Course à pied et douleur au genou : le syndrome de l’essuie-glace

Publié le 7 août 2021
Écrit par Nicolas Blanchette, D.O., B. Sc. kinésiologie

Course à pied et douleur au genou : le syndrome de l’essuie-glace
Atelier Deuil-Temps des fêtes

Les douleurs aux genoux ont été rapportées comme pouvant limiter la mobilité et avoir un impact négatif sur la qualité de vie chez près de 25 % des adultes. Aussi appelé « syndrome de la bandelette ilio-tibiale », le syndrome de l’essuie-glace est la première cause de douleur latérale au genou chez les coureurs et les coureuses. Identifié pour la première fois chez les militaires américains de la marine en 1975, ce problème affecte régulièrement les coureurs et les coureuses sportifs et récréatifs, mais aussi les cyclistes, les skieurs et les skieuses, les joueurs et les joueuses de hockey, de basketball et de soccer.

 

Une cause incertaine

Tous les syndromes musculosquelettiques sont, par nature, multifactoriels. Celui-ci ne fait pas exception. Anatomiquement, la bande ilio-tibiale est un grand tendon des muscles fessiers qui descend le long de la face externe de la hanche et s’insère sur le tibia. Initialement, les chercheurs croyaient que la cause du syndrome de l’essuie-glace (en anglais, Iliotibial Band Friction Syndrome) était une friction répétée de ce tendon contre le côté externe du genou lors de la course. Les recherches récentes remettent cependant en cause ce mécanisme de blessure : on privilégierait davantage un effet de compression du tendon contre un coussinet graisseux du genou comme étant à l’origine de la douleur. D’autres chercheurs avancent qu’il s’agirait plutôt d’une inflammation prolongée d’une bourse localisée entre la bande ilio-tibiale et l’épicondyle externe du genou. Bref, ce n’est pas encore clair à ce jour. Heureusement, les façons de venir à bout de ce syndrome, elles, sont bien connues.


Déficit de souplesse ?

Traditionnellement, des exercices de souplesse (étirements) étaient recommandés pour aider à se rétablir de cette blessure. La raison était que, en assouplissant la bande ilio-tibiale, cette dernière frotterait moins sur les structures du genou latéral lors des cycles flexion-extension du genou. Cela semble avoir du sens, en principe, et pourtant…

Les données scientifiques récentes nous ont montré que la structure que l’on cherchait à assouplir, la bande ilio-tibiale, était en réalité inextensible et impossible à déformer de la sorte. Qui plus est, nous savons maintenant qu’il n’y aurait pas davantage à l’assouplir, de toute façon. Les exercices de souplesse pour la bande ilio-tibiale devaient donc être remplacés par des méthodes plus à jour et mieux éprouvées. Si les étirements ne fonctionnent pas, qu’est-ce qui a été démontré comme ayant un effet positif ?

 

Déficit de contrôle et de force ?

Une diminution du contrôle moteur et de la force autour de l’articulation de la hanche a été remarquée dans plusieurs études chez de nombreux sujets présentant un syndrome de l’essuie-glace. À ce jour, les chercheurs croient qu’il s’agit d’un facteur-clé dans le développement du problème. Ceux-ci ont remarqué des déficits de contrôle et de force, particulièrement dans les mouvements d’abduction et de rotation externe de la hanche du côté du genou douloureux. Les chercheurs ont aussi constaté que, tout comme pour le syndrome fémoro-patellaire, une autre blessure problématique du genou, les coureurs et les coureuses touchés par le syndrome de l’essuie-glace généraient davantage d’adduction de la hanche lors de leurs foulées. C’est-à-dire, leurs genoux avaient tendance à se déporter davantage vers l’intérieur lors de l’appui au sol que chez les sujets sans douleur. Les muscles qui s’occupent à la fois de produire de la force dans les mouvements d’abduction et de rotation externe de la hanche, ainsi que de stabiliser le genou lors de la foulée, sont les muscles fessiers. Ainsi, il semble que ces derniers ne doivent pas être assouplis davantage, mais bien renforcés pour aider à résoudre le syndrome.

Les exercices de renforcement peuvent être subdivisés en trois catégories qui seront intégrées graduellement. Au niveau 1, on sélectionne des exercices utilisant le poids du corps avec des charges plus faibles. Au niveau 2, on augmente graduellement la charge et on commence à inclure davantage d’exercices en chaîne fermée (avec les pieds en appui au sol). Au niveau 3, on réintroduit progressivement les exercices avec impacts comme les sauts. Chaque étape peut prendre une ou plusieurs semaines, selon la sévérité du syndrome et la progression du patient ou de la patiente.

 

 

Volume de course et technique

Les chercheurs ont aussi trouvé que, chez les coureurs et les coureuses développant le syndrome de l’essuie-glace, des erreurs relatives à la programmation de l’entraînement de course étaient présentes chez 60 % des cas. Augmenter le temps de course ou la distance de course trop rapidement pouvait en effet contribuer au développement de cette blessure. Une règle de progression de base en course à pied stipule que, pour éviter les blessures de surutilisation et laisser suffisamment le temps à l’organisme de s’adapter au stress de la course, il faudrait augmenter d’un maximum de 10 % le temps ou la distance parcourue par semaine. Dans les pays nordiques, les gens ne courent souvent pas durant l’hiver. Trop souvent, ils reprennent leur volume de course là où ils l’ont laissé l’été précédent, sans laisser assez de temps à l’organisme pour s’adapter graduellement aux nouvelles demandes.

La technique de course pourrait également être en cause dans ce syndrome, particulièrement si cette dernière génère beaucoup de déplacement du genou vers la ligne médiane du corps lors de la foulée (adduction). Des modifications dans la technique elle-même ou dans les souliers peuvent alors être à prendre en considération. Des souliers supportant les arches plantaires (ou des orthèses) peuvent stabiliser davantage les pieds. Cela aura pour effet de réduire le déplacement du genou vers l’intérieur lors de la course.

 

L’effet de la sensibilisation centrale

La sensibilisation centrale est un mécanisme de protection normal du système nerveux lorsqu’on s’expose à de la douleur trop fréquemment. Ce mécanisme fait en sorte d’abaisser notre seuil de sensibilité dans le but de nous protéger. C’est pour cela que, si on ne prend pas en charge le problème rapidement, nous serons de moins en moins capables de courir longtemps avant l’apparition de la douleur. Le principe no pain no gain ne s’applique pas ici !

Pour désensibiliser le système nerveux, il faut respecter une règle en douleur appelée « point d’inflexion ». Simplement, il faut veiller à ne pas franchir le seuil de temps ou de distance qui permet à la douleur d’augmenter lors de la course. Disons que votre genou vous incommode à une douleur subjective de 2/10 dans la vie de tous les jours. Lorsque vous courez pendant 10 minutes, vous constatez que cette douleur augmente à 5/10. Vous devriez donc, pendant votre réhabilitation, courir initialement pendant moins de 10 minutes afin d’éviter de sensibiliser votre organisme à la douleur. Cinq minutes peuvent suffire au départ. En effet, il est souvent possible de continuer à courir, à condition d’être disciplinés par rapport à nos temps et de cesser l’activité avant que la douleur augmente. Lorsque le principe du point d’inflexion est respecté, il vous sera possible de recommencer à courir de plus en plus longtemps au fil des jours et des semaines sans provoquer de la douleur. En réduisant votre volume de course, vous pourrez ainsi vous attaquer aux autres facteurs pouvant avoir causé le développement du syndrome comme la gestion de la progression du volume de course, la force et le contrôle des muscles des hanches, la technique de course ou encore les chaussures.

 

En conclusion

Le syndrome de l’essuie-glace est une blessure musculosquelettique du genou latéral qui touche surtout les coureurs et les coureuses. Son origine reste encore incertaine, à ce jour. Néanmoins, il semble que suivre une série d’étapes bien définies permette de bien récupérer de ce syndrome :

  1. Réduire l’exposition aux activités douloureuses pour éviter la sensibilisation (réduire le temps ou la distance de course);
  2. Gérer la douleur par l’intermédiaire de différentes modalités qui permettent de l’atténuer comme l’utilisation de glace, la prise d’analgésiques ou d’anti-inflammatoires, la thérapie manuelle comme la physiothérapie, l’ostéopathie ou la kinésithérapie, etc., si nécessaire;
  3. Renforcer la hanche du côté du genou problématique avec des exercices graduellement de plus en plus difficiles;
  4. Travailler sur la technique de course avec un kinésiologue et/ou choisir une chaussure supportant davantage les arches plantaires, si nécessaire;
  5. Réintroduire très graduellement les activités de course à pied.

Lorsque la blessure est bien prise en charge, la plupart des gens n’auront plus de symptômes douloureux après une période variant de six à huit semaines. Lors de la reprise de la course de manière plus assidue, commencez par courir en laissant une journée de repos entre les entraînements. Évitez la course en pente descendante lors de la reprise initiale. Augmentez très graduellement votre temps de course ou votre distance (visez un maximum de 10 % par semaine) afin d’éviter une réapparition du problème. Bon succès !

 

RÉFÉRENCES

Geisler, P. et al. Iliotibial band pathology, 2020.

Hadeed, A. et al. Iliotibial Band Friction Syndrome, NCBI, 2020

Taunton JE, Ryan MB, Clement DB, et al. A retrospective case-control analysis of 2002 running injuries. Br J Sports Med 2002;2:95–101.