Découvrez votre univers microscopique et son influence sur votre humeur

Publié le 9 mai 2017
Écrit par Sylvie Rousseau, nd.a.

Découvrez votre univers microscopique et son influence sur votre humeur
Atelier Deuil-Temps des fêtes

Oubliez dès maintenant le concept que nous « attrapons » un microbe responsable de nous rendre malade. La réalité, c’est que notre corps est l’hôte d’une incommensurable communauté de microorganismes cohabitant et interagissant, dans l’objectif d’assurer l’homéostasie, soit notre équilibre biologique interne. Nous sommes, de ce fait, un écosystème !

 

Aujourd’hui, les nouvelles technologies permettent aux scientifiques de découvrir et de cartographier le monde microscopique qui nous habite. Chaque microbe joue un rôle unique en fonction de l’endroit où il se situe. Ceux à l’intérieur de notre bouche, par exemple, sont distincts de ceux vivant sur notre peau ou dans l’intestin. On commence seulement à comprendre à quel point ceux-ci nous définissent comme individu physiquement, mais aussi psychologiquement.

Le Projet du microbiome humain, une étude fondée par l’Institut national de la santé (NIH), en 2008, vise à identifier et à classifier le microbiome humain, soit les microorganismes habitant le corps humain et leur ADN, dans l’objectif de comprendre leur rôle dans la santé humaine. On comprend que le corps humain abrite plus de cent trillions de microorganismes, regroupant principalement des bactéries, soit dix fois plus que le nombre de cellules composant notre corps. L’humain est composé à 90 % de microbes et à 10 % de cellules humaines, et l’organisme concentre cent fois plus d’ADN microbien que d’ADN cellulaire.

De plus, les recherches montrent que nous sommes à 99 % semblables aux autres par rapport à notre ADN cellulaire, alors qu’on partage moins de 10 % de notre microbiome. Cela permet d’expliquer les différences métaboliques entre chacun et les risques de développer des maladies, dont les allergies, l’asthme, l’obésité…

 

LA CARTOGRAPHIE DE NOTRE MICROBIOME

On avait à l’époque une vision plutôt simpliste de notre microbiome. Il y a 40 ans, on n’avait aucune idée de cet univers intérieur nous habitant et encore moins de la diversité de ces microbes unicellulaires. On utilisait encore la classification du monde selon Charles Darwin, avec son écrit On the Origin of Species, en 1859. Il avait esquissé un arbre de la vie regroupant les organismes selon leurs traits physiques. Ce portrait était basé sur ce qu’on pouvait observer autour de nous et à travers le microscope. C’est ainsi qu’on avait classifié les plantes, les animaux et les levures. On avait répertorié les microbes unicellulaires restants en deux grandes catégories fourre-tout, soit les protistes et les bactéries.

En 1977, les microbiologistes Carl Woese et Georges E. Fox ont cartographié l’arbre de la vie, en comparant cette fois les différentes formes de vie cellulaire. Ils ont alors trouvé que les microbes unicellulaires étaient beaucoup plus diversifiés que toutes les plantes et tous les animaux combinés.

Aujourd’hui, la nouvelle technologie utilise des méthodes de séquençage de nouvelle génération qui permettent de classifier des cellules venant de différents échantillons du corps, d’analyser rapidement leur ADN micro-bien et de combiner l’information d’échantillons venant d’autres endroits dans le corps. Cette fois, on a confirmé que les bactéries, les archées, les levures et les eucaryotes dominent toutes les autres catégories.

 

LE MICROBIOME ET LE CERVEAU

En plus de digérer et de métaboliser en partie les nutriments que l’on absorbe et de produire certaines hormones, on a également mis en lumière que notre microbiome peut entrer en interaction et influencer le cerveau par l’activation du système immunitaire. Ce processus est connu sous le nom d’axe microbiome-intestin-cerveau. Il semble que cette interaction a même la capacité de moduler notre personnalité et notre humeur. Les recherches dans ce domaine offrent un espoir inespéré pour le traitement de problèmes d’ordre psychiatrique et les troubles du système nerveux.

Par exemple, la dépression a été associée à un état inflammatoire intestinal. Or, on sait maintenant que certaines bactéries dans l’intestin produisent, à partir des fibres alimentaires, des acide s gras à chaîne courte (AGCG), comme le butyrate, qui nourrissent les cellules composant la muqueuse intestinale pouvant réduire l’inflammation.

Parmi les bactéries ayant été identifiées comme médiateurs de l’état psychologique, nommons le Oscillibacter, une bactérie qui produit une molécule mimant l’action d’un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux, soit l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). Cette action, si produite à l’excès, peut déprimer le système nerveux et même induire une dépression.

Plusieurs études ont également rapporté que le microbiome intestinal des enfants autistiques diffère de celui des enfants normaux. Or, les enfants autistiques souffrent souvent de désordres intestinaux, dont la diarrhée, qui est un trouble de santé pouvant changer le microbiome. Certaines études sur les souris ont démontré que les Bacteroides fragilis diminuent des caractéristiques s’apparentant à l’autisme, dont les déficits cognitifs, sociaux et les comportements répétitifs ainsi que les troubles intestinaux associés (Hsiao et coll.). On a observé que les symptômes chez les souris atteintes venaient d’une molécule appelée 4-EPS, qui est produite en excès en lien avec un microbiome déséquilibré.

De plus en plus d’études ont démontré que certains probiotiques administrés chez les souris et les humains peuvent influencer leur comportement psychologique. On dénombre plus de cinq cents études associant l’introduction de probiotiques ciblés et la modulation de l’anxiété ou de la dépression. Par exemple, certaines études ont démontré que le Lactobacillus helveticus pouvait réduire l’anxiété chez les souris (Ohland et coll., 2013) et que le Lactobacillus reuteri diminuait le risque de développer une infection en situation de stress (A.R.Mackos et coll., 2013). Le Lactobacillus rhamnosus GG diminuerait de son côté les troubles obsessifs compulsifs (TOC) chez les souris (P.A.Kantak, D.N. Bobrow & J.G.Nyby, 2014). Du côté des humains, des études ont montré qu’un cocktail de Lactobacillus helveticus R0052 et Bifidobacterium longum R075 aidait à améliorer l’humeur (M. Messaoudi et coll., 2011). Il est important de rapporter que nous n’en sommes qu’au balbutiement en ce qui concerne ces études, mais déjà, on voit poindre l’énorme potentiel que les probiotiques peuvent avoir sur la santé psychologique.

Avec ces découvertes majeures, on commence à saisir que la vraie solution ne réside pas dans l’éradication de microbes responsables d’initier un trouble de santé, car on comprend maintenant que cela peut altérer notre écosystème et initier un dommage irréversible. Il faut garder à l’esprit qu’un microbiome sain contient inévitablement des microorganismes nuisibles, mais ils se retrouvent en minorité si les bonnes bactéries les gardent sous contrôle. L’approche du futur privilégiera plutôt de moduler l’alimentation, d’introduire des probiotiques ciblés ou d’intervenir sur une enzyme en lien avec un microbiome déséquilibré plutôt que d’attaquer le microbe directement avec des antibiotiques, notamment.

 

LES PROBIOTIQUES, COMMENT S’Y RETROUVER ?

Avant d’acheter un probiotique, il est important de vérifier le genre, l’espèce et la souche des bactéries composant le supplément. En comparaison, tous les chiens font partie de la même espèce (canine), mais il y a une grande différence entre un caniche et un bull-terrier. Même espèce, mais différentes souches. Notre intestin contient donc des centaines de sortes de bactéries (genre et espèce), mais elles ne sont pas toutes bénéfiques et plusieurs ne peuvent être utilisées sous forme de supplément. Il faut choisir les espèces capables de se rendre et de coloniser le côlon, lorsqu’elles sont prises sous forme de supplément. Les plus importantes font partie de la famille (genre) de bactéries nommée Lactobacillus et Bifidobactérium. Voici des exemples de ce que vous allez retrouver en achetant un probiotique : Bifidobacterium lactis, Lactobacillus reuteri, Lactobacillus rhamnosus, Lactobacillus casei, Lactobacillus acidophilus, etc.

Finalement, gardez en mémoire qu’il existe des mélanges de probiotiques synergiques pour un soutien quotidien et d’autres conçus pour cibler des troubles de santé récurrents.

 

RÉFÉRENCES

  1. KNIGHT, Rob et Brendan BUHLER. Follow your gut, TED books, New York, 2015. r
  2. SILVERMAN, Robert D . Inside-out health, Lioncrest publishing, CA, 2016.
  3. WATSON, Brenda CNC. Skinny gut diet, Harmony Books, New York, 2014.