Douleurs musculosquelettiques : 7 stratégies validées par la science pour s’en libérer

Publié le 3 mai 2020
Écrit par Nicolas Blanchette, D.o., B. Sc. Kinésiologie

Douleurs musculosquelettiques : 7 stratégies validées par la science pour s’en libérer

Avertissement : consulter un médecin est toujours primordial, lorsque l’on parle de douleur, surtout si celle-ci est aiguë, résulte d’un traumatisme ou est inhabituelle. Nous ne parlerons pas non plus de médicaments dans cette chronique. Néanmoins, il est possible que le professionnel que vous consultiez pour votre douleur, par manque de temps, par habitude ou par obligation protocolaire, ne vous expose qu’une seule et unique solution à vos inconforts d’origine musculo-squelettique.

 

Or, il  est  important de savoir que la science sur la douleur valide plusieurs approches pour ce qui est de gérer, atténuer et faire disparaître la douleur musculosquelettique. Par exemple, pour votre mal de dos, on vous a peut-être déjà recommandé de vous reposer, de vous étirer, de vous entraîner, de vous faire masser, de commencer le yoga, et bien d’autres choses encore. On dirait même que plusieurs de ces conseils sont contradictoires. Quelles options parmi celles-ci sauront fonctionner ?

 

Roulement de tambour : toutes ces options peuvent être valables. Certaines personnes réussissent à éliminer leurs maux de dos complètement en procédant à un renforcement musculaire régulier, alors que pour d’autres, cette approche ne fonctionnera pas du tout. Certaines personnes auront des résultats phénoménaux après une séance d’ostéopathie ou de chiropractie, tandis que d’autres n’y trouveront que peu de soulagement. C’est là toute la complexité de l’être humain et de l’expérience de la douleur. Ce qui fonctionne pour les uns peut être complètement inefficace pour les autres, et vice-versa ! Et malheureusement, quoi qu’on en dise, il y a bien peu de façons de déter- miner d’avance quelle approche portera fruit.

 

« Une erreur fréquente est de ne tout simplement pas travailler assez fort. Une stimulation adéquate est nécessaire. »

Cependant, il est souhaitable de ne pas essayer TOUTES les options existantes non plus (on n’aurait jamais fini). Ne nous le cachons pas, certaines options que l’on pourrait vous apporter ne sont que des fraudes visant à vous faire dépenser votre argent. Ainsi, il est nécessaire de connaître ce que les recherches sur la douleur valident en 2020 comme approches intéressantes pour la douleur d’origine musculosquelettique. Chacune des méthodes non pharmaceutiques discutées plus bas vaut la peine d’être essayée pour plusieurs types d’inconforts généraux, même sans la présence d’un diagnostic précis. Elles sont regroupées par catégorie et présentent des bénéfices larges et peu d’effets secondaires possibles. Encore mieux, dans bien des cas, il n’est pas nécessaire d’être un expert pour commencer à les utiliser (même si une supervision peut parfois être recommandée). Voici une description simple de chacune de ces catégories, pourquoi elles pourraient vous aider, ainsi que certains pièges à éviter en prenant votre décision.

 

1. Le repos

De manière instinctive, nous ménagerons souvent une articulation qui se met à faire mal. Le repos est efficace contre les problématiques issues de surcharges. La surcharge peut être biomécanique (j’ai passé deux jours à décaper des meubles et le lendemain, j’ai mal au coude). La surcharge peut aussi être d’origine psychoémotive, ce qui est généralement beaucoup plus difficile à déceler. En effet, un événement très taxant sur le plan psychoémotif (surcharge de travail au bureau, manque de sommeil, conflit familial, divorce, etc.) peut se répercuter en symptômes physiques en rendant le système nerveux temporairement hypersensible.

 

Le repos comporte toutefois quelques pièges. Le premier, c’est que certaines personnes n’aiment tout simplement pas se reposer. Deuxièmement, comme nous en avons parlé, les surcharges peuvent être difficiles à déceler. Troisièmement, passé un certain temps (généralement quelques mois au plus), plus de repos ne vous aidera plus. Si vous avez attendu suffisamment longtemps pour permettre la guérison cellulaire des tissus (un professionnel pourra vous guider à ce sujet) et que vous avez toujours mal, vous auriez avantage à entreprendre une approche plus active pour per- mettre à votre système nerveux de se désensibiliser vis-à-vis de la douleur.

 

2. Le renforcement musculaire

Une fois la phase initiale de repos respectée, le renforcement musculaire progressif est la stratégie qui a le plus de chances d’atténuer la douleur, selon le consensus scientifique actuel. Pourquoi ça marche ? Nous n’en sommes pas encore exactement certains, mais cela inclut sûrement plusieurs mécanismes générant des changements physiologiques, mécaniques et psychosociaux. L’hypoalgésie liée à l’exercice est un phénomène qui implique une diminution quasi immédiate de la douleur après la réalisation d’un exercice intense (contrôlé).

Il faut cependant s’assurer de respecter certaines règles. Premièrement, l’exercice ne doit pas élever la douleur bien au-delà du seuil de base (principe du point d’inflexion). L’exercice ne doit pas dépasser 3-4 sur 10 sur le plan de la douleur ressentie sur une échelle subjective. La douleur ne doit également pas augmenter immédiatement après l’exercice ou le lendemain. Le niveau de base doit être atteint de nouveau dans une période de 24 heures.

 

Également, il n’y a pas de muscle magique à renforcer pour régler tous les problèmes. Pas plus qu’il n’y a de méthode particulièrement plus efficace qu’une autre (isométrie, myométrie, élastique, poids libre, etc. (Vanti et coll., 2017). Pourvu que la résistance soit progressivement augmentée et que les symptômes soient maîtrisés.

Une erreur fréquente est de ne tout simplement pas travailler assez fort. Une stimulation adéquate est nécessaire. Si nous utilisons une charge avec laquelle on peut faire 50 répétitions alors qu’il faudrait en faire 12 à 15 au maximum, la stimulation sera alors inadéquate pour générer une adaptation de l’organisme.

 

3. La thérapie manuelle

Cette catégorie inclut toutes les disciplines qui utilisent les mains pour atténuer les inconforts, tout comme celles qui utilisent des accessoires comme les aiguilles ou les ventouses.

La science  moderne  nous  indique  que  la  majorité des effets de ces thérapies variées seraient d’origine neurophysiologique par modulation de la sensibilité du système nerveux vis-à-vis de la douleur (Vigotsky et coll., 2015).

Il est important de savoir que les individus ont des réponses très variées quant à la thérapie manuelle. Très souvent, ces réponses sont souvent impossibles à prédire. Une grande quantité de variables biopsychosociales peuvent influencer la réponse du client, incluant les croyances de ce dernier, ses attentes, le lieu de la consultation, la personnalité du thérapeute, etc. (Chester et coll., 2019).

 

Cette approche présente aussi certains pièges : si le client croit que les problèmes sont tous dans ses tissus et que seul son thérapeute expert possède le pouvoir de l’aider à corriger la situation, cela le désarme devant sa situation et les futurs événements de la vie. Cela pourrait le décourager à employer d’autres stratégies plus actives.

 

4. Le travail de la mobilité et de la souplesse

Cette catégorie inclut diverses disciplines, telles que la danse, le Pilates, le yoga, les étirements, les exercices d’échauffement, les exercices de mobilité, la méthode PNF, etc. S’étirer et mobiliser nos articulations, ça fait souvent du bien, particulièrement si :

  • L’amplitude de mouvement est restreinte, mais pas nécessairement par la douleur (ce qui est souvent constaté d’un côté du corps par rapport à l’autre) ;
  • On expérimente une sensation de raideur dans les tissus musculaires près de la source de la douleur (et non dans l’articulation elle-même) ;
  • On ne réalise pas déjà un programme d’exercices qui nous permet de mobiliser nos articulations dans une pleine amplitude de mouvement.

 

Il faut cependant savoir que la flexibilité n’est pas corrélée avec la probabilité d’éprouver de la douleur ou non. Malgré leur souplesse, les gymnastes, les danseuses de ballet et les professeurs de yoga ne sont pas des individus qui flottent sur un nuage d’allégresse à longueur de journée, exempts de toute douleur musculosquelettique. Améliorer l’amplitude de mouvement ne fait pas toujours partie de la solution ; parfois, il vaut mieux apporter davantage de stabilité à l’articulation. Il faut aussi porter une attention particulière à ce que la sensation d’étirement soit bien ressentie dans le ventre musculaire (par exemple, l’ischiojambier), et non dans l’articulation elle-même (le genou). Le client doit apprendre à faire la différence, sous peine de se blesser.

 

5. L’amélioration du contrôle moteur et de la coordination

Particulièrement lorsque la douleur est liée à une façon de bouger, il peut être utile d’offrir à notre système nerveux des options alternatives pour accomplir une même tâche le temps que nous retrouvions toutes nos options. On peut parler d’intervention visant à « enrichir notre vocabulaire moteur ». Attention : il n’existe pas foncièrement de mauvaise façon de bouger, ni de mauvaise posture d’ailleurs. Il ne faut pas chercher à se conformer à un idéal universel. Ce travail exploratoire peut être accompli à travers plusieurs disciplines : ergothérapie, yoga, Pilates, méthode Feldenkrais, Qi-gong, conditionnement physique avec attention à l’exécution des mouvements, etc.

 

6. Les approches alliant corps et esprit

La douleur persistante est davantage que les blessures des tissus. Elle dépend de comment le système nerveux, de manière inconsciente, perçoit une menace dans ce qui se passe à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisme. Différentes pratiques visent à améliorer la perception du corps à travers un état de pleine conscience et ont démontré pouvoir mitiger les sensations de douleur : ce sont, entre autres, l’éducation à la douleur, la méditation, les méthodes de réduction du stress basées sur la pleine conscience et la respiration, le yoga, la danse, les arts martiaux comme le tai-chi et le Qi-gong.

 

Il faut cependant savoir que ces méthodes permettent rarement d’éliminer la douleur totalement. Elles fournissent néanmoins des outils importants pour pouvoir gérer cette dernière au quotidien. Attention de ne pas culpabiliser. Ne pensez pas que la douleur est uniquement dans votre tête, que vous vous imaginez des choses ou que c’est entièrement votre faute si vous avez mal.

 

7. Améliorer sa santé générale

Bonne nouvelle : tout ce que vous ferez pour améliorer votre état de santé général a une chance d’avoir un impact positif sur les douleurs que vous ressentez. Surtout si la douleur est persistante et que d’autres affections complexes sont présentes, telles que dépression, anxiété élevée, obésité, syndrome du côlon irritable, maladie auto-immune.

 

Voici des exemples d’actions concrètes : améliorer son alimentation, optimiser sa composition corporelle (réduction du taux de gras), cesser de fumer, réduire sa consommation d’alcool, améliorer sa capacité cardiovasculaire, aller dehors, davantage passer du temps de qualité entre amis ou avec la famille, minimiser son stress émotionnel et faire des efforts pour améliorer la quantité et la qualité du sommeil (University of East Anglia, 2018).

Pour réaliser ces objectifs généraux, il vous faudra établir un plan de match SMART : spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et situé dans le temps. Mettre un accent sur votre santé générale ne doit pas non plus vous amener à développer une obsession (diète minceur, éviter toutes les « toxines », etc.).

 

En conclusion

Très souvent, le cheminement vers l’élimination de la douleur musculosquelettique, surtout lorsqu’elle est persistante, est semblable à la navigation d’une nouvelle région sans carte. Pour résoudre le défi, il est indispensable d’agir pour trouver son éventuelle destination ! Il y aura des culs-de-sac, des découvertes et parfois des trésors. Pour continuer le voyage, il est essentiel de conserver la motivation, le courage, et la curiosité d’expérimenter.

 

Source : Hardgrove, Todd. 7 ways for getting out of pain, https://www.bettermovement.org/blog/2020/seven-strategies- for-getting-out-of-pain, 2020