Ces importations qui s’invitent à Noël

Publié le 1 novembre 2024
Écrit par Yves Prescott et Louis Lapointe

Ces importations qui s’invitent à Noël
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Certaines importations alimentaires font leur apparition à l’époque des Fêtes. Leur parcours n’a rien de banal, et de plus, leur origine reste parfois relativement obscure.

 

Le panettone vient immédiatement à l’esprit. Cette gourmandise trouverait ses origines durant l’Empire romain. Il a été modifié au XVe siècle, alors qu’il devient le pain des pauvres (à base de millet). La région de Milan en fit sa spécialité, bien que la recette, telle que nous le connaissons, serait l’œuvre revue et corrigée des créateurs-pâtissiers Angelo Motta et Gioacchino Alemagna (début du XXe siècle).

 

L’immigration italienne a largement contribué à faire connaître ce dessert à l’étranger et, à ce jour, le plus grand consommateur mondial de panettone serait le Pérou. Fait étonnant, le plus grand producteur mondial de ce délice gourmand serait désormais le Brésil; les boulangers italiens réclament à cor et à cri la mise en application stricte de l’AOC (appellation d’origine contrôlée) pour ce dessert emblématique du temps des Fêtes. Cette gourmandise festive est aussi associée à la fête de Saint-Blaise (3 février), saint patron protecteur des maux de gorge.

 

Même si l’on croit qu’il s’agit d’un plat s’inscrivant dans une « tradition » solidement implantée, le parcours du plum-pudding n’est pas pour autant moins tortueux. Cette création, venue d’Angleterre, servait jadis d’accompagnement à des plats salés. On l’a par la suite servie flambée avant que, peu à peu, elle ne devienne à l’époque victorienne un dessert intimement lié au temps des Fêtes. Ce serait le plat le plus anglais, bien que concocté avec des ingrédients pour la plupart importés de l’étranger. Certains experts ont noté qu’après une perte de popularité au Royaume-Uni, les ventes ont connu une croissance notable au cours des dernières années. L’exportation jouit d’une fidèle clientèle en Irlande et dans les pays du Commonwealth, soit en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et aux Caraïbes.

 

Aux Pays-Bas, les « lettres de chocolat » jouissent d’une grande popularité lors de la Fête de Saint-Nicolas, qui correspond davantage à la fête de Noël telle que nous la connaissons. C’est à cette date qu’on offre des cadeaux et, avant l’invention du papier d’emballage, les présents étaient déposés sous un tissu où on plaçait la première lettre du nom de chaque enfant. Il semble qu’à l’origine ces lettres étaient faites de massepain. Dès le début du XXe siècle, la commercialisation des lettres de chocolat n’a été éclipsée que durant les restrictions engendrées par les deux grandes guerres mondiales. Durant ces années de disette, on a dû se contenter de lettres de pain d’épice. Pas nécessaire d’aller aux Pays-Bas pour se procurer ces lettres de chocolat, car elles sont de plus en plus faciles à trouver au Québec.

 

Le spéculoos de Flandre et des Plats Pays est un biscuit fait de farine, de beurre, de cassonade et d’épices, dont les plus populaires sont le poivre blanc, le gingembre, le clou de girofle, la cardamome et la muscade. On les consomme à la Saint-Nicolas, le jour de Noël, ainsi qu’au Nouvel An. Ceux produits dans la ville d’Hasselt, située à environ 80 km à l’est de Bruxelles, jouissent d’une réputation fort enviable. Il est donc peu étonnant que la recette créée par Antoine Duplée (1831-1919) reste un secret bien gardé. Ces biscuits belges, moins épicés que ceux des Pays-Bas, servent de base à une pâte à tartiner disponible chez nous et dont l’apparence n’est pas sans rappeler le beurre d’arachide.

 

Un produit importé a redéfini les traditions du temps des Fêtes dans deux pays bien distincts : le fromage d’Edam, reconnaissable à son enveloppe épaisse faite de paraffine rouge. Inventé au XIVe siècle, il fut exporté aux Philippines, à la période coloniale. Depuis lors, ce qui fut rebaptisé Queso de Bola est devenu un incontournable à Noël (Noche Buena). Ce même fromage devint populaire dans la péninsule mexicaine du Yucatan, mais dans des circonstances tout à fait différentes. Selon la théorie la plus répandue, ce serait à la suite du naufrage d’un bateau assurant le commerce avec les colonies néerlandaises aux Antilles que ces boules flottantes ont attiré l’attention des riverains. Le fromage édam, importé ou version locale, demeure un incontournable des repas de Noël, comme c’est le cas aux Philippines, situées à 15 000 km de là.

 

On doit aussi mentionner le bratwurst, cette saucisse dont certains écrits témoignent de sa popularité dès 1313. Ce mets reconnu pour son IGP (indication géographique protégée) fait fureur dans les marchés de Noël en Allemagne. Si vous êtes dans l’impossibilité de vous rendre en Europe à cette période de l’année, il est possible de les déguster à Québec pendant le marché de Noël allemand, cette grande foire à saveur européenne qui en est rendue à sa 17e édition.

 

Pour sa part, le foie gras, produit de luxe, serait devenu partie intégrante d’un repas des Fêtes de fin d’année en France. Selon certaines sources, le foie gras serait né dans la Rome antique, alors que d’autres experts sont plutôt d’avis que ce serait à Strasbourg que l’on aurait perfectionné la recette. Au XVIIIe siècle, le foie gras était consommé par une élite. Après la Deuxième Guerre mondiale, une certaine standardisation de la fête de Noël s’est produite en Europe.

 

Depuis les 50 dernières années donc, les Français consomment environ les trois quarts de cette spécialité culinaire produite dans l’Hexagone. Les clients étrangers devront se contenter des invendus, sa diffusion à l’étranger étant restreinte, compte tenu de l’interdiction de vente en vigueur dans plusieurs pays et États américains. L’importation au Canada est officiellement interdite, bien qu’un produit empaqueté sous vide soit toléré. Les amateurs savent néanmoins qu’on en produit désormais au Québec.

 

L’immigration française connaît chez nous une croissance notoire : de 3 000 à 4 000 Français s’établissent chez nous chaque année. Est-ce dire qu’un jour le foie gras deviendra aussi un incontournable des repas de Noël à la québécoise?

 

Passez un agréable temps des Fêtes et bon appétit!