Parfois mentionné sous les appellations « bursopathie » (bursite) et « tendinopathie » (tendinite) de la hanche, le syndrome douloureux du grand trochanter (SDGT) se caractérise par de la douleur sur la face externe de la hanche, qui peut irradier vers la cuisse et, parfois, jusqu’au genou. Cette pathologie peut rendre pénibles plusieurs activités de la vie quotidienne :
- la marche,
- la montée d’escaliers,
- les sauts,
- la position assise prolongée,
- le croisement d’une jambe par-dessus l’autre ou l’assise en tailleur,
- la position couchée sur le côté (de la hanche douloureuse).
Cette pathologie commune, qui représenterait environ 20 % de toutes les consultations concernant les hanches, est fréquemment confondue avec l’arthrose symptomatique de la hanche ou une pathologie du dos, comme une sciatique. Toutefois, contrairement à cette dernière, ce sont les mouvements qui impliquent davantage la hanche (et non la colonne vertébrale) qui reproduisent les symptômes. Contrairement à la sciatique, la douleur issue d’un SDGT n’est habituellement pas décrite comme une brûlure ou une décharge électrique, et n’apporte pas non plus de paresthésie (engourdissements et picotements).
Selon les recherches, ce syndrome touche plus régulièrement les femmes que les hommes (cinq femmes pour un homme). La tranche d’âge la plus vulnérable semble se situer de 40 à 60 ans. Le surpoids et la sédentarité représentent des facteurs prédisposants importants dans le développement de la pathologie.
Évaluation
Les deux signes principaux retrouvés à l’évaluation sont les suivants :
- De la sensibilité importante lors de la palpation sur et autour du grand trochanter (la proéminence osseuse saillante : la plupart du temps facilement palpable sur le côté latéral de la hanche);
- L’apparition d’une douleur au grand trochanter lorsque l’on se tient en appui sur une jambe. Pour réaliser ce test, il suffit de vous tenir en appui, debout, sur le pied de la hanche du côté des symptômes. Soulevez ensuite l’autre pied du sol. Déposez doucement les doigts de la main opposée à la hanche symptomatique contre un mur, afin de vous aider à maintenir votre équilibre. Le test est concluant si de la douleur apparaît en moins de 30 secondes.
Évolution normale
Bonne nouvelle : pour se rétablir d’un SDGT, le pronostic est généralement bon. Toutefois, cela peut nécessiter de la patience. En effet, la plupart des gens souffrant de ce syndrome (plus de 80 % d’entre eux, selon les recherches) verront leurs symptômes se résorber sur une période s’échelonnant de 6 à 12 mois. Cela n’est pas sans rappeler d’autres pathologies de longue durée, que l’on associe au phénomène de « tendinopathie », tels que la fasciite plantaire ou encore le syndrome du conflit sous-acromial (l’épaule). Il est donc très important de ne pas se laisser abattre et de demeurer optimiste : après la pluie le beau temps ! Notre attitude est importante : les gens optimistes montrent des pronostics souvent plus favorables pour de nombreuses pathologies musculosquelettiques (Velasco Furlong et coll., 2010).
Que faire ?
La prise en charge de cette pathologie présente de nombreuses similitudes avec celle de plusieurs tendinopathies. En phase initiale aigüe (généralement les premiers mois), l’objectif de la réhabilitation est de réduire les forces compressives appliquées sur le grand trochanter et d’aider à contrôler la douleur.
Afin de calmer les symptômes, il est souvent nécessaire de modifier temporairement certaines activités ou positions. Cessez de croiser la jambe ou de dormir sur le côté symptomatique, par exemple (si vous êtes incapable de dormir sur le dos, il est préférable de dormir sur l’autre côté, avec un oreiller entre les genoux). Il peut être utile de se servir davantage de la rampe en montant ou en descendant les escaliers. À l’extérieur, les bâtons de randonnée peuvent être d’une aide précieuse pour diminuer les symptômes à la marche. Pour la personne qui souffre de ce syndrome, il est important de savoir ce qui suit :
- Un léger accroissement de la douleur lors de la marche ou des activités physiques est normal et ne ralentira pas la guérison;
- Si la douleur augmente de façon importante, il faut savoir prendre une courte pause et se reposer jusqu’à ce que la situation revienne à un niveau plus gérable. Toutefois, le repos complet doit demeurer bref. En effet, ce dernier contribue au déconditionnement de la musculature de la hanche. Or, renforcer cette dernière constitue une pierre angulaire du traitement du syndrome, sans compter que réduire ses activités physiques favorise le gain de poids, un autre facteur de risque de cette pathologie. Lorsque la marche ou la randonnée sont trop provocatrices, le vélo ou la natation peuvent être bien tolérés par la hanche et permettent d’éviter le déconditionnement.
Pour aider à contrôler la douleur lorsque celle-ci irradie, plusieurs modalités peuvent être utilisées :
- La médication : des analgésiques, des anti-inflammatoires ou des relaxants musculaires (consultez votre médecin ou votre pharmacien);
- L’application de chaleur ou de froid (lequel choisir? Faites simplement l’essai de l’un ou l’autre environ 10-15 minutes et réemployez, au besoin, la méthode qui vous apporte le plus grand bien-être);
- La thérapie manuelle (telle que pratiquée par un ostéopathe ou un kinésithérapeute, par exemple);
- L’automassage;
- L’acupuncture.
Les exercices d’étirement (stretching), qui peuvent faire du bien dans d’autres troubles musculosquelettiques, peuvent se révéler provocatifs de symptômes dans le SDGT et dans d’autres tendinopathies (Docking et coll., 2013).
D’autres modalités peuvent être utilisées :
- L’injection de cortisone : elle ne devrait être réservée qu’en cas de douleur très importante et limitante. Des études montrent que si elle peut aider à réduire la douleur à court terme, elle n’influence pas le temps total de guérison. À moyen ou à long terme, l’injection de cortisone performe moins bien qu’un programme d’exercices de renforcement graduel (Rompe et coll., 2009);
- L’hormonothérapie pourrait aider certaines femmes souffrant de cette pathologie (Ganderton et coll., 2016);
- L’utilisation d’orthèse, la thérapie par ondes de choc radiales (Shockwave) et la thérapie par plasma riche en plaquettes (PRP) : leur efficacité pour cette pathologie demeure peu étudiée.
Exercices de renforcement graduel
Une fois la douleur davantage sous contrôle, il est important de mettre l’accent sur un renforcement progressif de la musculature de la hanche, particulièrement des fessiers et des abducteurs. En parallèle, il faut aussi accorder de l’importance aux autres facteurs de risque qui peuvent nourrir la pathologie, tels que le surpoids ou les facteurs psychosociaux, comme le pessimisme, la peur de bouger et la tendance à la catastrophisation.
Pour qu’un programme de renforcement graduel se montre efficace, il est nécessaire de respecter trois grands principes.
- Principe d’assiduité : il faut sélectionner un petit nombre d’exercices qui seront répétés approximativement trois fois par semaine. En termes de durée, le programme peut être très bref s’il sollicite adéquatement la hanche et encourage le corps à s’adapter graduellement à la charge. Il n’est pas recommandé d’effectuer les exercices chaque jour, car s’ils génèrent suffisamment de fatigue, c’est-à-dire s’ils sont réalisés avec une intensité appropriée, un temps de récupération sera nécessaire pour produire des adaptations. Les experts en tendinopathie ont estimé cette période à environ 72 heures (Kjaer et coll., 2005). C’est pourquoi je suggère de réaliser les exercices environ une fois tous les trois jours. Rappelez-vous que c’est un marathon et non un sprint!
- Principe de progression : au fil des semaines, il est nécessaire de viser une progression, afin que l’on puisse s’adapter au stimulus que représente l’exercice. Je préfère commencer par augmenter graduellement le nombre de séries, puis de répétitions. Ensuite, le paramètre de charge sera augmenté : par une modification de l’exercice lui-même (par exemple, en progressant d’un exercice ciblant indirectement les abducteurs vers un exercice qui les sollicite directement, ou encore en augmentant le bras de levier) ou par l’ajout d’une résistance externe (bande élastique, sangle de cheville, etc.). Constater une progression représente une source de motivation supplémentaire, un atout drôlement utile lorsque l’on fait face à une pathologie dont la récupération s’échelonne souvent sur plusieurs mois. Un dosage adéquat pourrait représenter, par exemple, 1 à 3 exercices, 1 à 3 séries chacun et 5 à 15 répétitions.
- Principe de gestion de la douleur : d’une part, il faut demeurer conscient qu’une douleur qui augmente légèrement pendant ou après la réalisation d’un exercice est un phénomène normal qui ne retardera pas la guérison (Sayanna et coll., 2007). D’autre part, si la douleur augmente trop ou persiste trop longtemps (plus de 24 heures) après une séance d’exercice, elle peut être un facteur de démotivation pour adhérer au programme de renforcement graduel ou nous rendre davantage sensible à l’apparition de la douleur. Comment s’y retrouver? Lorsque vous essayez un nouvel exercice, je recommande de procéder comme ceci :
- Si la douleur s’élève légèrement pendant ou après l’exercice et qu’elle revient au niveau de base en 24 heures ou moins, c’est généralement un signe que vous exploitez une intensité adéquate;
- Si la douleur s’élève de façon modérée ou sévère ou qu’elle demeure élevée pendant plus de 24 heures, il est généralement souhaitable de revoir à la baisse certains paramètres autour de l’exercice.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas se décourager ! Les essais et les erreurs sont normaux dans ce processus exploratoire. Il suffit de s’ajuster !
En conclusion
Le SDGT est une cause de douleur et de limitation fréquente de la hanche. Heureusement, et même si cela peut prendre plusieurs mois, c’est une pathologie duquelle les gens récupéreront habituellement complètement. Un bon programme de contrôle de la douleur et de renforcement progressif des muscles de la hanche représente actuellement le meilleur consensus scientifique pour aider à surmonter cette pathologie. Si vous avez besoin d’aide pour vous en sortir, n’hésitez pas à consulter un professionnel) de la réadaptation près de chez vous.
RÉFÉRENCES ;
Gomez et coll, Greater Trochanteric Syndrome, Stat Pearls, 2022.
Speers et coll, Greater trochanteric pain syndrome: a review of diagnosis and management in general practice, Br J Gen Pract, 2017