Entorse à la cheville

Publié le 20 mars 2016
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Entorse à la cheville

Devenez proactif dans votre rétablissement pour mieux prévenir les dommages collatéraux et les récidives .

 

L’entorse de la cheville, voilàuneblessure plutôt banale. Qui ne s’est pas déjà « reviré » la cheville au moins une fois ou deux lors d’un moment d’inattention ou d’une course trop précipitée ? Cet accident de parcours, communément appelé « foulure », touche fréquemment les enfants, les sportifs, les femmes enceintes ou, plus généralement, les gens ayant un bon potentiel génétique de souplesse articulaire (c’est, hélas, l’envers de la médaille d’être né avec une bonne souplesse !). Puisque l’entorse de la cheville est une lésion fréquente, il vaut justement la peine de prendre le temps d’en discuter. En effet, plusieurs personnes ignorent qu’une commune entorse dont la récupération n’a pas été bien prise en charge peut revenir poser problème tout au long de la vie. Une cheville fragilisée par une entorse sévère ou des traumatismes répétés peut sérieusement venir saboter notre sens de l’équilibre. Cette préoccupation est d’autant plus importante que les chutes sont une des plus fréquentes causes d’hospitalisation chez nos aînés. D’ailleurs, si vous avez déjà eu plus d’une entorse, avez-vous déjà remarqué qu’on se blesse presque exclusivement toujours du même côté ?

 

QUE SE PASSE-T-IL, LORSQU’ON SE FOULE UNE CHEVILLE ?

Imaginez que le soir venu, vous vous apprêtez à descendre au sous-sol partir un lavage. La tête ailleurs, vous dévalez les escaliers comme vous l’avez fait des milliers de fois auparavant, quand tout à coup, une panne d’électricité survient. Plongé dans le noir et évaluant mal la distance, vous sautez malencontreusement une marche. Au lieu de prendre contact avec la prochaine marche avec tout le dessous de votre pied, c’est malheureusement uniquement le côté extérieur, celui du petit orteil, qui se retrouve pendant un instant à devoir supporter tout le poids de votre corps. C’est bien trop pour lui ! Votre cheville verse, et un étirement brusque se produit. La peur de vous être sévèrement blessé s’empare de vous. Puis, une douleur assez vive se manifeste. Par réflexe, vous vous assoyez rapidement au sol. Que vient-il de se passer ?

 

ANATOMIE D’UNE ENTORSE

Le phénomène d’entorse met en jeu deux articulations de notre complexe cheville-pied. On peut voir ces articulations comme une pince et une poulie. L’articulation en pince, formée par le tibia et le péroné sur l’astragale, permet des mouvements de haut en bas de la cheville. Vous pouvez vous-même toucher à cette pince en palpant les deux protubérances de chaque côté de votre cheville, les malléoles. Lorsque vous pointez les orteils vers le plafond, la stabilité de cette pince est augmentée. Les pièces sont plus serrées les unes contre les autres. Lorsque, à l’inverse, vous pointez les orteils vers le bas (comme lorsque l’on monte sur la pointe des pieds), la pince articulaire est plus lâche.

Juste sous cette pince, l’astragale s’emboîte sur l’os du talon, le calcanéum. Le mouvement de cette articulation ressemble à celui d’une poulie, permettant des roulements autour d’un axe qui passe par le talon. Lors d’une entorse, la pince et la poulie sont dans leurs axes offrant le moins de congruence entre les os. Pour parer à cette instabilité osseuse, notre corps a un système ligamentaire et musculaire stabilisateur assez sophistiqué. Son premier rempart est la capsule articulaire. Elle est formée de trois ligaments sur le côté intérieur du pied et trois ligaments sur le côté extérieur, chacun partant d’une malléole et rayonnant vers les deux os de l’arrière-pied. Lorsque l’on est sur la pointe du pied et que l’avant-pied est tourné vers l’intérieur (ce qu’on appelle un « mouvement de supination de la cheville »), le ligament du côté extérieur situé le plus vers l’avant est le plus à risque d’être blessé. C’est la position typique de l’entorse et on appelle d’ailleurs ce faisceau le « ligament de l’entorse ».

 

UNE BLESSURE LIGAMENTAIRE

Les entorses, qu’il s’agisse, comme ici, de la cheville ou encore de l’épaule ou du dos, sont toujours des élongations traumatiques des ligaments. Les ligaments sont des bandes de tissu conjonctif qui agissent comme lien entre deux ou plusieurs os. Ce sont des soutiens passifs (contrairement à nos muscles, qui, eux, sont des soutiens actifs, sous notre contrôle volontaire). Les ligaments peuvent s’étirer sans problème sur une courte distance. C’est lorsque cette distance est dépassée trop brusquement qu’il y a entorse. En général, plus l’amplitude du mouvement brusque est grande, plus le risque que le ligament se déchire est sévère.

L’entorse de la cheville évolue selon trois stades. Lors du stade 1, il n’y a pas de déchirure ligamentaire et peu d’instabilité. Le stade 2 montre une déchirure partielle et de l’instabilité, tandis qu’au stade 3 on constate une déchirure complète et une instabilité exagérée.

Le traumatisme entraînant une déchirure de stade 3 est sévère et nécessite une visite médicale et parfois une chirurgie orthopédique. Chaque stade d’entorse est accompagné d’œdème (enflure) de magnitude variée et parfois d’épanchement sanguin (bleu) au niveau de la cheville ou du pied.

 

CONTRÔLER L’INFLAMMATION

L’entorse entraîne presque toujours un phénomène inflammatoire caractérisé par de l’enflure. C’est la tentative précoce de notre corps de gérer la blessure et de commencer à réparer les de gâts. Même s’il s’agit d’un processus nécessaire, la plupart des spécialistes s’entendent pour dire qu’il est préférable de prendre des mesures pour gérer et minimiser la réaction inflammatoire. Le protocole portant l’acronyme « RICE » est suggéré. Notons que la première phase peut durer de 24 heures à une semaine, selon la sévérité de l’entorse.

  • R pour « rest » (repos) : éviter de marcher sur la cheville dans les 24 à 48 heures ;
  • I pour « ice » (glace) : appliquer de la glace sur l’enflure à raison d’une dizaine de minutes toutes les heures. Pour ce faire, on peut utiliser un sac rempli de cubes de glace (un sac de légumes congelés fait très bien l’affaire aussi) ;
  • C pour « compression » : ne pas enlever immédiatement la botte ou le soulier si on en porte. Si l’entorse est sévère, il est recommandé de porter un support souple ou rigide à la cheville lors de la reprise d’une activité physique plus intense. Il pourra ensuite être utilisé au besoin selon la difficulté de l’activité ;
  • E pour « élévation » : soulever la cheville plus haut que le niveau du cœur en se couchant sur le dos en déposant le pied sur une chaise, par exemple, durant les 48 premières heures, à raison d’une dizaine de minutes par heure selon certains spécialistes.

 

REGAGNER L’AMPLITUDE

Une fois la première phase gérée, il est temps de vérifier si la cheville a retrouvé toute sa mobilité. Lors d’une entorse, il est fréquent que certains muscles soient atteints. S’il y a perte d’amplitude de mouvement à la cheville, il s’agit très souvent de spasmes musculaires de protection encore actifs.

En effet, en position de flexion plantaire et de supination, comme lors d’une entorse, les muscles latéraux de la jambe, les fibulaires, se contractent afin de tirer sur le péroné et de le faire descendre dans la « pince » articulaire. Cette action s’effectue pour stabiliser l’articulation plus vulnérable. Cependant, lors d’une entorse, cette action musculaire est parfois courtcircuitée, de telle sorte que les fibulaires gardent une tension résiduelle assez forte. Dans ce cas, les muscles maintiennent le péroné tiré vers le bas et l’amplitude de mouvement en flexion dorsale (quand on ramène le pied et les orteils vers le haut) est limitée du côté de l’entorse. Si vous remarquez une perte de mobilité de la cheville dans une direction, je vous conseille vivement de prendre rendez-vous avec un professionnel de thérapie manuelle.

 

STABILISER L’ARTICULATION

La troisième phase, lorsqu’il n’y a plus de douleur présente, est très importante pour assurer la santé à long terme. Elle est, hélas, souvent négligée, voire ignorée. Cette étape permet de s’assurer que la cheville a regagné de sa stabilité. Les exercices sont ici de mise. Je vous conseille de réaliser les exercices sans chaussure : cela stimulera les nombreux récepteurs situés sous le pied qui sont associés à notre sens de l’équilibre. Ces exercices peuvent être très simples : marcher sur les talons ou sur la pointe des pieds, par exemple.

Les conséquences d’une cheville instable peuvent se répercuter assez loin sur notre corps, de sorte que la véritable cause peut facilement passer inaperçue. Voici un cas classique vu en clinique : la patiente consulte pour des douleurs lombaires récidivantes. Or, nous remarquons que de manière inconsciente, elle met plus de poids sur sa jambe droite. Lorsque questionnée, elle se rappelle avoir déjà eu une entorse assez sévère à la cheville gauche.

Puisque la cheville n’a jamais retrouvé sa pleine stabilité, son corps fait davantage confiance à sa jambe droite. Ainsi, les muscles fessiers stabilisateurs de son côté droit sont davantage sollicités que son côté gauche, générant une surtension qui tire sur son bassin à droite et, par le fait même, sur sa région lombaire. C’est ainsi qu’une douleur chronique lombaire peut découler d’une cheville instable.

 

RÉFÉRENCE

CALAIS-GERMAIN, Blandine. Anatomie pour le mouvement, Éditions Marée haute, p. 257-298.