Publié le 1 novembre 2021
Écrit par Nicolas Blanchette, D.O, B. Sc. kinésiologie
Les années 2020 et 2021 ont sans contredit été marquées de façon importante par la pandémie de coronavirus. Aucun doute : il s’agissait du sujet de santé, d’économie, de société et même de politique le plus discuté à travers le globe pendant ces 24 derniers mois. La COVID aura pris tellement de place sur la scène médiatique que plusieurs nouvelles importantes seront malheureusement passées sous le radar. C’est entre autres le cas de nombreuses avancées et innovations dans le domaine médical. En voici quelques-unes qui sauront vous étonner !
Réécrire le code génétique
Vous avez un téléphone portable ou un ordinateur ? Lorsqu’une application s’interrompt sans arrêt, il est habituellement possible d’installer une mise à jour ou un correctif pour corriger le problème. Imaginez s’il était possible de faire quelque chose de similaire avec notre code ADN : c’est-à-dire, retirer les erreurs génétiques afin de les soigner ou de les remplacer dans notre codage biologique unique. Eh bien, ce n’est peut-être pas si utopique et futuriste que ça. Loin de là !
En effet, les docteures Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont reçu le prix Nobel de chimie en 2020 (partageant cet honneur avec un groupe sélect de cinq autres femmes dans l’histoire). Les travaux qui leur ont permis d’atteindre cette haute distinction portent sur le développement d’un « ciseau » génétique. En effet, cet outil qui met en jeu des enzymes permet de découper de minuscules pièces d’ADN d’un code génétique pour pouvoir ensuite les prélever, les traiter, puis éventuellement permettre aux gènes de retrouver leurs fonctions normales. Il va sans dire que les implications d’une telle découverte sont immenses. Cela pourrait permettre d’aider les gens aux prises avec une grande variété de maladies génétiques. Les auteurs de l’étude ont entre autres mentionné son utilité dans le traitement de la drépanocytose, une maladie génétique héréditaire qui affecte les globules rouges dans le sang. Près de 300 000 personnes par année naissent avec cette anomalie génétique qui favorise l’anémie, des crises vaso-occlusives douloureuses et un risque accru d’infections.
« C’est révolutionnaire! De pouvoir dire à des patients qui devaient autrefois endurer des années de souffrances qu’ils pourront désormais guérir de la maladie. Cela dépasse l’entendement. », mentionne le docteur William Morris, directeur médical exécutif de la Cleveland Clinic lorsqu’interrogé au sujet de ces découvertes.
Un nouveau test sanguin pour diagnostiquer l’Alzheimer
Selon la Société d’Alzheimer du Québec, en 2035, cette maladie qui entraîne un déclin cognitif affectera 937 000 personnes au Canada et 260 000 Québécois, soit une augmentation de 66 %. Cette forme progressive de démence est décelée à un stade trop avancé chez 50 % des gens pour qu’ils puissent bénéficier de traitements optimaux. Cependant, une récente découverte pourrait bientôt changer cela. En effet, des essais cliniques d’un nouveau test sanguin révolutionnaire appelé plasma Phospho-tau217 ont actuellement lieu. Si la méthode venait à être approuvée, il pourrait être possible de déceler la maladie beaucoup plus tôt grâce à une simple prise de sang. Cette innovation pourrait changer la donne de manière significative pour un nombre important de patients qui seraient ainsi en mesure d’être pris en charge plus rapidement afin de recevoir les traitements adéquats.
Une révolution dans le traitement de l’hépatite C
Nous avons certes beaucoup parlé de virus dans les deux dernières années ! Mais pas tellement des autres virus que le SARS-CoV2. L’hépatite C est, elle aussi, une maladie transmise par un virus, par contact sanguin. Elle peut entraîner des troubles sérieux comme la cirrhose du foie et le cancer. Selon le Center for Disease Control qui qualifie le problème « d’épidémie silencieuse », c’est une infection qui toucherait plus de 3,2 millions d’Américains, dont une proportion des patients aussi élevée que 75 % ne seraient pas au courant qu’ils porteraient le virus. En effet, les gens infectés à l’hépatite C rapportent fréquemment ne ressentir aucun symptôme. Cependant, lorsqu’une crise aigüe apparaît, elle est souvent signe d’un stade avancé de maladie du foie. Le nombre d’incidents aigus liés à l’hépatite C a d’ailleurs triplé entre 2010 et 2016. Parmi les trois types d’hépatite (A, B et C), il n’y a pas de vaccin pour prévenir l’hépatite C, qui présente six souches différentes répertoriées. Jusqu’à présent, la médication développée pour aider les gens ayant contracté l’hépatite C était parfois accompagnée d’effets secondaires désagréables ou ne se révélait pas toujours efficace contre toutes les souches.
Mais cela est à la veille de changer ! Un médicament combiné à dose fixe, le Sofosbuvir/velpatasvir, a été récemment approuvé comme le protocole le plus efficace dans le traitement de l’hépatite C chez les adultes. Cette médication innovatrice inhibe les protéines qui jouent un rôle clé dans la réplication de l’ARN de la maladie. Avec cette nouvelle thérapie, les patients ne prennent qu’une pilule, une fois par jour, pendant 12 semaines. Le plus fascinant, c’est que les résultats de la dernière phase clinique de ce médicament ont montré que, chez 95 à 99 % des patients ayant reçu ce nouveau traitement, le virus n’était plus détecté dans les tests sanguins après la thérapie. Exactement comme si l’infection avait bel et bien été guérie pour de bon, dans un problème qui était jusqu’ici établi comme ayant une nature chronique ! Voilà qui est tout simplement renversant et qui pourra devenir une arme majeure dans le combat contre cette épidémie silencieuse !
Une pièce de plus dans le casse-tête des migraines
Les migraines sont davantage que des maux de tête occasionnels. Ce trouble neurovasculaire répandu touche environ 12 % de la population adulte en Amérique du Nord. Les symptômes sont de la douleur, des nausées ainsi que de la sensibilité à la lumière ou à toute forme d’exercice pendant les crises. Les migraines obligent régulièrement les gens qui en souffrent à s’absenter du travail, ce qui génère un stress financier indéniable. Pour une petite fraction de gens, les crises peuvent même arriver plus de 15 fois par mois.
On sait que les migraines sont causées par une réaction dysfonctionnelle du cerveau qui engendre une relaxation ou une dilatation excessive des vaisseaux sanguins du crâne. Ce phénomène génère une activation mécanique des fibres sensorielles du nerf trijumeau, ce qui envoie des influx de douleur au tronc cérébral et aux autres centres de traitement de l’information du cerveau. De nombreux médicaments existent déjà pour diminuer la sévérité d’une crise migraineuse. Cependant, ces médicaments ne diminuent pas le nombre de jours de crise et ne fonctionnent pas aussi bien chez tout le monde, sans parler des effets secondaires qui peuvent parfois apparaître.
Plusieurs spécialistes croient que la clé des migraines résiderait davantage dans le développement d’une meilleure médecine préventive. Le développement de nouveaux médicaments connus sous le nom d’« anticorps monoclonaux antagonistes des récepteurs du peptide lié au gène de la calcitonine » (anti-CGRP) pourrait bien représenter une étape importante à ce sujet. Ces nouveaux médicaments bloquent l’activité d’une molécule responsable de l’amplification de la douleur et de l’inflammation dans les épisodes de migraines. Ils sont donnés sous forme d’injection une fois par mois et sont extrêmement bien tolérés chez la majorité des gens, avec peu d’effets secondaires associés à leur utilisation.
Les expériences des dernières années ont permis de mettre en lumière que les patients qui utilisaient ce nouveau type de médicament expérimentaient une réduction de la durée et de la fréquence des épisodes de migraines significativement supérieure aux patients qui utilisaient d’autres types de médication préventive ou un placebo. Les participants du groupe utilisant les anti-CGRP ont aussi noté une réduction des jours pendant lesquels ils ont dû utiliser une médication pour gérer des crises. Si vous souffrez de migraines, il serait très intéressant de parler de cette classe de médicament innovatrice à votre médecin.
Que nous réserve l’avenir ?
Pandémie ou pas, la médecine continue à avancer à un rythme absolument phénoménal. Dans les prochaines années, il serait tout à fait envisageable que des maladies encore aujourd’hui décrites comme incurables deviennent tout à coup possibles à soigner. Merci à tous ceux pour qui ces progrès incroyables sont rendus possibles !
RÉFÉRENCES
NOBEL PRIZE, https://www.nobelprize.org/prizes/chemistry/2020/press-release/, 2020
PALMQVIST & coll, Discriminative Accuracy of Plasma Phospho-tau217 for Alzheimer Disease vs Other Neurodegenerative Disorders, JAMA network, juillet 2020
REALE-CONNEY & coll. 2020 Medical Innovation Summit, Clevelandclinic.org, septembre 2021
Société d’Alzheimer du Québec, La maladie d’Alzheimer en chiffre, En ligne, 2021