Démystifions l’anémie

Publié le 30 décembre 2023
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

Démystifions l’anémie
Now pour juillet

L’anémie est une affection plutôt fréquente qui touche 7 % de la population canadienne[i]. Elle touche particulièrement les femmes en âge de procréer et les personnes de plus de 65 ans ayant des problèmes de santé existants. L’anémie est parfois si légère qu’elle peut passer inaperçue pendant un certain temps, mais les symptômes s’aggravent généralement à mesure que la maladie progresse. Si elle n’est pas traitée, les complications de l’anémie peuvent endommager le cœur, le cerveau et d’autres organes et même s’avérer fatales. En 2021, environ 1,7 Canadien sur 100 000 est décédé de l’anémie[ii]. Ce mois-ci, je vous propose de démystifier cette affection et d’apprendre à en reconnaître les symptômes afin d’y remédier naturellement et efficacement.

 

Anémie 101

L’anémie est la maladie marquée par une carence en globules rouges (aussi appelées « hématites » et « érythrocytes ») ou en hémoglobine dans le sang. La fabrication de nouvelles hématies survient dans la moelle osseuse sous l’action de l’érythropoïétine, une hormone sécrétée par les reins. Les hématies circulent ensuite dans le sang durant 120 jours, puis elles sont détruites dans la rate au rythme d’environ 1 % par jour[iii]. Pour sa part, l’hémoglobine est une protéine riche en fer qui procure au sang sa couleur rouge. Sa fonction principale consiste à transporter l’oxygène depuis les poumons vers le reste du corps ainsi que le dioxyde de carbone ou CO2[iv].

Lorsqu’on souffre d’anémie, notre corps ne reçoit tout simplement pas assez de sang riche en oxygène, ce qui se traduit notamment par une faiblesse et de la fatigue persistante. Malheureusement, d’autres fonctions peuvent aussi être touchées, car les hématies jouent également un rôle important dans l’immunité – y compris la lutte contre les infections – ainsi que dans la coagulation sanguine.

 

Symptômes les plus courants de l’anémie
  • Fatigue
  • Faiblesse
  • Pâleur
  • Rythme cardiaque rapide (tachycardie) ou irrégulier (bradycardie)
  • Essoufflement, difficulté à respirer, endurance réduite
  • Sensation de serrement dans la poitrine
  • Vertiges ou perte d’équilibre
  • Problèmes cognitifs, y compris le brouillard mental, la difficulté à se concentrer et à effectuer les tâches
  • Mains et pieds froids ou autres signes de changements de température corporelle
  • Maux de tête

 

Diagnostic et types d’anémie

L’anémie est diagnostiquée grâce à un hémogramme, aussi appelé « numération formule sanguine (NFS) ». L’hémogramme permet de comptabiliser les éléments du sang, à savoir les hématies, les globules blancs (leucocytes) et les plaquettes[v]. On évalue aussi le dosage des vitamines B9 (folates) et B12[vi].

Il existe trois types d’anémie : microcytaire, normocytaire ou macrocytaire.

  1. Anémie microcytaire. Elle est généralement associée à une carence en fer (aussi appelée « anémie ferriprive ») et constitue le type d’anémie le plus courant[vii]. La carence en fer modifie la taille des globules rouges, qui deviennent plus petits que la normale. La thalassémie, une affection génétiquement transmise, produit aussi une anémie microcytaire. Dans ce cas-ci, c’est la destruction prématurée des érythrocytes qui est en cause.
  1. Anémie normocytaire. Ce type d’anémie ne touche pas la taille des érythrocytes, mais plutôt leur nombre. Elle survient durant un processus de réparation à la suite d’événements tels qu’une hémorragie ou une chimiothérapie. Elle nécessite des analyses plus poussées afin d’en identifier l’origine.
  1. Anémie macrocytaire. Cette forme d’anémie est caractérisée par des érythrocytes plus gros et déformés (macrocytes). Les macrocytoses se produisent dans divers états cliniques. Lorsqu’elles sont la conséquence d’une carence en vitamine B12 et en vitamine B9 (folate), on parle d’anémie mégaloblastique[viii]. L’anémie par carence en vitamine B12 est plus fréquente chez les personnes dont les familles viennent du nord de l’Europe[ix].

La carence en vitamine B12 provient soit de la diète, de malabsorptions intestinales diverses, y compris le déficit en facteur intrinsèque. Le facteur intrinsèque – sécrété par les cellules pariétales de la muqueuse gastrique – est nécessaire à l’absorption de la vitamine B12, qui a lieu dans l’iléon terminal[x]. Dans le cas de l’anémie pernicieuse (ou maladie de Biermer), on est en présence d’une maladie auto-immune avec anticorps dirigés contre le facteur intrinsèque et destruction des cellules pariétales qui entraîne une malabsorption totale de la vitamine B12[xi].

 

Carence en fer

La carence en fer est la carence nutritionnelle la plus répandue dans le monde[xii]. Selon un sondage publié dans le Journal of Nutrition en mai dernier, 18,2 % des Canadiennes âgées de 19 à 50 ans sont carencées en fer[xiii]. Le fer est un oligo-élément essentiel utilisé dans la synthèse de l’hème et des protéines soufrées. Il agit aussi comme cofacteur dans de nombreuses réactions enzymatiques sur le plan cellulaire, de la production et de la fonction des neurotransmetteurs, du fonctionnement hormonal et de la réplication de l’ADN[xiv].

Une carence en fer entraîne une perturbation du fonctionnement normal des cellules et des organes. La conséquence de la carence en fer la plus évidente cliniquement est l’anémie. Cependant, pratiquement tous les systèmes organiques sont affectés[xv].

 

Causes et facteurs de risque

Plusieurs situations nous prédisposent à souffrir d’anémie, mais voici ceux que je rencontre le plus souvent dans ma pratique clinique.

  • Régime végétarien ou végétalien trop restrictif ;
  • Consommation excessive de café, de thé, de chocolat, de sucre, de boissons gazeuses et de produits laitiers ;
  • Menstruations très abondantes (ménorragies) ;
  • Maladies inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn ou l’inflammation intestinale provoquée par l’intolérance au gluten et le syndrome de l’intestin « poreux » (« leaky gut syndrome ») ;
  • Pertes de sang occasionnées par des microlésions du tube digestif (ulcérations, hémorroïdes, etc.)[xvi] ;
  • Infections systémiques telles que la candidose associée au candida albicans[xvii] ;
  • Prise de médicaments qui interfèrent avec l’absorption du fer tels que ceux qui réduisent l’acide gastrique, soit les antiacides et les inhibiteurs de pompe à protons, tels que oméprazole (Losec), ésoméprazole (Nexium), lansoprazole (Prevacid), pantoprazole (Pantoloc), rabéprazole (Pariet)[xviii] ; dexlansoprazole (Dexilant) et leurs versions génériques. Notons aussi la pénicilline, la tétracycline, la ciprofloxacine et les médicaments utilisés pour la maladie de Parkinson et les convulsions[xix] ;
  • Anémies d’origine génétique telles que l’anémie falciforme et la thalassémie.

 

Corriger l’anémie naturellement

  1. Consommez des aliments riches en fer. Les meilleures sources de fer hémique (la forme la plus absorbable) dans l’alimentation comprennent la viande biologique nourrie à l’herbe et les fruits de mer. Les noix et les légumineuses constituent de bonnes sources de fer non hémique[xx]. Les betteraves sont aussi riches en fer et elles sont dotées de nombreux bienfaits. Méfions-nous des céréales enrichies en fer, car celles contenant du gluten favorisent l’inflammation gastro-intestinale qui peut interférer avec l’absorption du précieux minéral.
  2. Incorporez la levure de bière. Elle est riche en fer, en acide folique et en vitamine B12. On peut l’ajouter aux céréales (sans gluten), aux salades ou aux jus frais.
  3. Favorisez les aliments riches en vitamine C. La vitamine C favorise l’absorption du fer de différentes façons[xxi]. À part les agrumes, pensons par exemple aux tomates, aux poivrons et aux fraises.
  4. Optez pour les légumes à feuilles vertes. Ceux-ci fournissent une quantité importante de fer et de folate. Précisons que les épinards sont riches en acide oxalique qui peut réduire l’absorption du fer, alors il est préférable de les consommer cuits à la vapeur.
  5. Misez sur les probiotiques. La santé intestinale est cruciale pour l’absorption des nutriments, dont les vitamines B, qui agissent comme cofacteurs du fer. Mettez l’accent sur les aliments riches en probiotiques comme le yogourt maison, le kéfir de lait de chèvre et la choucroute. Incorporez un supplément de probiotiques d’origine humaine. Une étude médicale de Stanford a révélé que la prise de probiotiques augmente le taux de fer et de vitamines B[xxii].
  6. Nourrissez votre rate. La rate participe à la production des hématies ainsi que de l’équilibre de l’ensemble des liquides du corps. Son mauvais fonctionnement peut être à l’origine de l’anémie. Les aliments de couleur orange vif comme les courges, les légumes à feuilles vertes tels que les épinards, le chou frisé et la bette à carde ainsi que les aliments amers comme la laitue romaine et la salade de roquette favorisent la santé de la rate.
  7. Réduisez le stress. Le stress chronique réduit la production d’acide chlorhydrique et l’absorption de nutriments tels que le fer.

 

Suppléments nutritionnels

De nombreux suppléments de fer sous différentes formes sont offerts pour le traitement de l’anémie ferriprive. Les suppléments qui renferment le sulfate de fer occasionnent souvent la constipation[xxiii]. Je préfère ceux à base de gluconate ferreux, qui est une forme plus efficace et surtout mieux tolérée[xxiv]. L’ajout de lactoferrine aux formulations favorise l’absorption du fer[xxv].

Les suppléments de vitamine B12 (méthylcobalamine) et de vitamine B9 (5-MTHF) sont à considérer. Il est important d’exclure une carence en vitamine B12 avant de supplémenter en vitamine B9, car l’amélioration de l’anémie peut masquer une carence concomitante en vitamine B12, qui pourrait évoluer vers des complications neurologiques. Certaines compagnies ajoutent le facteur intrinsèque à leurs formulations.

 

Précautions

Bien qu’on puisse corriger l’anémie par soi-même en apportant des changements à notre alimentation, à notre mode de vie et en incorporant des suppléments nutritionnels, il vaut toujours mieux se faire évaluer par un professionnel de la santé. Les symptômes qu’on associe couramment à l’anémie peuvent résulter d’une autre carence nutritionnelle ou d’effets secondaires d’autres maladies. De plus, le taux de fer doit être étroitement régulé et les suppléments de fer devraient être recommandés uniquement aux personnes présentant une carence en fer ou une anémie ferriprive avérée afin d’éviter les effets indésirables potentiels associés au fer[xxvi].

 

Conclusion

La majorité des anémies peuvent être corrigées facilement par ces moyens naturels qui réduisent les symptômes et s’attaquent aux causes sous-jacentes. Consommez des aliments riches en fer en association avec d’autres contenant de la vitamine C et les vitamines du groupe B. Utilisez des probiotiques, réduisez le stress et envisagez de prendre des suppléments, tels qu’un complexe de vitamines B bioactives et du fer, au besoin. Sans oublier de se dilater la rate avec de bons vieux fous rires à l’occasion.

 

RÉFÉRENCES : 

[i] Canadian Health Measures Survey 2012-2019. J Nutr. 2023 May;153(5):1534-1543. doi: 10.1016/j.tjnut.2023.03.012. Epub 2023 Mar 12. PMID: 36918146.

[ii] Death rate for anaemias in Canada from 2000 to 2021(per 100,000 population). https://www.statista.com/statistics/434414/death-rate-for-anaemias-in-canada/#:~:text=In%202021%2C%20around%201.7%20out,anaemia%20from%202000%20to%202021.

[iii] https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=anemie_vue_ensemble_pm#:~:text=L’an%C3%A9mie%20aplasique%20est%20une,blancs%20et%20de%20plaquettes%20sanguines.

[iv] https://www.passeportsante.net/fr/parties-corps/Fiche.aspx?doc=hematies

[v] https://www.passeportsante.net/fr/parties-corps/Fiche.aspx?doc=hematies

[vi] Le manuel MSD. https://www.msdmanuals.com/fr/professional/h%C3%A9matologie-et-oncologie/an%C3%A9mies-caus%C3%A9es-par-un-trouble-de-l-%C3%A9rythropo%C3%AF%C3%A8se/an%C3%A9mies-m%C3%A9galoblastiques-macrocytaires#:~:text=Symptomatologie%20des%20an%C3%A9mies%20m%C3%A9galoblastiques%20macrocytaires,la%20glossite%20et%20l’anorexie.

[vii] Wang M. Iron Deficiency and Other Types of Anemia in Infants and Children. Am Fam Physician. 2016 Feb 15;93(4):270-8. PMID: 26926814.

[viii] Candelario N, Klein C. Megaloblastic anemia due to severe vitamin B12 deficiency. Cleve Clin J Med. 2022 Jan 4;89(1):8-9. doi: 10.3949/ccjm.89a.21041. PMID: 34983795.

[ix] https://www.hopkinsmedicine.org/health/conditions-and-diseases/vitamin-b12-deficiency-anemia

[x] Le manuel Merck. https://www.merckmanuals.com/fr-ca/professional/troubles-nutritionnels/carence-d%C3%A9pendance-et-toxicit%C3%A9-des-vitamines/carence-en-vitamine-b12

[xi] https://www.hopkinsmedicine.org/health/conditions-and-diseases/vitamin-b12-deficiency-anemia

[xii] Hartfield D. Iron deficiency is a public health problem in Canadian infants and children. Paediatr Child Health. 2010 Jul;15(6):347-50. doi: 10.1093/pch/15.6.347. PMID: 21731416; PMCID: PMC2921732.

[xiii] Cooper M, Bertinato J, Ennis JK, Sadeghpour A, Weiler HA, Dorais V. Population Iron Status in Canada: Results from the Canadian Health Measures Survey 2012-2019. J Nutr. 2023 May;153(5):1534-1543. doi: 10.1016/j.tjnut.2023.03.012. Epub 2023 Mar 12. PMID: 36918146.

[xiv] Venkataramani V. Iron Homeostasis and Metabolism: Two Sides of a Coin. Adv Exp Med Biol. 2021;1301:25-40. doi: 10.1007/978-3-030-62026-4_3. PMID: 34370286.

[xvi] Rockey DC, Cello JP. Evaluation of the gastrointestinal tract in patients with iron-deficiency anemia. N Engl J Med. 1993 Dec 2;329(23):1691-5. doi: 10.1056/NEJM199312023292303. PMID: 8179652.

[xvii] Fourie R, Kuloyo OO, Mochochoko BM, Albertyn J, Pohl CH. Iron at the Centre of Candida albicans Interactions. Front Cell Infect Microbiol. 2018 Jun 5;8:185. doi: 10.3389/fcimb.2018.00185. PMID: 29922600; PMCID: PMC5996042.

[xviii] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/examens-innocuite/inhibiteurs-pompe-protons-evaluation-risque-associe-type-reaction-cutanee.html

[xix]https://medlineplus.gov/ency/article/007478.htm#:~:text=Some%20of%20these%20include%20tetracycline,provider%20may%20suggest%20changing%20these.

[xx] https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=top-10-aliments-plus-riches-fer

[xxi] Lane DJ, Richardson DR. The active role of vitamin C in mammalian iron metabolism: much more than just enhanced iron absorption! Free Radic Biol Med. 2014 Oct;75:69-83. doi: 10.1016/j.freeradbiomed.2014.07.007. Epub 2014 Jul 15. PMID: 25048971.

[xxii] Probiotics help gastric-bypass patients lose weight more quickly, Stanford study shows. https://med.stanford.edu/news/all-news/2009/07/probiotics-help-gastric-bypass-patients-lose-weight-more-quickly-stanford-study-shows.html

[xxiii] Sahebzamani FM, Berarducci A, Murr MM. Malabsorption anemia and iron supplement induced constipation in post-Roux-en-Y gastric bypass (RYGB) patients. J Am Assoc Nurse Pract. 2013 Dec;25(12):634-40. doi: 10.1002/2327-6924.12079. Epub 2013 Sep 19. PMID: 24170670.

[xxiv] Casparis D, Del Carlo P, Branconi F, Grossi A, Merante D, Gafforio L. Efficacia e tollerabilità del gluconato ferroso orale liquido nell’anemia da carenza da ferro in gravidanza e nell’immediato post-partum: confronto con altre formulazioni liquide o solide contenenti ferro bivalente o trivalente [Effectiveness and tolerability of oral liquid ferrous gluconate in iron-deficiency anemia in pregnancy and in the immediate post-partum period: comparison with other liquid or solid formulations containing bivalent or trivalent iron]. Minerva Ginecol. 1996 Nov;48(11):511-8. Italian. PMID: 9005381.

[xxv] Hao L, Shan Q, Wei J, Ma F, Sun P. Lactoferrin: Major Physiological Functions and Applications. Curr Protein Pept Sci. 2019;20(2):139-144. doi: 10.2174/1389203719666180514150921. PMID: 29756573.

[xxvi] Puga AM, Samaniego-Vaesken ML, Montero-Bravo A, Ruperto M, Partearroyo T, Varela-Moreiras G. Iron Supplementation at the Crossroads of Nutrition and Gut Microbiota: The State of the Art. Nutrients. 2022 May 4;14(9):1926. doi: 10.3390/nu14091926. PMID: 35565894; PMCID: PMC9102039.