Publié le 27 avril 2018
Écrit par Guillaume Landry, ND.A, M. Sc.
La mer, je l’ai dans le cœur, avec ses goémons de nécropole, et tous ces varechs me jazzent tant que, parmi les algues, je promène cette déraison… – Olivier Barbaroux, océanographe inspiré par Léo Ferré.
Nos mers et nos océans abritent des jardins qui, dans leur infinie sagesse, s’affairent nuit et jour au grand nettoyage des eaux troubles de notre civilisation, mais pas seulement : ils mettent aussi à disposition du règne animal de prodigieux légumes, les algues. Les algues sont enracinées au plus profond du royaume de Poséidon, et voient leur apparition dès le début des premières lignées de l’arbre phylogénétique du vivant. Grâce à elles et à la production d’oxygène qu’elles ont entrepris, il y a environ 3,2 milliards d’années, la planète Terre respire.
L’homme a su tirer parti des vertus nutritives des algues comestibles depuis l’aube de ses jours. On en trouve des traces dans des foyers préhistoriques datant de 14 000 ans, au Chili. Des Vikings aux Péruviens et des Chinois aux Bretons, les algues ont permis pendant des millénaires de sustenter les populations côtières, les voyageurs, les armées, mais aussi les ours, les cerfs ou les lièvres, qui s’en délectent, eux aussi.
Aujourd’hui, elles sont utilisées dans diverses industries de l’agroalimentaire comme engrais, amendements, fourrages ou additifs alimentaires (alginate E401 et agar E407), mais aussi dans les secteurs pharmaceutique, cosmétique, du plastique, des peintures ou encore des biocarburants. On en compte une soixantaine d’espèces comestibles.
Si le prélèvement d’algues en milieu naturel est relativement stable, l’algoculture, tant en eau salée qu’en eau douce, a littéralement explosé (90 % des algues vendues sont cultivées) et pose évidemment des défis de développement durable. En réponseàces enjeux, le Marine Stewardship Council (MSC) et l’Aquaculture Stewardship Council (ASC) ont annoncé, en décembre dernier, la publication du Référentiel Algues ASC-MSC, pendant des populaires sceaux de pêche durable. Les algues sont cultivées dans près de 35 pays, principalement la Chine, le Japon et la Corée.
REMÈDES MARINS
À l’instar du plasma marin d’une entreprise connue qui provient des eaux océaniques abyssales et dont la composition présente une étonnante similitude avec le sérum de notre corps, les algues offrent, elles aussi, une richesse très équilibrée de minéraux, d’oligo-éléments et de vitamines. Ce trésor nutritif naturel, le corps peut l’assimiler de manière optimale, car comme le dit René Quinton:« Notre corps est un véritable aquarium marin vivant. » Par extension, on pourrait dire que les algues sont en communion avec chaque infime partie de notre corps, car leur apport nutritionnel répond précisément aux besoins élémentaires de notre corps.
On y trouve dans des concentrations imbattables : du magnésium, du calcium, de l’iode, du fer, du potassium, du sodium (mais pas trop) et du phosphore (pour les troubles métaboliques). À quoi s’ajoutent de judicieuses proportions de cuivre, de cobalt, de zinc, de bore, de sélénium, de brome, de souffre, de manganèse, de silice, de germanium, etc. ; sans compter quasiment toutes les vitamines, de la chlorophylle, des enzymes, des acides gras omégas-3, des polysaccharides, des polyphénols, des flavonoïdes, des terpénoïdes, des caroténoïdes, la fucoxanthine, et plus encore ; bref, de véritables bombes nutritives et thérapeutiques, ces légumes de la mer. Leur apport protéique est aussi non négligeable : 30 g de nori équivalent à 100 g de steak. Les algues contribuent à la satiété et à un bon transit grâce aux fibres tant solubles qu’insolubles qu’elles contiennent. Notons aussi leur effet détoxifiant en raison des mucilages et de l’acide alginique qui chélatent métaux lourds, résidus de pesticides ou éléments radioactifs, pour que le corps les évacue.
De nombreuses études ont décortiqué les propriétés médicinales des algues, que l’on peut sans risque classer dans la catégorie des superaliments tant leurs bénéfices sont divers. Leur palette de nutriments et aussi, en l’occurrence, leurs polyphénols antioxydants motivent l’intérêt pharmacologique des algues. Les très nombreux phlorotanins (polyphénols des algues) sont parmi leurs molécules actives, qui aident à prévenir les maladies cardiovasculaires, les troubles métaboliques, les pathologies dégénératives et les perturbations hormonales. Leurs minéraux et oligo-éléments activent la farandole enzymatique, rééquilibrent les terrains perturbés ou carencés ainsi que les glandes en besoin (notamment la thyroïde, qui, elle-même, orchestre les surrénales, et tout le métabolisme). Avec l’aide des vitamines, les algues renforcent l’immunité, leurs omégas embellissent nos artères et nourrissent notre cerveau, et leurs fibres affinent notre silhouette… Les polysaccharides qu’elles contiennent sont anticoagulants et antitumoraux. À ce titre, l’incidence du cancer est moindre chez les personnes consommant beaucoup d’algues (14 kg/an/Coréen—7 kg/an/Japonais— 0,1 kg/an/Canadien), aussi probablement du fait de sa teneur en iode, en sélénium et en fucoïdane. Petit clin d’œil local : les laminaria longicruris, algues brunes de Gaspésie, auraient des propriétés antitumorales grâce au laminaran, un sucre de la famille des bêtaglucanes ; et une action antivirale, anti-inflammatoire et anticoagulante du fait des fucanes, un autre type de fibre soluble. Bref, vous l’aurez compris, nous avons ici affaire à des petites perles de santé !
PETIT ABÉCÉDAIRE IODÉ
Vous trouverez des algues rouges, plutôt protéiques ; brunes, plutôt antioxydantes ; vertes, chlorophylliennes ; ou encore bleues, « zenifiantes », bien que chacune procure ces bienfaits dans des proportions relatives. Fraîches, séchées, en paillettes, en poudres, en jus, dans les pâtés, les salades, les soupes, en capsules… des microscopiques telle la chlorelle ou la spiruline, aux géantes laminaires, il y en a pour tous les goûts et tous les styles de vie. Une simple petite cuillère à thé de paillettes suffit à combler les besoins élémentaires journaliers en minéraux et en oligo-éléments. On trouve aujourd’hui dans nos épiceries la plupart des algues communes.
Le nori (Porphyra): laitue pourpre délicate, parfumée et riche en protéines, elle enveloppe les sushis ou craque sous la dent lors d’une collation santé. Émiettée, elle apprête idéalement les assaisonnements, les soupes, les salades et les céréales.
Le petit goémon, plus présent au Canada (Palmaria palmata) ou en Bretagne (Chondrus crispus): très riche en minéraux, notamment en iode, ce qui lui confère son goût salé qui convient bien aux ragoûts, aux pâtés ou comme aromate. Cette dulse mangée crue sera une écume de plaisir pour les amateurs d’authenticité !
L’aramé (Ecklonia bicyclis): algue brune du Pacifique, qui possède une saveur fine et subtile. Riche en calcium, elle se trouve être une solution de rechange parfaite pour le hijiki japonais (Hizikia fusiformis), qui s’est vu retiré du marché canadien à cause de ses concentrations jugées à risque en arsenic.
Les kombus (Laminiaria): ils remettront sur pied les personnes déminéralisées ou en carence d’iode. Leurs rubans bruns coriaces des mers froides peuvent atteindre 60 mètres ! Son glutamate de sodium naturel rehausse les saveurs de nos mets. Le kombu réduit le temps de cuisson des ragoûts et des légumineuses, tout en améliorant leur digestibilité.
La laitue de mer (Ulva lactuca): elle est d’un vert vif, favorable à l’équilibre acidobasique. Sa chlorophylle aide à détoxifier le sang, et sa richesse en fer le renforcera. Corne d’abondance vitaminique, une simple salade de laitue de mer finement ciselée vous procurera une incroyable énergie.
Le wakamé (Undaria pinnatifada): détient chez les algues le titre de champion de la détox, grâce à ses très fortes teneurs en acide alginique, chélateur de métaux lourds, d’ions radioactifs et d’autres résidus polluants. Il est remarquable grâce à ses concentrations en calcium, en magnésium, en phosphore et en fer ; ses feuilles, légères mais au goût robuste, peuvent remplacer le plus rigide kombu, ou simplement agrémenter une salade océane.
Parlons aussi de l’agaragar, qui provient d’algues rouges et qui, en cuisine, comme gélifiant végétal, permet avec son goût neutre de remplacer de manière polyvalente la gélatine animale et ses inconvénients. Assurez-vous toutefois de sa source et de son authenticité, car certains produits vendus comme tels sont issus de l’acide sulfurique… Ses mucilages protègent les intestins, les nettoient et régulent leur motilité. Hypocalorique, il rassasie facilement et contribue à tout bon régime santé. Et puis, il est génial pour s’amuser en pâtisserie !
Enfin, provenant des eaux douces, mentionnons les maintenant célèbres spiruline (Spirulina platensis) énergisante, chlorelle (Chlorella vulgaris), purifiante, ou encore algue bleue-verte AFA (Aphanizomenon flosaquae), régénérante et euphorisante, avec sa phényléthylamine (parmi plus de 115 micronutriments !). Ces unicellulaires extraordinaires méritent à elles seules mille articles, et vos conseillers en santé naturopathes sauront vous expliquer leurs bienfaits. Elles se trouvent avec les suppléments dans tout bon commerce de produits de santé naturels.
Les ouvrages, ou les blogues de recettes qui utilisent les algues, ne manquent pas, pour que vous puissiez agrémenter vos tables de tous ces légumes marins. Les algues sont aisées à cuisiner et ne nécessitent souvent que de simples trempages ou cuissons. Alors, à vos algues, prêts, partez ! En espérant que cet article aura piqué votre curiosité, et vous aura mis l’algue à la bouche !
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