Publié le 8 mai 2022
Écrit par Anny Schneider, auteure et herboriste-thérapeute accréditée
Les preuves de l’intelligence des plantes sont innombrables, continuelles, surtout parmi les fleurs, où se concentre l’effort de la vie végétale vers la lumière et l’esprit.
Maurice Maeterlinck, L’intelligence des fleurs
Histoire du phénomène et des fluides magiques des plantes à fleurs
Outre les variations dans leurs formes et leurs couleurs, tout en elles est axé sur la séduction en vue de la perpétuation de l’espèce : physiologie accueillante, parfum suave, nectar succulent, pollen nourrissant, tout est là pour attirer des milliers d’insectes, qui contribueront à éterniser la plante fertilisée par le biais des graines, dont certaines restent vivantes pendant des décennies.
Quelques chiffres parlants : 95 % de tous les végétaux sont des plantes à fleurs, ou angiospermes. Elles existent depuis 140 millions d’années et comptent autour de 300 000 espèces dans le monde !
Bien sûr, elles ont largement contribué à la diversification des insectes et des oiseaux, mais elles fournissent aussi à tous les animaux, homo sapiens inclus, les nutriments essentiels à leur survie et à leur multiplication partout sur la planète ! Tous les fruits et les légumes de la planète ont besoin du vecteur fleurs, si éphémères soient-elles.
Et de nos amis les insectes pollinisateurs, évidemment. Gardez à l’esprit que, si vous cueillez trop de fleurs au même endroit, vous n’aurez bien sûr ni fruits ni graines : conscience et parcimonie s’imposent, surtout en nature ! « On ne peut arracher une fleur sans déranger une étoile », a écrit le poète Samuel Thompson.
Dans nos parterres, nos friches et nos forêts, un des signes les plus agréables du printemps enfin déployé, outre la douceur de l’air retrouvée, est la floraison des arbres et des végétaux familiers, enfin réanimés.
Quelques fleurs d’arbres nourriciers
La floraison des arbres à fruits est éphémère, car pour la plupart, elle se produit assez rapidement à la toute fin de l’hiver, de manière assez rapide les premiers jours de chaleur, pour attirer les insectes alliés, et aussi pour éviter les gels tardifs, qui parfois compromettent des récoltes entières dans les vergers.
Voici les arbres les plus populaires dont les fleurs sont utilisées en phytothérapie.
À noter : ssp. vient de l’anglais several sub species, c’est-à-dire et sous-espèces diverses.
Aubépines (Crataegus et ssp.) : les fleurs des 50 espèces de cet arbre épineux présentes en Amérique du Nord sont toutes reconnues pour réguler la pression sanguine, calmer les palpitations et aider à une meilleure irrigation du muscle cardiaque. Recueillir dans un panier plat, sur un papier de soie ou un tissu fin, les fleurs épanouies non pollinisées, avec des gants à cause des épines, en secouant délicatement les rameaux qui les portent.
Les faire sécher rapidement au sec et à l’ombre. Sur le marché, hélas, on trouve souvent des pétales très mélangés aux feuilles, voire aux rameaux, le tout broyé, pour augmenter le poids et le profit. En faire une teinture mère dans l’alcool, ou un concentré dans le vinaigre, est une bonne idée.
Cerisiers (Cerasus et ssp.) : tout le monde a vu, au Japon, en vrai ou en image, ces vergers de cerisiers roses en fleurs avec leur pluie de pétales. Ici aussi, on en replante de plus en plus, comme leurs cousins proches : les pruniers. On cueille leurs fleurs pour les consommer crues, les sécher ou en faire des teintures mères dans l’alcool, au subtil goût d’amande amère, ce qui n’enlève rien aux vertus des fruits, de l’écorce ou encore des pétioles, ou queues de cerise.
Ces fleurs sont antioxydantes, antiseptiques et immunostimulantes. Côté psychique : l’élixir de sa fleur aide à ne pas perdre le contrôle de soi, à se défaire de dépendances et à ramener la joie au cœur et à l’esprit.
Pommiers (Malus ssp.) : si les arbres n’ont pas été traités chimiquement, bien sûr, on cueille leurs fleurs pour les ajouter crues à une salade, en faire un vinaigre médicinal ou encore un élixir floral. Même celles des pommetiers hybrides de l’espèce agissent positivement sur la psyché.
D’après le Dr Bach, les fleurs de pommetier, ou Crab Apple, sont bénéfiques pour les personnes qui se sentent souillées, inadéquates ou honteuses. Elles aident au nettoyage des cellules comme de l’espace mental et favorisent la clarté d’esprit, la fraîcheur d’âme et la légèreté.
Il y aurait tellement d’autres fleurs d’arbres et d’arbustes à décrire, même celles du chêne, de l’orme ou du noyer, mais je choisis de nous ramener au sol et de décrire les fleurs printanières les plus souvent cultivées.
Premières messagères cultivées du printemps
Pâquerettes (Bellis perennis) : comme une partie de leur nom l’indique, elles fleurissent souvent à Pâques, du moins en Europe, ici, c’est plus vers la mi-mai. Elles sont reconnues pour aider à assainir la peau et à retarder les rides. On cueille tout le capitule sans les tiges, pistil et ligules inclus. On peut les faire sécher pour des tisanes ou encore en faire une lotion dans le vinaigre, à diluer ensuite avec une eau florale convenant à votre peau.
Par ailleurs, la pâquerette est antiseptique, astringente, émolliente, expectorante et immunostimulante, et si mignonne dans nos pelouses printanières non rasées ! L’huile de pâquerette est également bien connue en Europe, on la confectionne un peu comme l’huile de calendula.
Pulmonaire (Pulmonaria officinalis) : cette jolie borraginacée vivace arbore ses corolles variant du rose au bleu pâle. Sa corolle et son calice tubuleux évoquent les alvéoles pulmonaires, comme son nom et son usage l’indiquent clairement. En salade, en décoction rapide ou en teinture mère, la pulmonaire aide à adoucir et à soigner les poumons et la trachée irritée.
Ses feuilles rêches et parsemées de taches blanchâtres sont également bénéfiques pour les voies respiratoires.
Tulipes (Tulipa ssp.) : c’est une des rares plantes à bulbe qui se mangent, mais en petite quantité (quatre corolles au maximum par personne), idéalement ajoutées à une salade, car émollientes, sinon laxatives. Les pétales écrasés, seuls ou combinés à de l’huile ou à de l’argile, peuvent faire des cataplasmes ou des masques soulageant les brûlures, les irritations ou la peau sèche.
Durant la dernière guerre mondiale, les Hollandais mangeaient les bulbes cuits, et ce peuple en a envoyé des milliers aux Canadiens pour les remercier de l’avoir libéré des nazis.
Note importante : Attention à ces autres belles fleurs à bulbes souvent mises en terre à l’automne précédent, qui sont souvent médicinales, mais aussi potentiellement toxiques à cause d’alcaloïdes irritants : crocus, jacinthes, jonquilles, narcisses, muguets, perce-neige et scilles. Seuls les sorcières d’expérience et les biochimistes avisés savent les doser comme il faut !
Remarquables indigènes sauvages printanières
Antennaires (Antennaria canadensis, dioica, howellii et ssp.) : aussi appelées pied de chat, à cause de leur aspect similaire, elles poussent en colonies circulaires dans les prairies ensoleillées légèrement acides. Cette petite plante à tige argentée se termine par des fleurs à bractées velues blanc crème, à floraison éphémère.
Plusieurs tribus autochtones l’utilisaient comme pectoral contre les bronchites et la toux persistante. Adoucissante, astringente, cholagogue, cicatrisante, diurétique, émolliente, hémostatique et pectorale, on emploie surtout ses fleurettes en décoction rapide, ou séchées, en tisane.
Claytonies (Claytonia caroliniana ou Claytonia virginica : petite plante printanière aux fleurettes rosées à cinq délicats pétales en grappes terminales, blancs ou rosés veinés de pourpre. Son parfum est suave et, comme ses insectes alliés, on la sent de loin. Les graines prennent deux ans à germer, et seuls 10 % des graines y parviennent. Indigène typique des érablières du sud du Québec pas encore classée vulnérable, son statut est néanmoins fragile, comme son habitat.
Les Iroquois et bien d’autres tribus indigènes consommaient la claytonie, à titre de rare première source de vitamines précieuses, à la fin de l’hiver. Antiscorbutique, antispasmodique, cicatrisante, contraceptive, émolliente, laxative, nervine. Se contenter de l’admirer ou en préparer un élixir floral, en petite quantité, pour ranimer en nous la candeur et l’espoir du petit enfant émerveillé devant les nouveautés primesautières du monde à redécouvrir.
Érythrone (Erythronium americanum) : cette liliacée, aussi nommée ail doux ou langue de serpent, pousse dans les érablières mixtes du sud du Québec. On la repère facilement, avec ses grandes colonies de fleurs jaune vif en clochettes à trois pétales et à trois sépales. En tant que plante héliophile, ses fleurs se ferment le soir et ne s’ouvrent qu’au soleil. Les Premières Nations, puis les colons, la mangeaient telle quelle, sinon ajoutée aux soupes et aux ragoûts, en fin de cuisson.
Les éclectiques utilisaient ses bulbes en décoction concentrée comme substitut de la colchicine tonicardiaque. Antiseptique, bactéricide, cicatrisante, émolliente et hypotensive, pectorale, elle est aussi laxative, purgative et vomitive à très haute dose. On peut la préparer en marinade, dans le vinaigre, ou l’appliquer fraîchement écrasée en cataplasme sur une brûlure, une plaie, un furoncle ou un durillon.
Violettes (Viola ssp.) : leurs jolies fleurettes se déclinent en 400 variétés de violacées. Elles sont mauves, blanches ou jaunes, mais la variété violette est l’espèce la plus répandue. Sa petite fleur solitaire terminale est formée de quatre pétales et d’un éperon inférieur plus long et étroit, son cœur jaune d’or est strié de lignes plus foncées. Son goût rappelle celui du thé des bois, sa texture est douce. Elle contient surtout des anthocyanines, du salicylate de méthyle, des mucilages et des saponines.
La meilleure manière de profiter de ses bienfaits est de la manger fraîche, en se limitant à 1 fleur sur 20 en nature. Hors saison, on peut la boire en tisane, seule ou combinée avec d’autres fleurs amies des poumons. Le vinaigre de violette est joliment teinté et aromatique. Effets subtils : l’élixir floral et l’observation attentive de la violette rendent humble et conscient de sa force. Elle symbolise l’amour-tendresse et clarifie les émotions et les relations humaines.
À tous les amoureux de la nature, bon renouveau, parsemé de mille occasions de s’émerveiller !
Références : mes principales publications et leurs sources, toujours citées à la fin de mes ouvrages, répertoriés sur le Web et sur mon site annyschneider.com.