Fatiguée ? Et si c’était votre thyroïde ?

Publié le 17 septembre 2018
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

Fatiguée ? Et si c’était votre thyroïde ?

Faites-vous partie de ces femmes qui n’en peuvent plus d’être fatiguées ?

Peut-être avez-vous attendu impatiemment votre visite chez le médecin en espérant que vos tests sanguins allaient lui révéler la cause de votre épuisement seulement pour vous faire annoncer que tout était « normal » ? Peut-être qu’il ou elle vous a même diagnostiqué une hypothyroïdie et prescrit un traitement hormonal (Synthroid) mais qu’à votre grand désarroi, vous ne vous sentez toujours pas mieux ?

Si cela vous est d’un quelconque réconfort, sachez que votre situation est beaucoup plus fréquente que vous ne le croyez ! En effet, je reçois régulièrement en consultation des femmes accablées par une fatigue persistante et d’autres symptômes associés à l’hypothyroïdie* qui se sont habituellement fait dire que tout allait bien avec leur thyroïde, voire que tout cela se passait entre leurs deux oreilles ! Même lorsqu’on prend du Synthroid, il se peut fort bien que la fatigue persiste. Les résultats de l’étude Basel Thyroid Study, publiée en 2001, révèlent que la fatigue demeure le symptôme associé à l’hypothyroïdie le plus accablant chez les personnes sous traitement hormonali .

Alors, en dépit de tests sanguins « normaux » et même du traitement pharmacologique, il est tout à fait possible que votre glande thyroïde soit tout de même responsable de votre fatigue chronique. Démystifions donc cette glande d’une importance capitale pour notre bien-être et dont le fonctionnement et les tests associés sont généralement mal compris.

La glande thyroïde

La thyroïde est un organe en forme de papillon situé à la base du cou, derrière la pomme d’Adam et dont le rôle principal consiste à réguler le métabolisme des cellules de notre corps. C’est donc elle qui détermine la vitesse à laquelle fonctionne le minuscule « moteur » dont sont dotées nos cellules et nos organes via la production d’hormones appelées thyroxine (T4) et triiodothyronine (T3). Si la thyroïde s’emballe ou qu’au contraire elle fonctionne au ralenti, sa production d’hormones va entraîner un état d’hyperthyroïdie (excès) ou d’hypothyroïdie (carence) qui se répercutera sur tout l’organisme.

Les troubles thyroïdiens sont courants au Canada : environ une personne sur vingt en est atteinteii . Nous aborderons ici plus spécifiquement l’hypothyroïdie, car c’est le dysfonctionnement le plus fréquemment associé à la sensation de fatigue persistante.

*Symptômes associés à l’hypothyroïdie

  • Prise de poids
  • Peau sèche
  • Constipation
  • Intolérance au froid
  • Fatigue
  • Perte de cheveux
  • Présence d’un goitre (augmentation du volume de la thyroïde)
  • Irrégularité du cycle menstruel

L’importance relative de la TSH

Lorsqu’un dysfonctionnement de la thyroïde est envisagé, le premier examen demandé par le médecin est un dosage sanguin de la thyréostimuline (TSH), l’hormone considérée comme le critère par excellence pour évaluer le fonctionnement thyroïdien. La TSH est sécrétée par l’hypophyse de façon accrue lorsque le taux d’hormones thyroïdiennes T4 ou T3 est en baisse afin de stimuler la thyroïde à en produire plus. Le taux de TSH s’abaisse via une rétroaction négative lorsque leur taux se normalise. Au Canada, le taux de référence de la TSH se situe entre 0,45 et 4,50 mUI/L1 iii .

Ce que l’on doit savoir concernant la TSH c’est qu’il existe tout un débat entourant cet écart, particulièrement en ce qui a trait à la limite supérieure. En 2002, la National Academy of Clinical Biochemistry (NACB) émettait de nouvelles lignes directrices suggérant que les niveaux de TSH de plus de 2,5 mUI/L étaient anormaux, basés sur une large étude qui avait évalué des sujets sainsiv. L’année suivante, l’American Association of Clinical Endocrinologists (AACE) recommandait que les patients présentant un taux de TSH supérieur à 3 mIU/L fassent l’objet d’un traitement à la lévothyroxine (Synthroid)v. Il semblerait que cette approche puisse prévenir des formes plus sévères d’hypothyroïdievi. Paradoxalement, d’autres experts ne recommandent pas de traitement, à moins que les niveaux de TSH soient très élevés (supérieurs à 10 mIU/L)vii, car il n’y aurait selon eux pas de bénéfices démontrésviii. Il n’y a donc pas consensus du côté scientifique quant à la limite supérieure à partir de laquelle on doit traiter ni par rapport au taux optimal de TSH visé.

De surcroît, plusieurs facteurs influencent la sécrétion de TSH et son taux optimal, dont l’heure du prélèvement, la prise de certains médicaments, l’âge de la personne, le sexe, l’origine ethnique, l’indice de masse corporelle, la grossesse et, bien sûr, l’individualité biochimiqueix.

Le type de technologie utilisé pour évaluer le taux de TSH peut aussi affecter le résultat, puisque certains appareils de laboratoire peuvent détecter des isoformes de la TSH n’ayant aucune activité biologiquex. Dans ces cas, le taux de TSH pourrait se situer dans l’écart considéré normal, mais la personne ressentirait tout de même des symptômes d’hypothyroïdie.

L’évaluation du seul taux de TSH ne serait-il donc pas un facteur aussi concluant pour l’évaluation du bon fonctionnement de la glande thyroïde et l’exclusion du diagnostic d’hypothyroïdie et son traitement qu’on l’aurait cru ?

Un diagnostic plus inclusif

À la lumière de cette controverse, le Dr Jeffrey Garber nous rappelle au nom de l’AACE que les lignes directrices ne devraient pas remplacer le bon jugement du médecinxi. De l’avis de plusieurs, il faut élargir les critères sur lesquels le diagnostic d’hypothyroïdie et surtout l’initiation du traitement s’appuient, puisqu’à l’heure actuelle, on ne tient compte que du taux de TSH tout en faisant complètement abstraction des manifestations cliniques. Les tests complémentaires pour la thyroïde En présence de symptômes apparentés à l’hypothyroïdie ou d’antécédents familiaux, il semblerait judicieux de procéder à un bilan plus approfondi de la fonction thyroïdienne, incluant le taux de T4 et de T3 libres et le profil d’anticorps antithyroïdiens. En cas de nodules palpables au toucher, il est souhaitable d’exiger une échographie et le cas échéant, une analyse par cytoponction.

Ces tests supplémentaires permettent souvent d’obtenir un tableau plus global du bon fonctionnement de la thyroïde qu’un dosage de TSH isolé. Par exemple, certaines personnes souffrant de thyroïdite d’Hashimoto – une forme fréquente d’hypothyroïdie d’origine auto-immune – présentent régulièrement un taux de TSH dans l’intervalle considéré normal, mais présentent un taux d’anticorps antithyroïdiens élevé.

Le taux de T3 est aussi très pertinent, puisque la T4 doit être convertie en T3, la forme active d’hormone thyroïdienne afin de pouvoir agir du côté des sites récepteurs. Plusieurs facteurs peuvent inhiber cette conversion de la T4 produite naturellement par le corps ou celle prise sous forme synthétique (Synthroid), incluant le stress et certaines carences nutritives. Un métabolite de cette conversion de la T4 en T3 appelé reverse T3 (rT3) peut aussi nuire à l’efficacité de la T3 en se liant aux récepteurs. Certains laboratoires permettent d’évaluer le taux de rT3.

En conclusion

De nombreux facteurs peuvent être responsables de la fatigue et ils sont généralement les plus probables et fréquemment impliqués. Toutefois, si vous souffrez d’une fatigue persistante accompagnée d’autres symptômes associés à l’hypothyroïdie, ne sautez pas à la conclusion que votre thyroïde n’est pas en cause simplement parce que votre taux de TSH est inférieur à 4,50 mUI/L. Puisque 95 % des personnes en bonne santé présentent un taux de TSH inférieur à 2,5 mUI/L, il semble logique de plutôt viser ce nombre, que vous ayez recours au traitement par Synthroid ou non.

Il existe plusieurs moyens naturels de supporter le bon fonctionnement de la thyroïde, et il en sera question dans la prochaine partie de cet article.

Références

i. MONCAYO, Roy, et Helga Moncayo. « Applying a systems approach to thyroid physiology: Looking at the whole with a mitochondrial perspective instead of judging single TSH values or why we should know more about mitochondria to understand metabolism », BBA Clinical, vol. 7, juin 2017, p. 127-140. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214647416300733

ii. « Underactive thyroid: Deciding whether or not to treat subclinical hypothyroidism », PubMed Health. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmedhealth/PMH0072784/

iii. SAWKA, Anna M., et Jacqueline JONKLAAS. « Hypothyroidism », CMAJ, vol. 187, no 3, 17 février 2015, p. 205. http://www.cmaj.ca/content/187/3/205

iV. KRATZSCH, J., et autres. « New reference intervals for thyrotropin and thyroid hormones based on National Academy of Clinical Biochemistry criteria and regular ultrasonography of the thyroid », Clin Chem, vol. 51, 2005, p. 1480-1486.

v. SHOLOM, Mary. Understanding the TSH test and its controversies. www.verywellhealth.com/thyroid-testing-what-is-a-normal-tsh-level-3232902

vi. ÅSVOLD BO, Vatten LJ, K. MIDTHJELL et T. BJØRO. « Serum TSH within the reference range as a predictor of future hypothyroidism and hyperthyroidism: 11-year follow-up of the HUNT study in Norway », J Clin Endocrinol Metab, vol. 97, 2012, p. 93-99.

vii. « Underactive thyroid: Deciding whether or not to treat subclinical hypothyroidism », PubMed Health. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmedhealth/PMH0072784/

viii. BIONDI, Bernadette. « The Normal TSH Reference Range: What Has Changed in the Last Decade? », JCEM, vol. 98, no 91, septembre 2013. https://academic.oup.com/jcem/article/98/9/3584/2833082

ix. HOLLOWELL, JG, et autres. « Serum TSH, T4, and thyroid antibodies in the United States population (1988 to 1994): National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES III) ». J Clin Endocrinol Metab, vol. 87, 2002, p. 489-499.

x. BIONDI B, et DS COOPER. « The clinical significance of subclinical thyroid dysfunction », Endocr Rev, vol. 29, 2008, p. 76-131.

xi. SHOLOM, Mary. Understanding the TSH test and its controversies. www.verywellhealth.com/thyroid-testing-what-is-a-normal-tsh-level-3232902.