazéifiée (ou non) et une eau minérale.
Toutefois, il semble que les Allemands soient particulièrement friands de la vraie eau minérale, vendue sous 500 marques de commerce différentes et provenant d’environ 800 sources ponctuant l’ensemble du pays.
Voici un tour d’horizon de la place occupée par l’eau minérale dans les cultures du monde, tant pour sa consommation que son utilisation en hydrothérapie dans les stations thermales.
Québec et Amérique du Nord
Les Premières Nations connaissaient bien les vertus de l’eau minérale, bien qu’il ait fallu attendre l’arrivée des jésuites pour en populariser sa consommation parmi les colons venus s’implanter ici. L’eau d’abord distribuée par les importateurs de produits alcoolisés d’Espagne et du Royaume-Uni, le Québec s’est entiché de cette boisson digestive, qui servait notamment, croit-on, d’antidote à la fièvre typhoïde.
Tout au long du 19e siècle, on a déterminé des sources d’eau, parfois grâce à des animaux venus s’y abreuver, et, cela dit, il semble qu’un des premiers établissements canadiens ayant vu le jour est né à Caledonia, en Ontario, en 1806. Au Québec, plus ou moins à la même époque, on est témoin de la multiplication de stations thermales, réparties de Saint-Léon-le-Grand (à Maskinongé, en Mauricie) en passant par Putton (en Estrie).
Des hôtels luxueux y ont été érigés, et outre l’élite canadienne-française de l’époque, les Américains ont largement contribué au succès de ces établissements. Il importe de noter que ceux-ci étaient aussi implantés dans les villes, comme en témoigne une publicité parue en 1896 vantant un établissement d’hydrothérapie situé au centre-ville de Trois-Rivières.
Au 20e siècle, la mode des séjours en cure thermale a régressé peu à peu, car les vacanciers préféraient se rendre au bord de la mer, bien que notre eau minérale, désormais vendue en bouteille, restait populaire et se voyait même exportée à Paris et à Londres.
L’eau minérale est devenue par la suite l’ingrédient des faux champagnes et des faux mousseux servis durant la prohibition, époque où les liqueurs douces connaissaient aussi une grande popularité. Après quelques décennies, ces dernières ont été dénoncées, en raison des calories vides qu’elles contenaient. Les grandes entreprises qui les produisaient ont contre-attaqué en lançant la renaissance des eaux en bouteille, toutes catégories confondues, un marché en véritable croissance exponentielle au 21e siècle.
En 1965, un rapport du gouvernement du Québec a noté que les établissements thermaux avaient disparu au bout du compte de notre territoire dès la fin des années 1930. Néanmoins, ailleurs au Canada, l’engouement pour de tels séjours revendiquait toujours son existence, comme en témoigne la popularité encore actuelle de la ville de Banff, déjà reconnue depuis 1893.
Une source d’eau minérale unique, considérée comme la « Huitième merveille du monde », est située au Vermont, à environ 60 kilomètres de la frontière canadienne. C’est dans la ville de Brunswick que se trouve une source séparée en six filets parallèles distincts, chacun contenant un flot riche en soufre, en fer, en calcium, en magnésium, en bromure et en arsenic.
Les Abénakis, jadis protecteurs du site, avaient mis en garde un Yankee plutôt entreprenant en indiquant que cette eau ne devait jamais être commercialisée, puisqu’il s’agissait d’un don du Créateur. Le conseil n’ayant pas été retenu, on notera toutefois que toutes les tentatives pour implanter des structures hôtelières se sont avérées futiles, et récemment, les Abénakis se sont réapproprié ce site sacré.
La ville de Saratoga (État de New York) possède 21 sources distinctes sur son territoire, dont chacune a un goût différent selon son contenu en minéraux. Les Mohawks les appréciaient même avant l’arrivée des Européens, tout comme George Washington, qui est devenu profondément convaincu de leur efficacité.
Ailleurs dans le monde
Fait important, ce sont les Romains qui ont su établir les bases des premières villes d’eau curatives en Europe, dont plusieurs sont toujours en activité de nos jours, comme c’est le cas de Bath, en Angleterre. Le légendaire roi Bladud aurait découvert une source vers 863 av. J.-C., appuyé dans cette tâche par son troupeau de porcs. La guérison de la lèpre a créé une légende reprise par les Romains, qui ont réorganisé le site en le laissant sous la protection de la déesse Sulis Minerva.
Les Romains avaient aussi exploité une autre source dans la région de Nîmes, et beaucoup plus tard, à l’époque où la culture française était à la mode, l’eau « Perrier », nommée en l’honneur d’un médecin local, est même devenue le fournisseur breveté de Sa Majesté le roi d’Angleterre. Ces conquérants romains ont aussi mis sur pied le thermalisme à Budapest.
Dans la majorité des cas, plusieurs institutions européennes ayant hérité d’un tel passé offrent aujourd’hui des forfaits d’une durée plus ou moins longue, et destinés à soulager des problèmes tels le rhumatisme et les affections digestives.
La ville de Karlovy Vary (alias Carlsbad), en République tchèque, se distingue des exemples précédemment cités, puisque son origine remonte au 14e siècle. En 2021, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture l’inscrit à sa liste du patrimoine mondial, avec 12 autres centres thermaux reconnus.
Par ailleurs, en Équateur, la ville de Baños s’est bâti une solide réputation, s’appuyant tant sur des apparitions de la Vierge que sur son usage médicinal à l’époque précolombienne. Contrairement aux autres sites, dont la nature est davantage curative, celui de Baños revendique des guérisons de nature miraculeuse.
Conclusion
Peu importe la motivation pour consommer de l’eau minérale, un facteur doit toutefois être pris en considération à notre époque, soit le coût environnemental d’un produit puisé, par exemple à 6 000 kilomètres de chez nous, versus un produit embouteillé ici même, au Québec. Il est important d’encourager l’achat local, d’autant plus que l’industrie canadienne produirait à elle seule environ 100 marques déposées d’eau minérale.