Commencer à courir : petit guide pratique pour partir du bon pied

Publié le 15 juin 2017
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Commencer à courir : petit guide pratique pour partir du bon pied

L’arrivée de la saison estivale renforce le désir de plusieurs d’augmenter leur niveau d’activité physique.

 

Afin d’accomplir cette mission, quoi de plus agréable que de pratiquer une activité qui nous permet de brûler des calories tout en sentant le vent dans nos cheveux et la caresse du soleil sur notre peau ? Qui plus est, la course à pied est accessible à pratiquement tout le monde. Un sentier à suivre, une bonne paire d’espadrilles et c’est parti !

En plus de prévenir les risques de maladie cardiovasculaire, la pratique régulière d’activité physique comportant de petits impacts, comme la course à pied, aide à prévenir une maladie qui fragilise les os : l’ostéoporose. Lorsque pratiquée sainement, cette activité est à la fois agréable, énergisante et efficace. Toutefois, malgré leur motivation sincère, plusieurs personnes doivent renoncer à courir peu après avoir enclenché leur processus de remise en forme. Le plus souvent, leurs pieds, leurs jambes, leurs genoux ou leurs hanches ne tolèrent plus cette activité physique. Pourquoi ? Que peuvent-ils faire pour recommencer à courir sans malaise ?

 

RIEN NE SERT DE COURIR… SI ON NE PART PAS À POINT !

Avant toute chose, il est très important de comprendre un principe fondamental pour éviter les blessures liées à l’activité physique. Le corps humain est extraordinairement bon pour s’adapter aux stress que nous lui soumettons. Car oui, pour lui, la course est une forme de stress. Le mot « stress» a une connotation très négative, de nos jours, mais il faut se rappeler que, à la base, il sert simplement à définir une stimulation. Ainsi, la course est un stimulus que nous imposons à notre organisme pour provoquer une réaction d’adaptation.

Or, il faut comprendre que notre corps, bien qu’il en soit capable, met un certain temps à s’adapter à une situation, temps qui variera selon de multiples facteurs, comme l’âge du participant et sa condition physique de base. Ainsi, plusieurs personnes doivent apprendre à modérer leurs ardeurs quant à la course à pied. Si l’on a passé l’automne, l’hiver et le printemps sur un mode sédentaire, qu’on possède un surplus de poids et que l’on n’a jamais pratiqué la course à pied, même courir une faible distance peut imposer un stress trop grand à notre organisme. C’est à ce moment que les blessures apparaissent et qu’elles peuvent servir d’argument pour se décourager. « Ça me fait mal quand j’essaie de courir, alors ça ne doit pas être une activité faite pour moi » devient un discours facile à tenir.

L’adage « un petit pas à la fois » n’est jamais aussi vrai que lorsqu’on commence (ou recommence) à courir. Soyez d’abord conservateur. Testez une courte distance (qui variera selon l’état de départ du participant, mais elle peut aller jusqu’à 1 km) et évaluez, dans les 48 heures suivantes, comment votre organisme gère ce nouveau stress. Si tout va bien, parfait : augmentez la distance la prochaine fois, après une journée de récupération… Toujours graduellement.

Non seulement cette méthode de progression aide-t-elle à prévenir les blessures, mais elle renforcera votre motivation en vous permettant l’atteinte de petits objectifs graduels. C’est très motivant ! Vous pouvez également utiliser une méthode par intervalle pour vous permettre de courir plus longtemps tout en laissant le temps à votre organisme de s’adapter au stress des impacts sur le pavé. Pour ce faire, une montre chronomètre est très utile. Vous pouvez commencer, par exemple, à courir pendant 30 secondes en alternant avec des périodes de marches d’une à deux minutes. Au fil des semaines, vous réduirez le temps de marche pour progresser vers une période de course continue. Le mot clé est « progressif ».

 

IL FAUT AVANT TOUT APPRENDRE À COURIR

Le principe physique d’action-réaction implique que, lorsque notre pied entre en contact avec le sol à chaque foulée, la force d’impact que nous transmettons au sol nous est retournée par ce dernier. Cette force remonte par toutes nos articulations jusqu’à ce que l’énergie soit dissipée par les tissus mous de notre organisme. Donc, pour chercher à ne pas heurter nos articulations lorsqu’on court, il faut s’assurer que notre technique est adéquate pour amortir et dissiper cette énergie. L’anatomie de notre corps a évolué pour être très efficace dans ces tâches, mais, malheureusement, ce principe est souvent négligé lors de nombreux cas de douleur aux membres inférieurs : pied, cheville, genoux, hanches, bas du dos, etc.

On pourrait croire que le choix de souliers dont la semelle est très épaisse (donc amortissante) joue un grand rôle dans la dissipation de cette énergie. C’est un concept très séduisant qui a servi à vendre beaucoup de chaussures pour un grand nombre de compagnies. Malheureusement, ce n’est souvent pas le cas. Avant d’utiliser une chaussure très « techno », il faut d’abord savoir courir. Pourquoi ? Car la science a démontré que la technique de course de l’individu change selon le style de la chaussure.

Des scientifiques spécialisés en biomécanique et en kinésiologie (étude du mouvement humain) ont observé que la technique de course d’individus courant pieds nus, exempts de douleurs, consiste à amortir l’impact au sol avec l’avant de leurs pieds. Anatomiquement, la structure de l’avant-pied de notre espèce, homo sapiens, répond très bien à ce rôle.

Après tout, nos ancêtres ont traqué leurs proies sur de longues distances pendant des centaines de milliers d’années. Cette technique de chasse leur rapportait gros, car, bien que moins rapides que leurs proies, les êtres humains ont développé une capacité d’endurance beaucoup plus élevée. Ainsi, nos ancêtres parvenaient à obtenir de la viande en traquant les animaux sur de longues distances et en poussant leurs futurs repas jusqu’à l’épuisement.

Si vous êtes sceptique par rapport à cette technique de course innée, vous pouvez essayer de courir pieds nus (dans un endroit sécuritaire, bien sûr) en portant attention à la manière dont vous placerez vos pieds d’instinct pour ne pas vous faire mal. Ilya fort à parier que votre contact au sol ne se fera pas avec force avec votre talon.

Lors de ces essais, les scientifiques ont aussi observé que les individus courant avec des chaussures aux semelles très absorbantes modifiaient leur technique. Ainsi, ils foulaient le sol en premier avec leurs talons. Lorsqu’on a mesuré, à l’aide d’appareillages sophistiqués, la quantité de force qui traversait le squelette des participants, les impacts au sol étaient nettement plus puissants chez les sujets qui couraient avec les souliers « amortisseurs » que chez ceux qui couraient pieds nus.

En conclusion, l’utilisation de souliers à la semelle très épaisse donnait un faux sentiment de sécurité aux coureurs. Les modifications de la technique de course qui en résultaient soumettaient leurs articulations à de plus grosses forces d’impact. À moyen et long termes, ces forces plus importantes auraient encouragé le développement de troubles variés des membres inférieurs : périostite, douleurs au genou, douleurs aux hanches, etc. Morale de l’histoire : plus que le choix des chaussures, il vaut mieux avant tout apprendre à bien courir. Certes, vous pourriez vous exercer à courir pieds nus. Puisque ce n’est pas une option praticable pour tout le monde, vous pourriez aussi vous tourner vers un kinésiologue expérimenté pour évaluer votre technique de course.

En résumé, il faut toujours prendre en considération chaque personne de manière individuelle lorsqu’on cherche à résoudre une problématique liée à la pratique d’une activité physique comme la course à pied. Cependant, très souvent, la progression a été faite de manière inadéquate et la technique doit être améliorée. Les chances de succès pour recommencer à courir sans douleur sont beaucoup plus élevées lorsqu’on choisit d’agir de manière proactive.

 

RÉFÉRENCE

BRAMBLE, Dennis, et coll. « Endurance running and the evolution of Homo », Nature, no 432, p. 345-52, 2004.