Publié le 16 avril 2019
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
Depuis quelques années, il est beaucoup question de l’importance du microbiote intestinal pour notre santé en général.
L’abondance d’information entourant cette thématique a toutefois comme conséquence que nous associons maintenant systématiquement le terme « microbiote » aux communautés de microorganismes peuplant notre système digestif tout en oubliant que l’humain n’héberge pas un, mais plusieurs microbiotes. En effet, en plus du microbiote intestinal, nous sommes notamment dotés d’un microbiote cutané, d’un microbiote des voies oropharyngées et d’un microbiote vaginal. Beaucoup moins connu, mais pourtant ô combien important, le microbiote vaginal mérite qu’on l’apprivoise et qu’on apprenne à en prendre soin.
À la découverte du microbiote vaginal
La composition et le bon fonctionnement du microbiote vaginal contribuent à la protection de cet écosystème fragile associé à l’état de santé global de la femme. On croit que les microorganismes peuplant la cavité vaginale agissent entre autres comme première ligne de défense du tractus urogénital.
Lorsque le microbiote vaginal est sain et équilibré, on trouve entre 100 millions et 1 milliard de microorganismes par millilitre de sécrétions vaginales. Bien que la composition « normale » du microbiote soit aussi unique que nos empreintes digitales, la cavité vaginale en bonne santé renferme surtout des groupes bactériens (ou phyla) appartenant majoritairement aux Firmicutes, avec une forte prédominance de lactobacilles. Des analyses démontrent que chez 70 % des femmes en âge de procréer, les lactobacilles dominants sont issus d’un des quatre sous-groupes suivants : L. crispatus, L. gasseri, L. jensenii et L. iners. Un dernier groupe présente peu de lactobacilles, mais plutôt, différentes proportions de bactéries anaérobies, incluant Gardnerella, Atopobium, Mobiluncus, Prevotella ainsi que des bactéries de type Clostridiums.
Toutefois, la composition du microbiote vaginal est dynamique et peut changer à l’intérieur de 24 heures ! Le taux d’estrogènes semble favoriser la prédominance en lactobacilles grâce à l’accumulation de glycogène leur servant de nutriment dans l’épithélium de la muqueuse vaginale. La composition varie aussi en fonction de l’appartenance ethnique et est généralement plus stable durant la grossesse.
Précieux lactobacilles
La niche écologique vaginale est favorable à la prédominance de lactobacilles notamment parce qu’ils sont résistants à l’oxygène ainsi qu’à l’acidité du vagin. La concentration élevée en lactobacilles contribue au bon équilibre de la flore, notamment grâce à leur production d’acide lactique qui maintient le pH vaginal autour de 4,5i . L’acide lactique semble jouer un rôle dans l’immunité innée et acquise de l’hôte par l’intermédiaire de l’activation de cytokines anti-inflammatoires et de lymphocytes T auxiliaires ainsi que la potentialisation de l’interleukine-23.
Il existe différents produits naturels sous forme d’ovules vaginaux en vente en magasin ou à préparer soi-même. Il a été démontré que l’administration de probiotiques par voie vaginale pour réensemencer la flore en lactobacilles permet de réduire le risque de récidive de vaginosesiii.
Les lactobacilles ont recours à d’autres moyens pour empêcher la colonisation d’espèces pathogènes tels que la production de biosurfactants qui empêchent leur adhésion à la muqueuse vaginale et de substances bactéricides comme les bactériocines et le peroxyde d’hydrogène en plus de rivaliser pour l’espace et les nutriments. Avouez que c’est tout de même impressionnant !
Les ennemis de nos amis
Plusieurs facteurs affectent la quantité des lactobacilles, incluant le déséquilibre hormonal, la prise d’antibiotiques, d’antifongiques, de corticostéroïdes ou de contraceptifs oraux, l’activité sexuelle, une hygiène excessive ou inadéquate, le stress, la cigarette, les infections vulvo-vaginales, la consommation excessive de sucre ou d’alcool, etc.
Lorsque le milieu vaginal devient moins acide, les autres micro-organismes comme par exemple les bactéries anaérobies qui composent la flore vaginale peuvent proliférer au point de la déséquilibrer et provoquer une dysbiose.
L’absence de lactobacilles ou leur quantité insuffisante dans le microbiote vaginal est associée à un risque accru de vaginose bactérienne, de vulvo-vaginite candidosique (ou vaginite à levures), d’infections urinaires et de complications obstétricales telles que fausses couches, rupture prématurée des membranes, accouche ment prématuré, détresse respiratoire à la naissance du bébé, etc. ii
Traitements conventionnels
Le recours aux traitements antimicrobiens tels que le metronidazole constitue l’approche conventionnelle privilégiée depuis une quarantaine d’années. Leur efficacité est variable (aussi basse que 61 %) en raison notamment de résistances bactériennes, et les rechutes sont fréquentes. De plus, ces traitements induisent une dysbiose favorisant la prolifération subséquente de bactéries et de levures pathogènes. Quant aux antibiotiques, ils détruisent également nos bactéries bénéfiques et induisent la dysbiose.
Prendre soin de nos amis
En plus de la prise de probiotiques par voie orale ou vaginale, il existe d’autres moyens naturels de favoriser la bonne santé du microbiote vaginal.
Un microbiote vaginal en bonne santé ne dégage pas de mauvaises odeurs. Si cela peut vous rassurer, sachez qu’il est même très prisé de certains ! En effet, l’entreprise polonaise The Order of Yoni commercialise une bière à base de culture bactérienne vaginale iii !
Les probiotiques, nos alliés
La supplémentation orale en lactobacilles permet de rééquilibrer le microbiote vaginal, puis que les bactéries peuvent migrer depuis le côlon jusqu’au vagin par le périnée. Il existe aussi différents produits naturels sous forme d’ovules vaginaux en vente en magasin ou à préparer soi-même. Il a été démontré que l’administration de probiotiques par voie vaginale pour réensemencer la flore en lactobacilles permet de réduire le risque de récidive de vaginosesiii.
Toutefois, lorsque nous avons recours à un probiotique en prévention ou pour soulager les symptômes d’inconfort des voies génito-urinaires, nous devons garder en tête que tous les lactobacilles n’ont pas les mêmes propriétés. Il faut donc favoriser des produits contenant des souches colonisant le vagin telles que L. gasseri. De plus, le nombre de bactéries par capsule et la quantité de souches présentes dans un produit ne garantissent aucunement son efficacité. On doit plutôt s’assurer d’utiliser des produits testés chez les femmes et éprouvés cliniquement afin de s’assurer de l’efficacité de ces souches et de leur compatibilité entre elles.
En conclusion
Le microbiote vaginal est d’une importance capitale pour la santé des femmes et il influence grandement notre fertilité, le bon déroulement de nos grossesses et même la santé des nourrissons ! Puisque nos bonnes bactéries sont des êtres vivants partageant une relation symbiotique avec nous, tout ce qui nous affecte aura aussi un impact sur notre microbiome, et vice versa. Une flore bactérienne en mauvais état est habituellement le reflet de déséquilibres systémiques, voire émotifs que nous devons adresser de façon globale. Ce n’est pas surprenant que les médicaments conventionnels ne procurent généralement qu’un soulagement temporaire des symptômes.
RÉFÉRENCES
i CASSARD, A-M., et M. THOMAS. Les microbiotes humains : des alliés pour notre santé. https://www.encyclopedieenvironnement.org/sante/les-microbiotes-humains-desallies-pour-notre-sante/
ii THOMAS, A. « The Vaginal Microbiota and Influence of Select Probiotic Lactobacilli Strains », Townsend Letter, février/mars 2018. http://www.townsendletter.com/FebMarch2018/vaginal0218.html
iii LARSSON, PG, et autres. « Human lactobacilli as supplementation of clindamycin to patients with bacterial vaginosis reduce the recurrence rate; a 6-month, doubleblind, randomized, placebocontrolled study », BMC Womens Health, vol. 8, no 3, 15 janvier 2008, Brevet Français N°1256569 – Souche de Lactobacillus crispatus IP 174178.
iv http://orderyoni.com/