
Publié le 1 avril 2025
Écrit par Sarah-Maria LeBlanc, HTA, MA
Bien qu’encore méconnue et trop souvent banalisée, la dépression post-partum est une réalité vécue par un très grand nombre de mères. Alors que l’être tant attendu vient enfin de naître, le corps et le cœur ne suivent plus pour profiter d’une période que l’on espérait remplie de joie et de découvertes. La culpabilité, l’autojugement et la honte s’ensuivent et entraînent la nouvelle mère dans une spirale dépressive qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Quels sont les facteurs contribuant à cet état? Y a-t-il des plantes médicinales qui peuvent soutenir cette transition importante?
Jusqu’à très récemment, je pensais – comme c’est largement admis – que la dépression post-partum était principalement liée aux changements hormonaux d’estrogène et de progestérone. La recherche démontre toutefois qu’elle est plutôt créée par une multitude de facteurs, dont les hormones, mais que ce sont les facteurs psychosociaux qui ont le plus d’importance. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, ce type de dépression est vécue par différents groupes ethniques de plusieurs classes sociales, et ce, dans plusieurs pays. Le fait est que tout ce qui entoure la mise au monde d’un enfant dans notre société hypermoderne actuelle peut être en soi un grand stress, sans même parler de l’adaptation naturelle qu’exige l’arrivée d’un bébé dans nos vies, et ce, peu importe notre culture et l’endroit où nous sommes sur la planète.
Or, la dépression peut créer des dommages bien réels sur la santé de la mère et de l’enfant. Outre les enjeux de santé mentale, elle augmente chez la personne qui en souffre les risques de troubles cardiovasculaires ainsi que leur intensité, crée de l’inflammation systémique et diminue la capacité du système immunitaire. Elle peut également compromettre le développement in utero et après la naissance, causant des problèmes d’anxiété, des troubles psychomoteurs et des défis d’apprentissage.
Cependant, il me semble important de ne pas ajouter sur les épaules des mères, qui en ont déjà assez, ce fardeau de responsabilité face à la dépression post-partum. La psychologue et chercheuse internationale Kathleen A. Kendall-Tackett explique bien l’importance de l’inflammation dans ce problème de santé. Lorsque l’humain est soumis à un stress, il va tôt ou tard sécréter du cortisol, ce qui diminuera la réponse inflammatoire, ces fameuses cytokines qui ont défrayé la chronique pendant la pandémie. La recherche démontre que les personnes en dépression ne répondent pas au cortisol ou ont des taux anormalement bas, ce qui fait en sorte qu’un état inflammatoire chronique s’installe. Or, l’inflammation diminue la sérotonine en diminuant son précurseur, le tryptophane. C’est ainsi que se crée un cercle vicieux; la fatigue due au manque de sommeil (bébé ne fait pas ses nuits) augmente l’état dépressif et inflammatoire et déséquilibre notre système endocrinien, ce qui peut créer un chaos hormonal et augmenter l’intensité des symptômes.
Bref, une fois la spirale enclenchée, en plus de la survie au quotidien, du peu d’énergie dont les nouveaux parents disposent et de l’absence très fréquente d’une communauté solidaire, il est difficile de s’en sortir naturellement. Si certaines se tournent vers les médicaments antidépresseurs, d’autres préfèrent recourir à des moyens naturels. Une méta-analyse de 2004 a démontré que dans 67 études dans lesquelles on étudiait la relation entre 15 antidépresseurs et l’allaitement, on a retrouvé des métabolites de tous ces antidépresseurs dans le lait maternel. C’est là que les suppléments et les plantes médicinales peuvent agir, de concert avec des mesures psychosociales.
Avant de vous présenter quelques plantes, rappelons que plusieurs végétaux qu’on mange contiennent du tryptophane, dont j’ai parlé précédemment, notamment les brocolis et verdures foncées, les fèves de soya, les graines de citrouille et de tournesol. Bien que ces aliments ne contiennent pas assez de précurseurs de la sérotonine pour soigner une dépression majeure post-partum, les inclure dans notre quotidien ne peut pas nuire. On recommande également de consommer des aliments riches en oméga-3 ou, encore mieux, adopter une supplémentation ajustée. Les oméga-3 sont reconnus pour leur efficacité dans la dépression post-partum et la réduction de l’inflammation. Ils passent dans le lait maternel et les effets sont bénéfiques pour le poupon. Ils sont facilement accessibles et s’intègrent bien dans une routine. Enfin, voici quelques plantes qui sont utilisées lors du post-partum dans une intention d’autosoin ou en accompagnement avec des herboristes-thérapeutes.
Millepertuis (Hypericum perforatum)
Connue dès le Moyen Âge comme une plante solaire qui éloignait les démons, le millepertuis a démontré depuis longtemps son efficacité à traiter la dépression. Bien que pendant longtemps la science ait concentré ses efforts sur l’hypericine, l’un de ses constituants, on sait aujourd’hui que plus de dix constituants jouent un rôle synergique dans ses effets sur notre système nerveux. C’est ce que les herboristes savent et répètent depuis toujours; la plante entière est toujours plus efficace et sécuritaire qu’un extrait de ses constituants. De plus, le millepertuis est un anti-inflammatoire reconnu, modulant la production de cytokines et inhibant des marqueurs inflammatoires. Peut-on le prendre durant l’allaitement? En fait, il est généralement considéré comme sécuritaire même durant cette période.
Bien qu’on retrouve l’un de ses constituants, l’hyperforine, en très petites quantités dans le lait maternel, il n’a pas d’effet secondaire sur le bébé, à part quelques rares cas de coliques ou de somnolence. Le plus grand défi du millepertuis, c’est son interaction avec plusieurs médicaments et hormones. Mieux vaut éviter les mélanges lorsqu’on utilise cette fleur de soleil. Le millepertuis est plus efficace frais, donc éviter les tisanes et produits de fleurs séchées qu’on trouve sur le marché et choisir plutôt du millepertuis en huile ou en teinture. Lors de l’allaitement, on peut le prendre à raison de 1 à 2 ml deux fois par jour.
Agripaume (Leonorus cardiaca)
L’agripaume est une magnifique plante utilisée traditionnellement en fin de grossesse pour préparer à l’accouchement, tout comme en post-partum pour soutenir l’adaptation émotionnelle à la maternité. Son nom anglais est d’ailleurs motherwort, ce qui démontre son affinité historique avec les mamans. Anxiolytique, elle diminue le stress et le sentiment d’anxiété, particulièrement celui qui nous prend à la poitrine et désorganise nos journées. L’agripaume est également tonique du cœur, puisqu’elle soutient notre système cardiovasculaire et diminue les palpitations. Elle est considérée comme une plante sécuritaire pendant l’allaitement et peut être combinée à des médicaments. On peut la prendre en teinture (elle est extrêmement amère lorsque prise séchée), à raison de 1 à 3 ml, une à trois fois par jour.
Basilic sacré (Ocimum sanctum)
Le nom sanskrit de cette plante, tulsi ou tulasi, voudrait dire « immesurable ». J’ai vu plusieurs autels dédiés à cette plante en Inde, où elle est très honorée. Elle est perçue comme une manifestation de la déesse de l’abondance Lashkmi, compagne du dieu Vishnou. Bref, c’est une plante qui élève, qui nous aide à prendre de l’altitude face à notre vie. Elle nous permet de sentir un accès plus fluide vers nos ressources intérieures. De façon plus concrète, c’est une plante adaptogène et un tonique nerveux, qui module particulièrement nos systèmes endocrinien et nerveux, amenant un sentiment de calme et de détente générale. Elle régularise la sécrétion de cortisol, diminue le stress et favorise un sommeil plus réparateur. De plus, son effet régulateur de la glycémie peut être d’un grand soutien quand le sucre devient une dépendance qui aide momentanément à passer à travers la journée, mais qui finit par créer plus d’anxiété et de fatigue à la longue.
Le tulsi a également des propriétés anti-inflammatoires. À ce jour, on ne trouve aucune étude concernant l’innocuité du basilic sacré lors de l’allaitement. Cependant, son usage empirique par les femmes allaitantes depuis longtemps la démontre. Elle est suggérée par Marie-Soleil Larouche, herboriste-thérapeute accréditée et infirmière clinicienne, dans son petit guide d’herboristerie périnatale, comme plante utile en cas de montagnes russes post-partum. On peut la prendre en tisane à raison de quelques plantes par jour ou en teinture, 1 ml, une à trois fois par jour.
Scutellaire (Scutellaria lateriflora)
La scutellaire est la plante anxiolytique par excellence : elle permet de stopper ou du moins de diminuer le flot incessant de pensées anxiogènes qui nous assaillent lors des moments de stress intense. La recherche démontre son efficacité comme nervin calmante dans les cas de stress, d’anxiété, de dépression, d’épuisement et de troubles du sommeil. Comme le millepertuis, son effet est plus évident lorsqu’elle est consommée fraîche. La tisane de scutellaire est tout de même efficace, possédant un effet moins anxiolytique, mais plus sédatif. On a cru pendant quelques années qu’elle pouvait s’avérer hépatotoxique, alors qu’il s’agissait en fait d’une falsification ou contamination d’un ou de plusieurs produits sur le marché avec une lamiacée qui lui ressemble, la germandrée petit-chêne. Celle-ci est effectivement hépatotoxique chez certaines personnes et est maintenant interdite à la vente dans certains pays.
Bref, la scutellaire est bel et bien sécuritaire en tout temps, en autant qu’on la prenne d’herboristeries reconnues, qui fabriquent leurs produits à partir de leurs jardins. On peut l’utiliser en tisane calmante au besoin à raison de 5 ml pour 250 ml d’eau (1 c. à thé par tasse d’eau), 250 à 500 ml (une à deux tasses) par jour, ou en teinture pour diminuer l’anxiété à raison de 1 à 2 ml, trois ou quatre fois par jour. Elle se mélange bien avec l’agripaume.
En conclusion, j’ai nommé ici quelques plantes pouvant être utilisées dans la dépression post-partum, et il en existe plusieurs autres très intéressantes à explorer. Bien que la plupart des sites soient très prudents sur les plantes et l’allaitement, il existe quelques recherches qui prouvent l’innocuité des plantes communément utilisées… et un usage empirique de quelques millénaires par des femmes allaitantes.