Bien-fondés célestes et terrestres de Noël

Publié le 27 décembre 2022
Écrit par Anny Schneider, autrice, herboriste et poétesse

Bien-fondés célestes et terrestres de Noël

Slam-poésie de saison par Anny Schneider, autrice, herboriste et poétesse

 

 

Le terme Noël vient du latin natalis

Qui signifie « naissance », « renouveau », « nouveauté ».

À Babylone, berceau de la civilisation indo-européenne,

Cinq siècles avant notre ère,

Le solstice était la nuit du triomphe de Nemrod, le chasseur ravageur,

Puis de Baal, le dieu-soleil surgi du chaos,

Seigneur des profondeurs et phare des âmes du Schéol,

Fêté lors de célébrations licencieuses d’une nouvelle année

Tout juste commencée.

 

Aussi, en Égypte ancienne, on fêtait la plus courte nuit

Et la lumière triomphante retrouvée

Avec la naissance d’Osiris, le fils devenu le mari d’Isis,

Reine des Cieux,

Rapports œdipiens aussi imités par les Grecs anciens.

À Rome, c’est Caligula, cruel empereur romain,

Qui décréta que le solstice d’hiver

Marquerait le triomphe de Chronos,

Le maître du temps, celui qui sait compter,

Car il tient le sablier et mesure le monde au compas,

En découpant rigoureusement l’espace dans le temps.

 

Ce fut aussi le prétexte d’une orgie de cinq nuits,

Les saturnales,

Où tout ce qui était interdit fut permis,

Comme la permutation des rôles des esclaves et des maîtres,

Déchus de leurs privilèges pour une semaine.

 

Les Scandinaves, eux, fêtaient à ce moment-là Lunus,

Le dieu de la lune, reine de l’imaginaire.

Ils mangeaient des gâteaux en forme de croissants,

En buvant de l’eau-de-feu, de l’hydromel ou de l’ambroisie

Pour conjurer leurs peurs

Et attiser leur flamme intérieure de barbares conquérants

Machistes, lubriques et sanguinaires.

 

Bûche incandescente, dinde ou oie grasse,

Gui, houx et autres arbres toujours verts,

Symboles-repères païens, universels et transséculaires

Des plus longues nuits d’hiver,

Célébrés partout, sous différents aspects et noms,

Pour saluer l’éternel retour du soleil invaincu.

Du cèdre du Liban, arbre de l’éternité, au cyprès,

Jusqu’au sapin dit de Noël fêté ici aussi,

Tradition de souche alsacienne comme moi.

De Dionysos l’hédoniste à la fée des étoiles,

Réminiscence de la Grande Mère, Sémiramis-Isis ou Marie

Mère des Cieux et de l’enfant-Dieu junior.

Du père Fouettard à saint Nicolas,

Du papa Noël au père Noël Coca-Cola,

Tant de symboles anciens et plus récents retravaillés,

Habilement récupérés,

Qui ont largement dénaturé le sens de la nativité.

Saint Walmart, Canadian Tyran ou Dollarama Made in China,

Comblez-nous de bébelles plus ou moins utiles et éphémères !

 

Depuis toujours, l’homme s’invente des images,

Des figures et des rituels-repères

Pour conjurer la mort et vivifier sa vie.

Mais quoi de mieux pour durer, s’éterniser,

Que d’engendrer nous-mêmes un nouveau-né ?

Effectivement, rien de tel pour se perpétuer

Que se démultiplier et se diviser cellulairement.

Inoculé dans un œuf fertile,

Avec la semence saine de l’homme viril,

Dans un flamboiement orgasmique approprié,

Engendrer un être neuf, un tout nouveau-né.

Apparu dans un palace, un trois et demi, une étable ou un casier,

Un enfant emprunté pour un temps,

Mais libre et unique en soi,

Devenu porteur d’espoir pour toute la lignée,

Voire le monde entier,

Qui contribuera à améliorer la pérennité

De ce que nos ancêtres et nous avons été.

 

« Noël, Noël ! » criaient les Anciens, transportés de joie

N’importe quand dans l’année,

Lors d’une grande victoire, d’une naissance ou d’une nouvelle réjouissante.

Et celui qui, dans notre religion officiellement établie,

Est devenu le prétexte central des célébrations hivernales occidentales :

Jésus, fils de Marie et d’un charpentier de Galilée,

Par l’opération directe du Saint-Esprit —

Sans copulation, c’est fou ! —

N’est pas né à Noël, mais au printemps,

Et n’a jamais aimé ni le faste, ni le luxe, ni la luxure,

Ni les richesses mal acquises, la hiérarchie et autres turpitudes.

C’était en fait un nomade fauché, hippie, anarchiste,

Un androgyne en tunique qui a demandé à être honoré,

Pas dans des temples dorés ou par des rituels compliqués,

Mais en esprit et en vérité.

Dans l’exercice concret et la pratique de l’amour vrai,

Manifesté envers notre plus proche prochain,

Rares sont ceux qui y parviennent au quotidien,

Émetteurs-récepteurs que nous sommes tous,

Liés à la terre et à l’autre par la chair, le cœur et le sang,

Au ciel par l’esprit, l’origine et le devenir,

Fugacement propulsés dans un corps et l’instant passager.

 

Alors, pour nous-mêmes et pour l’autre,

En toute honnêteté,

Quels sont les meilleurs cadeaux à offrir ?

Comme pour le petit enfant souvent bousculé

Par les aléas de la vie moderne si frénétique de ses parents,

Ou encore l’aîné affaibli et esseulé dans sa petite maison ou un CHSLD,

Qui demandent seulement de l’attention et du temps,

Une présence réelle en pleine conscience.

Comme avec l’enfant, à jouer à quatre pattes aux Lego,

À lui lire, à mimer ou à conter des histoires pétillantes,

À bricoler ou à dessiner ensemble,

À écouter surtout.

Sinon, ce qui est apprécié de tous,

Comme pendant la pandémie, pour les malades et les isolés,

Mitonner de bons petits plats santé, à livrer à la porte.

Ou mieux, souper en leur compagnie, les appeler plus souvent,

Leur écrire et leur envoyer de vraies lettres papier illustrées.

Fabriquer des objets, des poupées aux vêtements non standardisés.

Donner les vôtres, bien nettoyés et emballés,

De bons livres aussi, au suivant, qui l’appréciera.

La vie est si chère,

Les garages sont pleins d’objets inutilisés,

Et la planète est saturée de déchets…

 

Sinon, offrir des outils thérapeutiques :

Séance de massage, consultation en herboristerie,

Voire une psychothérapie,

Un abonnement à un magazine santé comme celui-ci

Ou encore un bon d’achat dans un magasin d’aliments naturels,

Tant d’idées de vrais cadeaux à s’échanger,

Outre la vie elle-même et la santé,

Ces cadeaux effectivement les plus précieux,

C’est aimer qui compte et n’a pas de prix,

Car l’absence d’amour est source de tant de maux.

Alors, comme nous l’enseignent le petit enfant et l’aîné en perte de mémoire,

À l’instar de tous les maîtres spirituels de la terre,

Le vrai cadeau, c’est le présent et l’amour qu’on met dans nos échanges,

Car aimer, c’est agir.

De cela, même le plus désargenté en est capable,

Et celui qui en manque,

Au-delà de ses capacités et de sa scolarité,

En comprendra toujours le langage.

Au-delà des mots, les actions révèlent l’intention,

Y compris la bienveillance envers soi-même,

Car, si mon puits est vide, comment pourrais-je t’abreuver ?

 

Même si, à Noël, on veut offrir le meilleur à nos proches :

Plats fins mitonnés en dizaines d’heures,

Bouteilles millésimées, cadeaux hors prix, stress énorme en prime,

Entre cartes de crédit au maximum de leur capacité,

Estomac et foie saturés en plus de nausées comme jamais, avec l’âge,

On anticipe et évite les méfaits de ces démesures.

 

Tant à apprendre encore, y compris de la nature,

De son semblable, même affaibli, démuni et inculte.

Comme un aîné autochtone que tu croises,

Perdu dans le bois d’hiver,

Te guidant vers un refuge chaud et sûr.

Sinon, une présence bienveillante, même invisible,

Qui te répond quand tu l’invoques en état de désespoir,

À appeler du secours, assoiffé dans un désert,

Te remettant sur un chemin où coulent des sources vives,

Te prouvant que tu es une créature bien-aimée,

Faite pour incarner l’amour, la force et la dignité humaine.

Si proche déjà de notre nature féminine maternelle,

D’autant plus de guérisseuse par la nature-mère,

Berceau, source de remèdes et nourricière,

Presque inépuisable ressource de bonté et de beauté.

 

Malgré ces temps troubles et la présence de forces contraires,

Cette ivresse de pouvoir et ces profits mortifères,

Je garde la foi envers le dessein et le génie du Créateur.

 

Parole de renégate protestante atypique,

À la foi souvent vacillante,

Par-delà nos religions, accommodantes ou pas,

Je nous crois tous reliés à l’Unique, à l’Éternel, au Tout-Puissant :

Allah, Brahma, Jéhovah, Gitche Manitou, Wakan Tanka…

Bref, à celui qui manie tout,

Et cela, bien au-delà des fêtes de Noël.

Abondance, amour, paix et joie bien partagés,

Toujours et partout, chaque jour de l’année :

Voilà la formule magique pour perpétuer le vraiment vivant !

 

À tout un chacun, je souhaite un solstice éclairant !