Existe-t-il une relation entre le sucre et le cancer ?

Publié le 9 avril 2020
Écrit par Véronique Bourbeau, Nd.a, Herboriste clinicienne

Existe-t-il une relation entre le sucre et le cancer ?

Reconnue pour améliorer plusieurs paramètres de santé tels que le tour de taille, la tension artérielle, la glycémie, la protection neurologique et l’inflammation, une alimentation réduite en glucides est pour le moins alléchante ! Mais pourrait-elle être avantageuse également lors d’un cancer et représenter un complément sécuritaire lors de traitements ?

 

C’est en étudiant les particularités biologiques qui distinguent la cellule cancéreuse de la cellule saine que le rôle de l’alimentation gagne en importance. En effet, le comportement de la cellule tumorale se différencie à multiples égards. Parmi les caractéristiques les plus significatives se trouve une reprogrammation de son métabolisme énergétique. Que cela veut-il dire ? Que la cellule cancéreuse ne se nourrit pas à l’image des autres cellules du corps. En effet, afin de subvenir à son développement accéléré et de favoriser sa survie, la cellule cancéreuse n’a d’autre choix que de se gaver insatiablement de carburant. Il existe seulement trois types de carburant : le glucose provenant des glucides, les acides gras provenant des lipides et les acides aminés provenant des protéines. Comme toutes les cellules du corps, le substrat énergétique préférentiel de la cellule maligne est le glucose, duquel elle est dépendante. Toutefois, la façon dont elle l’utilise est distinctive ; elle ne l’oxyde pas en présence d’oxygène, mais le fermente.

 

La fermentation est un processus primitif qui s’enclenche naturellement en situation anaérobique (manque d’oxygène, à l’image des bactéries), cependant la cellule cancéreuse a développé la capacité de fermentation en présence d’oxygène, ce qui est unique ! Ce phénomène, nommé l’«effet Warburg » (glycolyse aérobique), fut observé pour la première fois en 1924. Il nous a fallu être patients et attendre 87 ans, avant que la communauté scientifique reconnaisse officiellement (en 2011) cette caractéristique, pourtant majeure, d’autant plus qu’elle s’exprime dans plus de 70 % des cancers primaires et 90 % des cancers métastasés1, 2.

 

Ainsi, la disponibilité du glucose influencerait la majorité des activités des cellules cancéreuses ! Nous savons également que plus le taux de consommation de sucre est élevé, plus la tumeur gagne en agressivité3. Encore plus significatif, nous savons aussi que ce n’est ni le type ni la localisation des cellules cancéreuses, mais la façon dont elles métabolisent le glucose qui déterminerait leur malignité !

 

L’efficacité avec laquelle la cellule cancéreuse produit son énergie est également particulière. Puisqu’elle utilise principalement la voie de la fermentation, le rendement énergétique est faible. La cellule cancéreuse nécessite entre 16 et 18 fois la quantité de glucose pour produire le même volume d’énergie. Cependant, pour assurer leur approvisionnement soutenu en énergie, les cellules cancéreuses consomment de 10 à 50 fois plus de sucre que les cellules normales et utilisent le glucose presque 100 fois plus rapidement que les cellules saines4, 5. Comment est-ce possible ? Afin de satisfaire aux conditions d’une prolifération rapide, les cellules malignes régulent à la hausse plusieurs enzymes impliquées dans la dégradation du glucose ainsi que le nombre de transporteurs et de récepteurs sensibles à l’insuline à leur surface6. À titre d’exemple, le nombre de récepteurs à l’insuline à la surface des cellules cancéreuses du sein est trois fois plus élevé que celui des cellules saines et presque le double pour ce qui est des cellules cancéreuses du côlon7.

 

L’insuline est une hormone sécrétée par le pancréas. Elle intervient lorsque la glycémie est élevée, à la suite d’un repas riche en glucides, par exemple. Cette hormone facilite le transport du glucose présent dans le sang vers l’intérieur des cellules. Dans une étude publiée en 2013, dans le Journal of Clinical Investigation, les chercheurs ont rapporté que des niveaux élevés de glucose déclenchent l’expression de plusieurs facteurs de croissance8 et accélère la prolifération tumorale de 20 à 40 %6. Parmi ces facteurs de croissance, nous retrouvons l’un des éléments les plus déterminants dans la progression tumorale, soit le facteur de croissance analogue à l’insuline de type 1, ou IGF-1. C’est par l’intermédiaire de récepteurs à IGF-1 que les cellules malignes réussissent à capter autant de sucre. La collaboration est complète : plus le taux de glucose est élevé, plus l’insuline intervient, plus les facteurs de croissance s’activent et plus la tumeur se développe rapidement 6,9.

 

Non seulement les preuves épidémiologiques recueillies dans plusieurs études ont montré que des taux d’insuline plus élevés peuvent conduire à un développement significatif du cancer sur plusieurs sites (pancréas, œsophage, foie, côlon, rectum, estomac, prostate, sein), mais plus inquiétant encore, c’est le constat que des taux élevés d’IGF-1 sont associés à un risque accru de mortalité induite par le cancer 10, 11, 12.

 

La fermentation du glucose apporte une quantité d’autres avantages pour la cellule maligne. En utilisant cette forme de production d’énergie, les cellules sécrètent parallèlement de l’acide lactique, ou lactate, qui représente le produit final de cette fermentation.

 

Considéré comme toxique, ce déchet acide sera vite déversé hors de la cellule pour se concentrer dans le micro-environnement immédiat. La concentration de cette acidité servira à endommager les tissus adjacents ; à activer le développement des voies sanguines d’approvisionnement (angiogenèse) ; à participer à l’adhésion, à l’invasion et à la métastase tumorale en plus d’induire une immunosuppression5. Les taux élevés de lactate favorisent directement l’agressivité de la tumeur et la progression de la maladie5, 13. On estime que les cellules tumorales produisent jusqu’à 40 fois plus d’acide lactique que les cellules normales14.

 

En définitive, une glycémie élevée, une intervention intermittente ou chronique de l’insuline ainsi que la synthèse d’acide lactique qui en résulte représentent des éléments qui exercent des effets très puissants sur le devenir tumoral. Ils créent une tempête parfaite ! En tant que facteur d’influence majeure, ces éléments sont également reconnus pour induire une résistance aux traitements conventionnels (radiothérapie et chimiothérapie)6. Une alimentation faible en glucides représente, à la lumière de ces informations, une stratégie pouvant affecter significativement le cours de cette maladie. Le cancer serait donc sensible à la composition de l’assiette. À nous de lui offrir un menu inhospitalier !

 

Pour obtenir plus de détails, je vous invite à visionner (via YouTube) ma conférence offerte à l’automne 2019 à la Fondation canadienne des tumeurs cérébrales ayant pour titre L’approche cétogène comme outil thérapeutique (https://www.youtube.com/watch?v=bvw77ua1GdE) .

 

Je vous invite également à assister à ma prochaine conférence portant sur le sujet, le dimanche 24 mai 2020, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Pour réserver une place et obtenir plus d’informations, communiquez auprès de la Clinique Intégrative du Haut-Richelieu au 450 895-1880.

 

RÉFÉRENCES

  1. ALTENBERG, B. et K.-O. GREULICH. « Genes of glycolysis are ubiquitously overexpressed in 24 cancer classes », Genomics, 2004.
  2. MORENO-SANCHEZ Rafael et coll. « Energy metabolism in tumor cells »,

FEBS Journal, 2007.

  1. RAINER, Wittig et coll. « The role of glucose metabolism and glucose-associated signalling in cancer », PERSPECTIVes in Medicinal Chemistry, 2007.
  2. WARBURG, O. « On the origin of cancer cells », Science, vol. 123, no 3191, 1956.5. ROMERO-GARCIA, Susana et coll. « Lactate Contribution to the Tumor Microenvironment: Mechanisms, Effects on Immune Cells and Therapeutic Relevance: Mechanisms,

Effects on Immune Cells and Therapeutic Relevance, Frontiers in Immunology, février 2016.

  1. RAINER, J. Klement et Ulrike KÄMMERER. « Is there a role for carbohydrate restriction in the treatment and prevention of cancer ? », Nutrition and Metabolism, 2011.
  2. Neil MCKINNEY, Naturopathic oncology : an encyclopedic guide for patients & physicians, 2010.
  3. ONODERA, Yasuhito, Jin-Min NAM, Mina J. BISSELL. « Increased sugar uptake promotes oncogenesis via EPAC/RAP1 and O-GlcNAc pathways », Journal of clinical INVestigation, janvier 2014.
  4. BOYD, Barry D., « Insulin and cancer », IntegrATIVe Cancer Therapies, vol. 2, no 4, décembre 2003, p. 315-329.
  5. GALLAGER, Emily J. et coll. « Minireview: IGF, insulin and cancer », Endocrinology, 2011.
  6. YAKAR, S. et coll. « The role of the growth hormone/insulin-like growth factor axis in tumor growth and progression: lessons from animal models »,

Cytokine Growth Factor ReV, 2005.

  1. KRONE, C.-A. et J.-T. ELY. « Controlling hyperglycemia as an adjunct to cancer therapy », Integrative Cancer Therapies, 2005.
  2. WALENTA, S. et coll. « High lactate levels predict likelihood of metastases, tumor recurrence, and restricted patient survival in human cervical cancers », Cancer Res, 2000.
  3. HOLM, E. et coll. « Substrate balances across colonic carcinomas in humans »,

Cancer Res, 1995.