Publié le 20 juin 2019
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.
Chacun de nous l’a expérimenté un jour ou l’autre : c’est un genou qui crépite en s’agenouillant, un cou qui craque en tournant la tête ou encore un poignet qui se fait entendre lorsqu’on le fait tourner.
Les bruits articulaires sont extrêmement communs. Souvent à peine audibles, les craquements articulaires peuvent parfois être si sonores qu’ils peuvent même nous surprendre et dégoûter notre entourage !
Sans comprendre ce qui se passe réellement dans nos articulations, il peut être tout à fait normal de s’inquiéter de ces bruits et de penser que quelque chose ne va pas. Or, des articulations qui crissent et bruissent ont beau être sonores, elles ne représentent pas, la très grande majorité du temps, matière à s’inquiéter.
C’est néanmoins l’opinion du médecin et chirurgien orthopédique Kim L. Stearns : « Il n’y a rien de plus normal. C’est seulement lorsque les bruits s’accompagnent de douleur ou d’enflure qu’il y a matière à consulter », mentionne-t-il.
Qu’est-ce qui cause les bruits articulaires ?
La plupart des gens remarquent que leurs articulations deviennent plus bruyantes en vieillissant. Il y a de bonnes raisons à cela.
« On me pose des questions tous les jours à ce sujet dans ma pratique ! En vieillissant, le cartilage se détériore petit à petit. Cela ne veut pas dire que vous avez un problème. Il s’agit du processus normal de vieillissement, mentionne le Dr Stearns. Les surfaces de vos articulations deviennent un peu plus rugueuses avec le temps, et il est donc plus facile de les entendre lorsqu’elles frottent les unes contre les autres. Les bruits articulaires varieront selon le positionnement de votre corps et votre façon de bouger. »
Différents types de bruits articulaires
Les bruits articulaires les plus communs, souvent appelés « craquements » dans le langage populaire, devraient plutôt être mentionnés comme des « frottements ». Ils se produisent notamment lorsque vous pliez un genou ou levez un bras. Les articulations les plus mobiles du corps humain, l’épaule par exemple, vont fréquemment produire ces frottements. Il s’agit, la plupart du temps, du glissement d’un élément de votre système locomoteur sur un autre : un muscle contre un os, un tendon par-dessus un autre muscle, du cartilage contre un os, etc. C’est probablement ce type de bruits que vous entendez au centre de conditionnement physique, lors de vos push-ups ou lorsque vous montez un escalier. Surveillez l’exécution de vos mouvements, mais n’arrêtez pas de vous entraîner ou de bouger, même s’il y a un peu de bruit, surtout s’il n’y a pas de douleur ! L’exercice est le principal moyen de prévenir l’arthrose (usure articulaire). L’activité physique encourage la lubrification de vos articulations, en plus de renforcer vos os et de maintenir en santé vos systèmes cardiovasculaire et respiratoire (sans parler des effets des endorphines sur votre humeur !). Même lorsque le cartilage articulaire est fortement usé (arthrose avancée), il faut continuer de demeurer actif selon votre tolérance. Il suffit d’adapter vos exercices à votre condition physique, de manière à pouvoir bouger avec un minimum de douleur. Pour un genou douloureux, la natation, la marche ou le vélo demeurent souvent possibles même si la course ou le hockey-balle sont devenus pénibles. En effet, des études ont démontré que l’activité physique donne de meilleurs résultats que la médication anti-inflammatoire en vente libre de même que la perte de poids pour diminuer les douleurs liées à l’arthrose du genou ! Et il en va de même pour les autres articulations. Il faut donc continuer à demeurer actif autant que possible.
Quand consulter ?
Par contre, lorsque le bruit articulaire s’accompagne de douleur, il faut chercher à examiner la problématique. La plupart du temps, il s’agit tout simplement de spasmes ou de contractures musculaires qui nuisent à votre amplitude de mouvement. Ces contractures peuvent avoir plusieurs origines : un ancien traumatisme, une chute ou des mouvements répétitifs, par exemple. Dans ce cas, un thérapeute manuel comme un ostéopathe, un chiropraticien ou un physiothérapeute pourraient vous aider. Évidemment, si la douleur est très sévère ou vous tient éveillé la nuit, il vaut mieux d’abord en parler avec votre médecin.
Mes vertèbres craquent parfois. Sont-elles déplacées et ai-je un problème ?
Les vertèbres qui « craquent » lors d’un mouvement représentent aussi un phénomène normal et commun. Ce type de craquement diffère cependant quelque peu des « frottements » que nous avons mentionnés précédemment, et le mécanisme d’action n’est pas le même. Cela se compare davantage à ce qui arrive lorsque l’on fait « craquer » nos jointures. Ce type de bruit articulaire n’est habituellement pas reproductible avant d’attendre au minimum une quinzaine de minutes, le temps que les gaz soient réabsorbés dans le liquide synovial… (plus de détails immédiatement après !).
Les « craquements » ou cavitations se produisent lorsque les capsules ligamentaires qui unissent deux articulations sont étirées rapidement. En fait, le bruit en tant que tel est tout simplement causé par l’éclatement de minuscules bulles de gaz de dioxyde de carbone qui se forment dans le liquide synovial, un liquide lubrifiant présent dans les articulations. C’est lorsque ces bulles libèrent leur énergie rapidement qu’il y a production de chaleur et de son. On peut grossièrement comparer ce son au bruit d’une ventouse qu’on décolle d’une surface.
Ce type de craquement, s’il ne nous inquiète pas, peut même nous faire ressentir un certain bien-être.
En effet, certaines disciplines de thérapie manuelle utilisent même les « craquements », qu’on appelle « manipulations », afin de soulager les douleurs dans certaines conditions. Au Québec, les manipulations vertébrales sont utilisées par les chiropraticiens et les physiothérapeutes formés en la matière. La littérature scientifique a démontré l’efficacité des manipulations articulaires pour les douleurs lombaires récentes. Selon les données, il est probable qu’elles aident aussi positivement les douleurs cervicales et les maux lombaires persistants (plus de trois semaines). Les manipulations ont un effet antalgique démontré (calmant la douleur). À l’heure actuelle, les recherches suggèrent que cet effet provient de l’activation du système descendant d’inhibition de la douleur en réaction à l’étirement des capsules articulaires. En résumé, il s’agit d’un effet automatique sur le système nerveux qui permet de moduler (diminuer) la sensation douloureuse. En outre, le bruit articulaire n’est en rien un signe que quelque chose se brise ou se replace. Il n’est pas à craindre, ni non plus un gage de réussite d’une manœuvre thérapeutique. D’autres manœuvres qui ne produisent pas de craquement peuvent avoir un excellent effet thérapeutique, comme le démontre aussi la littérature.
Contrairement à ce qui est véhiculé souvent dans la culture populaire, le craquement n’est pas un signe que « quelque chose qui était déplacé a été remis à sa place ». En effet, nos vertèbres sont en lien très étroit avec notre moelle épinière et nos nerfs, de sorte que si elles se déplaçaient réellement de plusieurs centimètres, cela pourrait gravement compromettre notre santé. De plus, l’anxiété, la peur et l’inquiétude sont des éléments démontrés comme pouvant exacerber la douleur. Si vous pensez que quelque chose n’est pas à sa place chaque fois que vous bougez votre dos et votre cou et que cela vous préoccupe grandement, ces fausses croyances que vous ruminez pourraient contribuer, en faisant monter votre anxiété, à amplifier votre perception de la douleur.
De l’autre côté de la médaille, les manipulations articulaires permettent souvent des gains intéressants de mobilité d’un segment vertébral en agissant sur le système nerveux et en diminuant temporairement la rigidité des muscles paravertébraux qui entourent les vertèbres. Un bon massage peut parfois parvenir à un effet similaire. L’un ou l’autre peuvent donc être des outils thérapeutiques intéressants.
Faire craquer soi-même ses articulations est-il dangereux ?
Contrairement à ce que l’on peut entendre, faire craquer ses articulations de manière répétée n’est pas un comportement nocif. Des études récentes à ce sujet ont même été réalisées, aucune d’entre elles ne réussissant à démontrer un effet néfaste de l’auto-manipulation articulaire. Le bruit peut être un peu dérangeant pour ses voisins de bureau, mais c’est pas mal là que les effets négatifs s’arrêtent !
En conclusion
En résumé, il y a plusieurs types de bruits articulaires possibles. Il n’y a absolument rien à craindre de la plupart d’entre eux. Seuls ceux qui s’accompagnent de douleur méritent que vous consultiez un professionnel. Quant à vos vertèbres qui craquent, cessez de vous inquiéter, car la peur contribue à amplifier la perception de la douleur. Vos vertèbres ne sont pas « déplacées » ! Par contre, si vous avez mal au dos, l’effet de la manipulation vertébrale sur le système nerveux pourrait vous permettre de diminuer la sensation douloureuse.
RÉFÉRENCES
CLEVELAND CLINIC. « Snap, Crackle, Pop », Sports Health & Fitness, [En ligne], mai 2016.[https://health.clevelandclinic.org/snap-crackle-pop-need- know-joint-noises/].
MAIGNE, JEAN-YVES. Le mal de dos, 2e édition, 2009.
MCALINDON, TE. Guidelines for the non-surgical management of knee osteoarthritis, Osteoarthritis Research Society International, 2014.