Faire corps avec l’équilibre intérieur

Publié le 16 février 2019
Écrit par Julie Boisvert

Faire corps avec l’équilibre intérieur
Expo manger santé Quebec

Si les troubles alimentaires ont longtemps été relégués à la boulimie et à l’anorexie, on sait maintenant qu’il s’agit d’un spectre susceptible de toucher une grande partie de la population de différentes façons.

 

On pointe du doigt les symptômes et les traitements éprouvants qui accompagnent ces troubles de santé mentale, mais qu’en est-il de la prévention ? Trois intervenantes nous livrent leurs réflexions : Mélanie Guénette Robert, responsable du volet éducation et prévention chez Anorexie et Boulimie Québec (ANEB), Marie-Alexandre Ayotte, psychoéducatrice à la Clinique psychoalimentaire, et Priscillia Ross, nutritionniste à la même clinique.

Premièrement, sachez que la complexité des troubles alimentaires exige une approche pluridisciplinaire. Étant donné les enjeux psychologiques, nutritifs et physiques liés à la maladie, des professionnels d’horizons multiples doivent collaborer : psychologues, psychiatres, psychoéducateurs, nutritionnistes, médecins et personnel infirmier ! À titre d’exemple, Mélanie est formée en sexologie. « En termes de prévention liée aux troubles alimentaires, on outille les jeunes à s’approprier leur corps, à l’accepter, à être capables d’affirmer leurs limites », commente-t-elle. De plus, cette discipline s’intéresse aux questions d’images corporelles et d’identité, tous des sujets qui touchent la problématique.

Marie-Alexandre parle également d’analyse systémique pour décrire les troubles alimentaires. En bref, cette approche replace l’individu en interaction avec toutes les sphères sociales susceptibles d’influencer son développement : famille, amis, école, quartier, milieu de travail, condition socio-économique, culture, etc. « Beaucoup de facteurs peuvent influer sur l’apparition des troubles alimentaires. On peut penser à la personnalité et aux habitudes de vie, mais aussi à l’accès à la nourriture, au poids de l’industrie agroalimentaire, aux valeurs véhiculées par notre société… » Vu le caractère multifactoriel de la maladie, on peut difficilement confirmer qu’elle est évitable dans l’absolu.

 

Alors la prévention ?

Afin de mettre toutes les chances de notre côté, bannissons certains préjugés et encourageons des comportements sains. Les trois intervenantes jugent qu’on devrait s’abstenir de commenter l’apparence des autres, particulièrement en présence d’enfants. « Plutôt que de complimenter les enfants sur leur image, on peut miser sur leurs forces, leurs réussites et même leurs essais », soutient Mélanie. « D’une part, les aider à se connaître en dehors de leur enveloppe corporelle les aide à construire leur personnalité et à s’investir dans des activités qu’ils aiment », précise Marie-Alexandre. « D’autre part, on diminue les risques de bâtir une estime de soi uniquement basée sur l’apparence », ajoute la psychoéducatrice.

Pour passer des moments positifs avec soi-même, encore faut-il consolider son identité. « Donner aux jeunes l’occasion de découvrir des activités stimulantes et plaisantes, et apprendre à bouger pour le plaisir au lieu que ce soit une tâche constituent des facteurs de protection », explique Mélanie. « Pour quelqu’un qui ne se connaît pas, le trouble alimentaire risque de devenir une forme d’identité. » Bref, tout l’inverse de ce qu’on souhaite !

Marie-Alexandre poursuit sur le renforcement de l’estime de soi : « Idéalement, on devrait s’évaluer positivement, en tenant compte de nos forces et de ce qu’on veut améliorer. Or, l’estime se construit entre autres en vivant des succès. Chez les enfants, on peut favoriser leur autonomie, les aider à gérer leurs émotions sainement et les accompagner dans le développement de relations harmonieuses et de bonnes habiletés de communication. »

 

Une part de responsabilité sociale

Les technologies et les médias sociaux multiplient les sources d’information et décuplent la rapidité de diffusion. À ce sujet, Marie-Alexandre souligne l’impératif de forger son esprit critique. « Présentement, le modèle corporel véhiculé par l’industrie de la beauté et de la mode correspond à moins de 5 % des silhouettes féminines. Ces industries prônent même un indice de masse corporelle équivalent à celui qu’on traite chez les personnes atteintes de troubles alimentaires ! C’est ce qu’on voit tous les jours, et on sait qu’il existe un lien direct entre l’insatisfaction de son physique et son régime alimentaire. Il y a une industrie derrière tout ça qui gagne à ce qu’on soit complexés et qu’on consomme toutes sortes de produits amaigrissants. » Bref, elle résume un idéal de la beauté que l’on gagnerait peut-être plus à combattre qu’à essayer d’atteindre.

Investir l’espace public pour laisser moins de place aux stéréotypes renvoie parallèlement à un autre volet de la prévention. « C’est important de dénoncer les comportements, les paroles et les images stéréo-typées véhiculées par tous les types de médias », encourage Mélanie. À ce sujet, les trois intervenantes s’unissent d’une même voix pour décrier le mythe de « l’image santé », qui ne reflète ni le poids idéal ni les conditions de vie d’une personne. « Ce n’est pas parce qu’on a l’air en santé qu’on l’est vraiment », nuance Priscillia. « D’un autre côté, on sent encore le stigma qui pèse sur la maladie mentale. C’est très tabou. Il reste de la sensibilisation à faire sur ce plan. » Face à ce double standard qui ombrage une réalité, il vaudrait mieux présenter une plus grande diversité corporelle.

Peut-on s’habituer et cesser de se percevoir comme un objet à améliorer ? Priscillia préconise des activités qui permettent de ressentir et de se réapproprier nos sensations physiques. « La méditation pleine conscience et l’alimentation intuitive vont un peu en ce sens. On vise vraiment à être capable d’écouter ses signaux corporels, comme la faim ou la soif. » Il s’agit de revenir à la base et de se questionner sur ses besoins !

Rappelez-vous toutefois que personne ne détient le contrôle absolu sur son corps. Inutile de vous culpabiliser si vous ou un proche vivez avec un trouble alimentaire. Toutefois, si vous éprouvez des doutes quant à votre état de santé, ne restez pas comme ça. « Plus rapidement on va chercher de l’aide, plus on a de chances de s’en sortir », spécifie Mélanie. « Il faut aussi se rappeler qu’une absence de diagnostic n’égale pas l’absence de problèmes. Si vous souffrez ou si vous avez une inquiétude, ce n’est pas pour rien. Prenez le temps de consulter. »

 

Comment en parler avec son entourage ?

Si vous soupçonnez que quelqu’un entretient une relation négative avec la nourriture et son physique, voici quelques trucs pour aborder la question :

  • Choisir un moment propice à la discussion, non anxiogène (pas à l’heure des repas !) ;
  • Demander : « As-tu envie d’en parler ? Quel type de soutien attends-tu de moi ? » ;
  • Parler à la première personne (je) et nommer ses émotions ;
  • Décrire des comportements objectifs ne portant pas que sur les habitudes alimentaires (p. ex., refus de manger au resto avec des amis, changements brusques d’attitudes et d’humeurs, calcul des portions, entraînement intensif, etc.) ;
  • Amener doucement la personne à reconnaître sa souffrance ;
  • Rester ouvert d’esprit et à l’écoute, et éviter de juger ou de réagir en pointant du doigt les comportements malsains ;
  • Ne pas jouer au sauveur !

 

La Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires se déroule du1er au 7 février à travers tout le Canada.

Les organismes s’activent alors pour organiser panels, conférences et portes ouvertes pour rappeler l’impact des troubles alimentaires sur la vie d’une personne et l’importance de consulter. Pour obtenir plus de détails, visitez le site Web de la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires.

 

RÉFÉRENCES

Pour vous ou pour vos proches, les organismes suivants sauront vous écouter, vous accompagner et vous diriger vers des ressources appropriées.

Ligne de référence et d’écoute de l’ANEB

514 630-0907 (résidents de Montréal)

1 800 630-0907 (ligne sans frais pour les résidents de régions extérieures à Montréal) www.anebquebec.com