Forcer l’adaptation pour une meilleure longévité en santé

Publié le 8 août 2022
Écrit par Éric Simard, docteur en biologie et chercheur

Forcer l’adaptation pour une meilleure longévité en santé

Vieillir est la seule façon que j’aie trouvée de rester en vie. Il est tout de même possible de faire en sorte de garder le maximum de capacités, le plus longtemps possible. Et il ne s’agit pas seulement des capacités musculaires.

Bien que notre perception de la vie change, habituellement pour le mieux, nos capacités, elles, diminuent. Un de mes bons amis, qui a déjà dépassé la soixantaine, me dit que même s’il a vieilli, il n’oublie jamais rien d’important ; mais il y a de moins en moins de choses importantes. C’est une bonne façon de se rappeler que pendant que nos capacités diminuent, nos besoins s’adaptent.

Toutefois, il faut résister : il faut obliger le corps régulièrement à sortir de sa zone de confort pour l’obliger à s’adapter.

Une des facettes les plus marquantes du vieillissement est justement la baisse des capacités d’adaptation. Vous avez qu’à penser à votre sommeil. Quand nous étions jeunes, et j’ai juste 46 ans, nous pouvions facilement nous coucher à 5 heures du matin, nous lever à 7 h 30, aller travailler et redormir une nuit normale le soir pour récupérer, sans trop de séquelles (en tout cas, dans mon cas, c’est arrivé à quelques reprises).

Déjà à mon âge, je ne peux plus faire ça. Ma capacité d’adaptation face aux changements, aux difficultés, aux répercussions sur la qualité de mon sommeil, a déjà diminué. Si je me couche à 5 heures du matin, je risque d’avoir besoin d’une semaine pour retrouver mon horaire normal de sommeil de qualité.

Il s’agit d’un exemple simpliste concernant le sommeil, mais c’est la même chose pour l’exercice physique, pour les capacités cognitives et pour notre flexibilité métabolique. Pour les conserver le plus longtemps possible, il faut résister à la baisse de la capacité d’adaptation en repoussant nos limites par nos habitudes de vie ou en utilisant des molécules naturelles capables de stimuler les mécanismes associés.

 

L’entraînement par intervalle de haute intensité

L’entraînement par intervalle de haute intensité a été développé durant les années 30. Premièrement utilisé pour entraîner les athlètes de haut niveau, il est devenu largement utilisé dans les salles d’entraînement et dans la population en général. Ses nombreux bénéfices ont été largement étudiés, autant pour l’augmentation des capacités d’efforts que pour la capacité pulmonaire et la composition corporelle.

Il s’agit d’effectuer des exercices de haute intensité, de courtes durées, espacés de périodes de repos. L’intensité doit atteindre 80 à 95 % des capacités maximales qui peuvent être évaluées sur la base des capacités respiratoires ou de la fréquence cardiaque. Pour donner un exemple, le Centre ÉPIC de l’Institut de Cardiologie de Montréal a étudié plusieurs protocoles d’entraînement par intervalle pour conclure à l’efficacité d’un 15/15 de 2 fois 8 minutes.

Il s’agit d’un entraînement sur vélo de 15 secondes au maximum de sa capacité, espacé par un 15 secondes de repos, et ce, durant 8 minutes. Le premier huit minutes est suivi d’une période de repos et d’un second huit minutes de la même façon. Il s’agit donc de seulement huit minutes d’entraînement sur une période d’une vingtaine de minutes en tout. Ils ont démontré que ces 8 minutes donnent de meilleurs résultats qu’un entraînement de 30 minutes modéré en continu.

Il s’agit d’une belle démonstration de l’efficacité de l’effort à dépasser ses limites, à forcer le corps à s’adapter à la sortie de la zone de confort, dans le but de conserver le plus possible nos capacités. Et si nous appliquions la même logique aux capacités cognitives ?

 

La réserve cognitive

La réserve cognitive est le concept que le cerveau résistera aux effets du vieillissement en conservant ses capacités d’adaptation que l’on appelle la « plasticité neuronale », s’il est constamment stimulé. Ici, il faut bien comprendre avant tout ce qui est exigeant pour le cerveau afin d’identifier ce qui peut repousser ses limites.

Personnellement, je regroupe les activités exigeantes pour le cerveau sous trois catégories : les activités de coordination, la gestion des émotions et l’apprentissage.

Les activités de coordination font référence à la coordination de plusieurs systèmes comme l’équilibre, la motricité et la vue. La majorité des activités physiques, comme faire du vélo, requièrent la coordination de plusieurs systèmes. La danse, le chant, les jeux vidéo, le tennis en sont des exemples.

Pour la gestion des émotions, c’est un peu plus compliqué. Vous avez probablement déjà remarqué que les journées très chargées en émotions sont particulièrement épuisantes. C’est que le cerveau en est épuisé. La question est : comment le mettre en application ? Eh bien, par la vie sociale de qualité. La vie sociale de qualité réfère à la capacité de parler de ses émotions et de partager de vrais moments, de dire les vraies choses. Cette gestion des émotions est très bénéfique pour la santé cognitive.

La troisième catégorie est facile : l’apprentissage. Le fait d’apprendre de nouvelles choses requiert que le cerveau conserve sa plasticité neuronale, capacité à créer de nouvelles connexions, afin d’enregistrer les nouvelles informations. Cette activité a un double bénéfice : la stimulation des capacités et le besoin de dormir. Le cerveau a besoin de dormir pour bien implanter les nouvelles connaissances. Ainsi, l’apprentissage aide à augmenter ou conserver les réserves cognitives, mais aussi, il favorise un sommeil plus profond et réparateur.

 

Le jeûne forcé

C’est le nom que j’ai donné au fait de s’entraîner durant une période de jeûne. Ce n’est donc pas réellement le jeûne qui est forcé, mais le métabolisme énergétique qui est forcé à s’adapter plus rapidement. Il faut préciser que cela demande de l’entraînement, il faut y aller progressivement. À moins d’être déjà en très bonne santé métabolique. La majorité des gens auront des étourdissements et des inconforts importants s’ils s’entraînent le ventre vide, dû à la baisse du glucose sanguin qui ne sera pas compensée assez rapidement.

Une étude avait démontré en 2013 (Farah et Gill, 2013) que le fait de s’entraîner avant le déjeuner avait des bénéfices plus importants que de s’entraîner après le déjeuner chez un petit groupe de personnes obèses. Les analyses ont démontré que l’utilisation des graisses est supérieure à l’utilisation des glucides et la dépense énergétique globale est plus élevée en cas d’exercice précédant le déjeuner, plutôt qu’après.

Il s’agit donc d’un entraînement durant une période de jeûne, puisque durant la nuit, notre corps est en jeûne. Une période de plus de 6 heures sans manger peut être considérée comme un début de jeûne. La nuit nous donne souvent de 10 à 12 heures.

Il s’agit d’une sortie de notre zone de confort métabolique qui force le corps à s’adapter et à maintenir une meilleure flexibilité. Quand le corps se retrouve en manque de glucose, il active l’utilisation des réserves de glycogène musculaire et au niveau du foie, afin de combler la baisse des niveaux sanguins. Cette première adaptation devrait se faire habituellement rapidement et éviter que la baisse de glucose vous fasse ressentir des étourdissements.

Si la période sans apport de glucides se prolonge, la baisse des réserves de glycogène provoquera une deuxième adaptation qui est l’utilisation des graisses pour produire les cétones. Nos réserves de graisse doivent être dégradées sous forme de cétones, du nom de la diète cétogène, afin de permettre de les utiliser pour produire de l’énergie. Le foie continue à produire du glucose, mais les cétones produites viennent combler un manque à gagner énergétique en apportant une deuxième source d’énergie.

Ainsi, si vous combinez l’exercice physique à une période sans manger, vous forcerez votre métabolisme à répondre plus rapidement, soit pour l’utilisation du glycogène ou encore pour l’utilisation de vos graisses, si la période sans manger est prolongée. Une autre étude, plus récente (Deru et coll., 2021), a montré que l’exercice durant le jeûne provoque la production de corps cétoniques 3,5 heures plus tôt et la rend 43 % plus élevée que le jeûne sans activité physique. La cétose débutait après 20 à 24 heures chez les participants sans exercice physique.

 

Les molécules naturelles qui miment une sortie de zone de confort (quelques exemples)

Certaines molécules naturelles peuvent stimuler des mécanismes associés à ces sorties de zone de confort. Par exemple, une grande partie des bénéfices de l’activité physique sur la mémoire sont reliés à l’amélioration de la circulation sanguine qui est obtenue aussi par l’utilisation du Ginkgo biloba. Il est à souligner que les extraits de qualité du Ginkgo stimuleraient aussi les mécanismes de réparation de l’ADN, en plus d’une multitude d’autres bénéfices.

Nous avons découvert durant nos recherches avec l’Université Concordia que ces bénéfices pourraient provenir d’un impact sur les mécanismes du vieillissement primaire. Le Ginkgo biloba contient des molécules que l’on appelle des « agents gérosuppresseurs ».

De la même façon, l’activité physique va forcer la production d’antioxydants naturels par nos cellules pour combattre l’augmentation de radicaux libres causée par la production d’énergie plus élevée. Plusieurs types de polyphénols peuvent aussi jouer ce rôle ; non pas d’être utilisés eux-mêmes comme antioxydants, mais de stimuler la production naturelle par nos cellules, ce qui empêche les risques associés à une prise trop élevée d’antioxydants. Ainsi, les molécules naturelles antioxydantes ne sont pas toutes équivalentes. Nous devrions privilégier celles qui stimulent la production naturelle des cellules comme les polyphénols d’olives, par exemple.

Même chose du côté du métabolisme. Certaines molécules vont améliorer le fonctionnement des mitochondries (comme la coenzyme Q10) ou encore, améliorer le métabolisme énergétique général en facilitant une meilleure gestion de l’insuline et des lipides, un peu comme le fait le jeûne. Leurs effets ne sont pas aussi puissants, mais pourraient être considérés comme un soutien supplémentaire. Le mieux documenté en études cliniques est sûrement le resvératrol. Il améliore la proportion de masse adipeuse brune (bénéfique) au détriment de la masse adipeuse blanche (défavorable). Il agit aussi sur la gestion du glucose en réduisant la résistance à l’insuline.

 

Conclusion

Le concept est simple : sortir constamment et de différentes façons de notre zone de confort pour obliger notre corps à maintenir ses capacités d’adaptation qui sont garantes de nos capacités en vieillissant. Tout cela pour favoriser une longévité en santé.

 

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