Des olives tous les jours pour rester jeune pour toujours ?

Publié le 1 mars 2021
Écrit par Dr Éric Simard, Ph. D., docteur en biologie et chercheur dans le domaine du vieillissement

Des olives tous les jours pour rester jeune pour toujours ?

En ce mois de la nutrition, quel serait l’aliment que je considère comme le plus important, appuyé par des données probantes, pour la longévité en santé ? Il y a déjà 11 ans, en 2010, un scientifique travaillant en recherche sur le cancer avait émis l’hypothèse que les nombreux bénéfices santé des polyphénols d’olives pourraient provenir d’un effet sur les mécanismes du vieillissement. Cet énoncé a même empêché une entreprise américaine d’obtenir un brevet. La science du vieillissement, telle que nous la connaissons aujourd’hui, commençait à définir l’implication des voies métaboliques reliées, que l’on appelle maintenant le « vieillissement primaire ». 

À l’époque, cette hypothèse tentait d’expliquer pourquoi les polyphénols d’olives avaient des bénéfices santé aussi variés. Ces polyphénols cumulent effectivement des données probantes pour les maladies cardiovasculaires, le cancer, l’ostéoporose, les maladies neurodégénératives, les processus inflammatoires, le syndrome métabolique et le diabète de type II. Les dix dernières années ont donné raison à ce scientifique en permettant l’identification de mécanismes d’actions reliés au processus du vieillissement. 

 

La grande famille des polyphénols

Les polyphénols végétaux constituent une vaste famille de plus de 10 000 molécules ayant des effets bénéfiques variés. Provenant de différentes origines, les polyphénols ont, entre autres, des effets antioxydants et anti-inflammatoires, des bénéfices cardiovasculaires, des effets préventifs sur le cancer et, pour certains, des effets antivieillissement. Les molécules bénéfiques des plantes proviennent très souvent des polyphénols, qui regroupent les flavonoïdes (ex. : les anthocyanines), les stilbènes (ex. : le resvératrol), les lignanes (ex. : sécoisolaricirésinol du lin), les acides phénoliques (ex. : l’acide caféique) et les coumarines (à l’origine du médicament anticoagulant du même nom).

On pourrait penser que les multiples bénéfices santé de l’huile d’olive sont reliés à sa forte composition en acide gras mono-insaturés (MUFAs), particulièrement l’acide oléique. Toutefois, plusieurs huiles végétales riches en acide gras mono-insaturés ne permettent pas d’obtenir les mêmes bénéfices santé que l’huile d’olive (huile de tournesol, de soya et de canola). C’est la fraction phénolique, les polyphénols, de l’huile d’olive qui serait en majeure partie responsable des multiples bénéfices santé de cette huile. Des études ont même permis de démontrer une corrélation directe entre certains bénéfices santé et la quantité de polyphénols présente dans l’huile (santé cardiovasculaire). Les polyphénols étant solubles dans l’eau et non dans l’huile, certaines huiles n’en contiennent presque pas. Nous y reviendrons.

 

Les olives, cultivées depuis l’époque des pharaons

Les olives proviennent d’un petit arbre que l’on appelle l’olivier (famille des oléacées). Bien qu’on les retrouve maintenant dans différentes régions du monde, le bassin de la mer Méditerranée compte pour 98 % de la production mondiale des olives. L’huile d’olive constitue la principale source de gras de la diète méditerranéenne. Les olives sont cultivées depuis plus de 7 000 ans. Les Égyptiens de l’ancienne Égypte utilisaient les feuilles pour momifier les pharaons. Les bénéfices santé des olives proviennent de la composition de leur huile (principalement mono-insaturée) et à la présence de certains nutriments : les tocophérols, caroténoïdes, phospholipides et polyphénols. On y retrouve plus de 30 types différents de polyphénols dont les concentrations dépendent du type de cultivar, de sa zone de production, de la méthode d’extraction et de la maturité du fruit. Il y aurait environ 2 500 variétés d’olives, dont 250 seraient cultivées. L’Espagne est actuellement le plus gros producteur, suivi par l’Italie et la Grèce.

 

L’hydroxytyrosol comme agent « gérosuppresseur »

Durant les années 2000, plusieurs études avaient permis de faire le lien entre la concentration de certains polyphénols et des bénéfices santé. Les plus importants polyphénols d’olives en matière de quantité et de bénéfices démontrés sont l’hydroxytyrosol et le tyrosol. En raison de sa grande biodisponibilité, de sa stabilité et de ses multiples bénéfices santé, l’hydroxytyrosol serait maintenant le polyphénol le plus étudié. Des mécanismes d’action se sont récemment ajoutés pour le cancer du sein, la densité osseuse, les chondrocytes, la fibromyalgie et même des résultats pour combattre le SARS-Cov2. 

C’est en 2013 qu’un premier groupe de scientifiques espagnols a proposé de qualifier les polyphénols d’olives d’agents « gérosuppresseurs » ; des suppresseurs du vieillissement. Six ans plus tard, de Pablos et coll. (2019) réalisaient une impressionnante revue de littérature sur l’ensemble des mécanismes d’action, des modèles animaux et des études cliniques humaines en affirmant que l’hydroxytyrosol protégeait du vieillissement grâce à un effet sur l’AMPK (un effecteur du vieillissement primaire) et l’autophagie. L’autophagie est un processus d’autodégradation permettant de recycler et/ou de détruire des cellules ou des structures endommagées de façon à garder les cellules plus fonctionnelles et à prévenir certains cas de cancer. Il s’agit d’un processus de recyclage fortement relié à la longévité en santé. 

Outre l’autophagie et l’action sur l’AMPK, l’hydroxytyrosol bénéficie d’une action sur les sirtuines, sur la régulation épigénétique, sur la santé des mitochondries et sur le stress oxydatif.

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La dose effective

Une des informations les plus intéressantes lorsque l’on parle de bénéfices santé, c’est la dose effective ; soit la dose nécessaire pour permettre un bénéfice significatif. Une allégation est permise en Europe pour une consommation de 5 mg d’hydroxytyrosol et de ses dérivés. L’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a conclu qu’il y avait une relation de cause à effet bien établie et que la consommation des polyphénols d’huile d’olive permettait un bénéfice santé significatif pour l’ensemble de la population (réduction des risques de maladies cardiovasculaires par la baisse de l’oxydation du mauvais cholestérol). 

Les études cliniques réalisées, pour différents bénéfices santé, ont obtenu des résultats positifs pour des doses allant principalement de 1 à 15 mg d’hydroxytyrosol par jour pour un adulte. La question qui se pose alors : à quelle quantité d’huile d’olive correspond cette dose ? Après l’analyse de 430 huiles commerciales, une étude rapporte des concentrations de polyphénols de 23 à 751 mg/kg. 

Cette grande variation est due aux types d’olives utilisées, à leur maturité lors du pressage et à l’oxydation ou non de l’huile. La quantité de 5 mg de polyphénols d’olives correspond à une quantité de 7 à 217 grammes d’huile par jour. Pour les huiles ayant une bonne teneur en polyphénols d’olives (huiles foncées au goût âcre prononcé), il s’agit d’une quantité raisonnable. Cela correspond à la quantité d’huile d’olive consommée par les gens respectant la diète méditerranéenne en Europe, soit de 25 à 50 ml par jour.

 

Les recherches continuent

En plus des polyphénols d’olives, d’autres molécules végétales sont actuellement identifiées et à l’étude afin d’obtenir de nouveaux agents gérosuppresseurs. Comme pour les polyphénols d’olives, certaines proviennent d’aliments (ex : la graine de céleri ou le fenugrec) et d’autres d’extraits de plante (ex : le saule blanc ou la valériane). La compréhension de leurs effets bénéfiques sur le fonctionnement des cellules, et surtout, sur la longévité en santé, devrait nous donner de nouveaux outils d’intervention en prévention.

 

 

RÉFÉRENCES

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