Activer la graisse brune, une clé pour la perte de poids ?

Publié le 9 mai 2019
Écrit par Sylvie Rousseau, nd.a.

Activer la graisse brune, une clé pour la perte de poids ?
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En Amérique du Nord, deux adultes sur trois sont aujourd’hui considérés comme obèses ou souffrent d’embonpoint, et cette tendance s’accélère à l’ère de la malbouffe encouragée par nos sociétés de consommation.

L’obésité est un problème de santé endémique et est le facteur de risque numéro un du vieillissement, entraînant une inflammation généralisée dans l’organisme.

 

L’obésité et l’inflammation

En 2018, une étude entreprise sur des rats a mis en lumière que les cellules du foie des rats minces sont denses et bien organisées alors que les rats obèses ont un foie distendu et désorganisé. De plus, les cellules des rats obèses sont hypertrophiées et bourrées de gras (foie gras). Ces changements dans les cellules graisseuses ont des conséquences négatives sur la santé, parce qu’un foie gras favorise un milieu hautement inflammatoire.

Plus précisément, l’inflammation générale s’installe dans l’organisme et surtout dans l’hypothalamus, le tissu adipeux activant les cellules immunes du système nerveux central, appelé microglie. En activant la microglie, l’obésité altère la façon dont le corps gère son équilibre énergétique et amène des troubles métaboliques.

Quand les tissus adipeux sont surchargés en graisse, un phénomène d’hypoxie (sous-oxygénation cellulaire) s’installe également dans le système. Ce problème entraîne des changements biochimiques importants, dont une altération de l’expression des gènes bloquant le mécanisme de réparation de l’ADN, ce qui peut augmenter les risques de cancer.

On voit apparaître une inflammation touchant le cerveau et les os, amenant des troubles neurodégénératifs et de l’ostéoporose. D’autres dysfonctionnements métaboliques instaurent une résistance à l’insuline, le diabète de type II ou un foie gras. Finalement, l’athérosclérose s’amorce dans les vaisseaux sanguins, augmentant les risques de maladie du cœur et d’infarctus.

 

Graisse brune et graisse blanche

On retrouve dans l’organisme deux types de graisses, soit la graisse blanche, le tissu adipeux majoritaire dans l’organisme, qui assure la production de l’énergie entre les repas. La graisse blanche est malheureusement aussi responsable de troubles d’inflammation et de changements métaboliques. La graisse brune, de son côté, est capable de convertir l’énergie entreposée en énergie utilisable. Elle brûle les lipides pour produire de la chaleur afin de maintenir la température corporelle, contrairement aux adipocytes blancs qui les stockent. On croit que ce tissu pourrait avoir un effet antidiabétique et anti-obésité.

La graisse brune se localise surtout dans le cou, au-dessus des clavicules, près de la colonne et du cœur. Elle est bourrée de mitochondries, nos petites centrales d’énergie. On note également que ce tissu adipeux possède une morphologie pseudo-glandulaire assurée par le système nerveux sympathique adrénergique.

Contrairement aux adipocytes blancs qui contiennent une gouttelette lipidique unique, les adipocytes bruns contiennent de nombreuses gouttelettes plus petites et une plus grande quantité de mitochondries. La couleur brune est due à une quantité non négligeable de fer emmagasiné. La graisse brune est beaucoup plus vascularisée que la graisse blanche, car son besoin d’oxygène est plus important que pour la plupart des tissus. Sa principale fonction est de maintenir la thermogenèse du corps humain par la lipolyse de ses adipocytes.

 

La recherche sur la graisse brune

Jusqu’à tout récemment, la graisse brune et ses effets sur le corps humain nous étaient inconnus. La communauté scientifique a longtemps cru que ce tissu adipeux se retrouvait uniquement chez le nouveau-né. Aujourd’hui, nous avons des preuves qu’il est présent chez les mammifères qui hibernent, mais aussi chez l’adulte humain, surtout chez la femme. Or, il tend à disparaître avec l’âge, spécialement chez les obèses.

Le Dr André Carpentier, un endocrinologue et expert en imagerie moléculaire métabolique multi-organes permettant de localiser in vivo les tissus, leur fonctionnement et les interactions entre organes, s’est intéressé de près à la graisse brune et à son effet sur le corps. À cet effet, l’équipe du Dr Carpentier travaille depuis 2012 sur l’importance de la graisse brune en lien avec la perte de poids. Leurs recherches ont démontré que lorsqu’on expose une personne au froid, soit aux alentours de 18 degrés Celsius, on observe une activation de la graisse brune. Les chercheurs ont noté que non seulement la graisse brune capte plus de gras et de sucre pour produire de la chaleur, mais elle brûle aussi leur propre contenu en graisse.

Le Dr Carpentier en a déduit que la graisse brune joue un rôle essentiel dans le processus d’ajustement de la température corporelle. Son équipe a réussi à démontrer que lorsqu’on bloque l’activation de la graisse brune dans une situation d’exposition au froid, la réaction du corps est alors de frissonner. C’est la première étude à ce jour qui démontre clairement que l’activation de la graisse brune entraîne une utilisation de son propre contenu en graisse et produit de la chaleur chez l’humain (Cell metabolism, janvier 2017).

L’équipe du Dr Carpentier croit que des stratégies sécuritaires par le biais de l’activation de la graisse brune pourraient améliorer la balance énergétique et faire partie de stratégies de prévention de l’obésité et du maintien de la perte de poids à long terme chez les obèses.

 

Les nutriments capables d’activer la graisse brune

De récentes recherches montrent que les herbes médicinales peuvent influencer le cycle de vie et le comportement des adipocytes. Celles dignes d’intérêt contiennent des polyphénols. Le rooibos, une plante d’Afrique du Sud, joue un rôle important sur le métabolisme des graisses en inhibant la production des adipocytes. La rutine, qu’on trouve dans le sarrasin, les raisins, les mûres, les cerises, le ginkgo et l’oignon, quant à elle, mime l’effet du froid sur notre corps et stimule notre production endogène de graisses brunes.

 

La quercétine, un nutriment d’intérêt pour le traitement de l’obésité

La quercétine, un flavonoïde bioactif que l’on retrouve dans les oignons, les pommes, les myrtilles, le thé vert, le chou vert frisé et le raisin rouge, a fait l’objet de plusieurs études en lien avec ce problème de santé. Une étude récente, soit en 2018, a démontré qu’elle pouvait prévenir l’accumulation de gras abdominal chez les rats observés, même en présence d’une diète riche en gras. Elle a aussi démontré sa capacité à changer l’architecture des cellules graisseuses du foie pour la faire ressembler à celle des rats minces.

La quercétine permet l’inhibition du stockage de graisses dans les cellules préadipeuses,

et son efficacité est augmentée lorsqu’elle est associée au resvératrol. Des études ont démontré une réduction des cellules lipidiques de 68 % lorsque les deux polyphénols sont donnés conjointement. Ils tendent même au brunissement des tissus adipeux blancs, limitant ainsi le stockage des graisses.

De plus, la quercétine et le resvératrol en combinaison réduisent considérablement l’inflammation causée par l’obésité. La quercétine contrôle l’expression génétique des molécules inflammatoires, dont les cytokines, et elle abaisse l’inflammation dans l’hypothalamus des rats étudiés.

En conclusion, le processus de vieillissement est une des raisons principales pour lesquelles les humains accumulent excessivement des graisses avec le temps. C’est ce qui explique que l’alimentation et l’exercice, avec l’âge, n’arrivent plus à donner de résultats satisfaisants dans la perte de poids. Il est heureux que des avenues prometteuses comme celles décrites plus haut s’offrent à nous pour aider à enrayer ce fléau actuel qu’est l’obésité.

 

 

RÉFÉRENCES

ANDERSON Robert. « Protect against damage caused by excess weight », Life Extension Magazine, mars 2019,p. 35-39.

FALOON, William. « The seven pillars of successful weight loss », Life Extension Magazine, mars 2008, p. 37-45.

https://www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/recherch e/recherche-details/article/34145/

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25056438