Publié le 13 mai 2021
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie
Maintenant que le froid continue de se retirer progressivement et que le mercure monte, la nature redevient tout à coup plus accessible que jamais. Et on serait fous de s’en priver. Ce raisonnement n’est pas seulement instinctif, il est aussi… scientifique ! Bouger en nature, c’est une recette gagnante. Et voici pourquoi.
En faire plus… en ayant l’impression d’en faire moins ?
De manière tout à fait instinctive, la plupart d’entre nous sont davantage attirés par les activités pratiquées à l’extérieur qu’à l’intérieur, et avec raison. Ainsi, des recherches ont montré que faire de l’exercice dans la nature versus à l’intérieur amène une sensation de revitalisation plus grande, une meilleure attention cognitive, un effet plus positif sur l’humeur et une réduction plus importante des sentiments de colère, de dépression et de tension en général (Thompson et coll., 2011).
Un autre bénéfice potentiel de l’exercice en milieu extérieur, c’est qu’il semble faciliter les interactions sociales, ce qui représente une autre manière de réduire le stress et d’augmenter la sensation d’accomplissement liée à l’exercice, cette même sensation d’accomplissement qui contribue à créer, au fil du temps, une boucle de rétroactions positives qui fait que l’on ne peut plus se passer de l’exercice ! Vous aurez probablement une conversation plus agréable et satisfaisante en discutant avec votre amie lors d’une promenade au bord de l’eau que côte à côte sur un tapis roulant au gymnase. L’activité physique extérieure bonifie l’expérience sociale.
Si vous êtes adepte de vélo, l’expérience de vélo en forêt versus sur un vélo stationnaire dans votre salon est, disons, très différente. Même si les deux formes d’exercice ont beaucoup de points en commun, c’est le contexte qui transforme grandement les choses. En effet, lorsque les gens font de l’activité physique à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur, ils en font généralement pendant plus longtemps sans s’en rendre compte, dépensent plus de calories tout en en retirant davantage de plaisir que pour les activités à l’intérieur. C’est une recette gagnante ! –
Pour illustrer ce concept, lors d’une étude, des personnes ont été soumises à des sessions de vélo à l’intérieur ou à l’extérieur. Les scientifiques demandaient aux participants et aux participantes de soutenir un même niveau d’effort perçu durant toute la session de pédalage (disons 6 sur 10 sur une échelle d’effort subjective, 1 étant très facile et 10 extrêmement difficile). Cela a permis aux chercheurs de mesurer que pour un même niveau d’effort perçu, les participants et participantes qui pédalaient en nature dépensaient plus d’énergie, atteignaient des fréquences cardiaques et des concentrations d’acide lactique plus élevées, ce qui traduit un effort plus important. Tout ça, sans avoir l’impression d’en faire davantage !
Mais ce phénomène ne semble pas se limiter au vélo. Par exemple, lors d’une recherche sur les habitudes de marche, les scientifiques ont divisé les participants et participantes en deux groupes. Le premier groupe marchait en randonnée en nature, tandis que le second marchait à l’intérieur, sur un tapis roulant. Or, les résultats des recherches ont permis de mettre en lumière que lorsqu’elles marchaient dans la nature plutôt qu’à l’intérieur, les personnes le faisaient à une cadence plus rapide, même si leur perception de l’effort était faible ! (Rogerson et coll., 2016).
Le besoin d’une gratification immédiate
Comment expliquer rationnellement que pour un même niveau d’effort, bouger en nature soit perçu par notre cerveau comme étant plus agréable et plus facile ? Certains scientifiques croient qu’il s’agit d’un conditionnement évolutif (Lee et coll., 2016).
En effet, lors d’un effort en milieu extérieur, nos récepteurs sensoriels (dont nos yeux, qui ne sont pas les moindres) reçoivent constamment des rétroactions immédiates, en temps réel. Ces rétroactions, telles que le défilement des arbres ou des reliefs du terrain, renseignent notre cerveau que nous sommes bel et bien en train de progresser, de nous rendre quelque part. Or, le mouvement est, quand on y pense, le but premier de toute activité physique de base !
D’un point de vue évolutif, il est fort probable que notre organisme ait développé des mécanismes pour conserver son énergie lorsque l’activité physique ne lui apparaît pas une nécessité. Ceci expliquerait sans doute pourquoi une grande proportion d’entre nous (moi le premier) a une aversion pour le travail physique qui semble ne mener nulle part (le vélo stationnaire, le tapis roulant, etc.).
Sans surprise, la majorité des gens adhèrent de façon plus importante à l’exercice physique si ce dernier est compensé par une forme de récompense immédiatement atteinte après l’exercice. Dans le cas de l’activité physique extérieure, cette récompense est instantanée : la sensation de progrès est beaucoup plus évidente que pour une même activité faite à l’intérieur (Rogerson, 2016). La perception visuelle de cet avancement nous encourage, sans nous en rendre compte, à dépenser davantage d’énergie. À l’inverse, lorsque nous pédalons sur un vélo stationnaire ou lorsque nous marchons sur un tapis roulant, une partie de nous, de manière inconsciente, ne peut s’empêcher de se questionner sur le fait que nous n’allons nulle part et qu’il ne paraît pas utile de poursuivre cet effort.
La surprenante vitamine soleil
Ajoutons aux bienfaits de l’exercice en nature des avantages supplémentaires. Bouger à l’extérieur est aussi le meilleur moyen de faire le plein de vitamine D, cette même vitamine qui aide à la consolidation osseuse, prévient certains cancers, favorise la santé hormonale et celle du système immunitaire, réduit les risques de dépression et de maladies cardiovasculaires (entre autres !). Étonnamment, une étude mondiale aurait estimé que près de 50 % des gens âgés de plus de 65 ans vivant dans l’hémisphère Nord présenteraient des niveaux sanguins insuffisants de vitamine D (Holcik et coll., 2007).
C’est à partir du rayonnement ultraviolet UVB que la peau, à l’aide du foie et des reins, est capable de produire de la vitamine D. De manière générale, il suffit d’environ 10 à 15 minutes d’exposition au soleil sur les bras ou sur les jambes, quelques fois par semaine, pour emmagasiner toute la vitamine D dont nous avons besoin. Malheureusement, et particulièrement dans notre hémisphère, les conditions météorologiques ne sont pas toujours idéales. En effet, à partir du mois de septembre, le rayonnement solaire diminue déjà beaucoup en force, ce qui rend la production de vitamine D par notre organisme beaucoup plus difficile. À partir du printemps et pour tout l’hiver, une supplémentation en vitamine D (1000 UI) est peu dispendieuse, présente des avantages potentiels très intéressants et virtuellement très peu de risques, selon Harvard Health Publishing (2008).
Nature et guérison
Les environnements naturels ont aussi d’autres bienfaits insoupçonnés. Certaines recherches ont validé que les environnements naturels encouragent la relaxation, la réduction du stress et de l’anxiété, des changements positifs au niveau du système immunitaire, une meilleure qualité de sommeil et des temps de guérison des blessures inférieurs. Même si davantage de recherches pour comprendre les mécanismes cellulaires complexes sont nécessaires, plusieurs personnes ont déjà fait l’expérience de la sérénité associée à une séance de méditation en nature (Rogerson, 2016).
Pour terminer, voici une expérience tout à fait fascinante. Dans cette recherche, les patients d’hôpitaux ayant subi une chirurgie et dont la fenêtre de la chambre donnait sur des espaces verts guérissaient plus rapidement et avaient besoin de moins de médication pour contrôler la douleur que ceux dont la fenêtre donnait sur un mur de brique (Ulrich, 1984) ! Même si le phénomène est encore mal compris, il prouve que le contexte importe, dans toute circonstance !
RÉFÉRENCES
Hargrove, Todd. Playing with Movement, 2019.
Harvard Health Publishing, Time for more Vitamine D, En ligne, 2008