Gros plan sur la sciatique

Publié le 1 avril 2025
Écrit par Nicolas Blanchette, ostéopathe, B. Sc. Kin.

Gros plan sur la sciatique
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Sciatique, c’est avant tout le nom du nerf le plus long et le plus épais du corps humain. Tout est relatif parce que son épaisseur n’est tout de même que de 2 cm tout au plus. C’est un nerf mixte aux fonctions sensitives et motrices. C’est-à-dire, son rôle est d’acheminer les sensations pour la peau de la cuisse, de la jambe et du pied en plus d’activer et de doser efficacement les contractions des muscles situés à l’arrière de la cuisse et de la jambe. Toutefois, lorsqu’on entend parler de sciatique (ou sciatalgie, lombosciatalgie), c’est le plus souvent pour évoquer un état douloureux dont les symptômes sont ressentis dans le même territoire que le nerf du même nom.

La plupart du temps, la personne qui a reçu ce diagnostic éprouve de la douleur au niveau de la fesse, qui peut irradier à l’arrière ou sur le côté de la cuisse et parfois plus bas, dans le mollet, le côté externe de la jambe ou encore le pied. Le mal de dos (lombalgie) est souvent mentionné, mais parfois les gens ne rapportent aucune douleur au dos.

Même s’il est fréquent d’éprouver de la douleur dans le territoire du nerf sciatique, seulement 3 à 5 % des gens vivent aussi des symptômes qui traduisent une blessure au nerf lui-même : un phénomène appelé radiculopathie. Lorsque c’est le cas, la douleur peut s’accompagner d’engourdissements ou de perturbations des sensations (comme des picotements ou des démangeaisons) et parfois de faiblesses musculaires (un pied tombant, par exemple). L’aspect qualitatif de la douleur est aussi différent, parfois décrit comme une sensation de brûlure, de froid douloureux ou encore de chocs électriques ou de piqûres. Il est possible de n’avoir que des symptômes moteur (faiblesses) ou sensitifs (diminution des sensations) sans ressentir de douleur. Étant donné cette hétérogénéité dans les symptômes, le diagnostic de sciatique est assez peu précis. Il nous renseigne mal sur l’origine exacte de la douleur, uniquement sur l’emplacement des symptômes.

La douleur sciatique peut être attribuable à une irritation ou une blessure du nerf ou encore des racines nerveuses lombosacrées (vertèbres L4 à S3), points d’origine du nerf . Certaines maladies systémiques telles que le diabète peuvent aussi parfois créer des engourdissements aux orteils qui peuvent faire penser à une radiculopathie. Dans de rares cas (moins de 1 %, heureusement), la sciatique cacherait une cause plus grave comme un cancer. Ainsi, si vous avez un historique de cancer ou une sciatique qui dure plusieurs mois et qui s’aggrave, il est nécessaire d’en parler avec votre médecin.

Dans une grande proportion de cas, l’inflammation fait partie du portrait. En réaction aux marqueurs inflammatoires présents, les neurones qui composent le nerf deviennent surexcités et émettent des impulsions de manière désordonnée et disproportionnées, ce qui explique la douleur et les sensations étranges ressenties, souvent difficiles à décrire. En cas de radiculopathie, la conduction nerveuse peut aussi être entravée, et les symptômes sont alors des réductions de la sensation cutanées (comme un engourdissement) ou une diminution de la force et de l’endurance des muscles (tel un pied tombant). L’irritation nerveuse peut provenir d’une ou de plusieurs sources. Une blessure des tissus mous qui génèrerait de l’inflammation à proximité du nerf, une hernie discale symptomatique ou encore une sténose spinale ou foraminale (réduction de l’espace pour un nerf) associée, par exemple, à de l’arthrose, sont parmi les plus courantes. On retrouverait aussi des causes plus locales, tel le syndrome du fessier profond (syndrome du piriforme), qui implique une irritation du nerf au niveau de son passage à la fesse plutôt qu’aux racines du dos.

 

Pronostics

Même si la sciatique peut être franchement incommodante, le pronostic de guérison demeure tout de même très bon. Pour les lombosciatalgies inflammatoires, lorsque les facteurs aggravants sont bien contrôlés (plus d’information là-dessus bientôt), la plupart des cas se résoudront dans une période de six semaines ou moins. Toutefois, lorsque la sciatique est causée par une hernie discale symptomatique ou lorsque le nerf est dans un état très sensibilisé, la guérison pourrait demander plus de patience. D’après certaines études, 75 % des gens rapporteront des améliorations de 50 % de leurs symptômes dans une période de trois mois. D’autres études soutiennent que la plupart des gens (75 %) récupèreront complètement sur une période d’environ six à douze mois. Il faut donc s’armer de patience en cas de radiculopathie sciatique.

 

Périphéralisation et centralisation

Lorsque l’on vit un épisode de sciatique, il est utile d’être attentif aux mouvements, aux positions et aux activités qui influencent l’intensité ou la portée de nos symptômes. Certaines sciatiques (mais pas toutes) peuvent présenter une composante mécanique non négligeable de laquelle on peut tirer profit pour atténuer les symptômes pendant que l’orage passe.

Ainsi, plus le nerf sciatique est irrité, plus les symptômes seront ressentis loin de son point d’origine; ce phénomène s’appelle périphéralisation. Au départ, dans la phase la plus aiguë, certaines personnes ressentiront même des brûlures ou des engourdissements à la plante du pied. Quant au phénomène inverse, dans lequel le territoire où les symptômes sont ressentis rapetisse peu à peu, il s’appelle centralisation. La centralisation, c’est lorsque la douleur disparaît de la jambe et se limite à la fesse et au dos. C’est souvent un signe positif qui veut dire que l’irritation sur le nerf a diminué.

Voici quelques petites expériences d’observation. Est-ce que votre douleur se « périphérise » ou se « centralise » lorsque vous :

  1. Êtes couché sur le dos?
  2. Êtes couché sur le côté en position fœtale?
  3. Êtes couché à plat ventre?
  4. Êtes debout?
  5. Êtes assis sur une chaise?
  6. Êtes assis sur un sofa ou un fauteuil, avec l’appui-jambe en fonction?
  7. Êtes en mouvement (marche)?
  8. Étirez vos fessiers, l’arrière de vos cuisses ou vos mollets?
  9. Faites certaines activités de la vie quotidienne ou certains exercices?

Lorsque c’est possible, on peut chercher à contrôler les facteurs qui amènent la douleur à se périphériser. Y-a-t-il une manière de modifier la position ou le temps passé à faire ces gestes? Par exemple, un nerf dans un état sensibilisé tolérera souvent mal d’être comprimé ou étiré, surtout pendant longtemps. Ainsi, on pourra, par exemple, coussiner davantage l’assise d’une chaise de travail (comme avec un coussin orthopédique) et éviter de s’assoir sur une surface trop dure ou sur un sofa ou fauteuil de style La-Z-Boy avec les genoux en extension. Un bureau pour travailler une partie de la journée debout peut parfois être une option intéressante. Si la position debout prolongée est problématique, s’accorder des temps de repos en position assise ou couchée, si cela est possible, permettra souvent d’aider à gérer la sensibilité sciatique pendant la période de guérison.

À l’opposé, lorsque certaines positions ou certains mouvements réduisent la douleur, il ne faut pas hésiter à s’en servir pour mieux gérer les symptômes pendant que l’orage passe. Il est aussi très important d’éviter le déconditionnement en cessant de faire toutes nos activités. Les gens qui demeurent actifs (en prenant parfois des pauses lorsque nécessaire) présentent généralement un meilleur pronostic de guérison.

 

Les exercices thérapeutiques

Il n’est absolument pas nécessaire de cesser toutes nos activités pour se remettre d’un épisode de sciatique. Au contraire, les exercices thérapeutiques réalisés en clinique de soin ou à la maison font partie intégrante des protocoles pour aider à gérer un épisode de sciatique. L’exercice peut parfois provoquer de légères douleurs et cela n’est pas néfaste à votre guérison. Si cette augmentation de douleur demeure légère et qu’elle s’estompe dans une période de 24 heures, vous pouvez continuer à réaliser vos exercices et activités physiques sans problème. Si la douleur se périphérise de manière importante ou si elle dure plus de 24 heures, il est souvent mieux de revoir la sélection d’exercices et de faire des essais avec des mouvements différents. Il est aussi important de demeurer actif physiquement après l’épisode de sciatique. Les recherches montrent que l’exercice physique à un effet préventif sur le nombre et sur l’intensité d’éventuelles rechutes d’épisodes de sciatiques.

 

Et si la sciatique revient?

Une fois guéri, même en faisant tout comme il faut, il est possible de vivre des épisodes occasionnels de réoccurrence de douleur sciatique. En effet, certaines douleurs musculosquelettiques sont parfois épisodiques. Demeurer optimiste et actif physiquement permet de réduire la fréquence et la sévérité de ces épisodes. De plus, il est nécessaire de se rappeler que la douleur est un phénomène multifactoriel et qu’elle peut être influencée par plusieurs choses : le manque de sommeil, la dépression, l’alimentation, le stress vécu, la qualité des relations sociales, les positions statiques prolongées, la présence de maladies sous-jacentes ou de comorbidités, etc. Dans un cas de douleur persistante, il est toujours pertinent de refaire le tour de la question et de considérer tous les autres éléments qui peuvent contribuer à un état de mal-être qui perdure.

 

L’importance de la santé générale

Pour prévenir les radiculopathies, les études révèlent que plusieurs facteurs de risque concernent l’état de santé général. Le tabagisme, l’obésité, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, le diabète de type 2 et le fait de pratiquer un métier qui sollicite le dos d’une façon importante et soutenue (un métier physique, pas un travail de bureau) ont été démontrés comme augmentant les possibilités de développer un premier épisode de radiculopathie. Autrement dit, adopter de saines habitudes de vie aide grandement à prévenir ce problème.

 

En conclusion

La sciatique est une pathologie courante qui, bien que parfois très désagréable, présente un bon pronostic de guérison. Pendant la crise, plusieurs modalités peuvent être employées pour réduire la douleur et demeurer le plus fonctionnel possible. L’exercice physique thérapeutique représente une partie centrale de la bonne gestion du problème. Pour une sciatique qui durerait depuis plus de six semaines dont les symptômes sont difficiles à soulager, ou si votre état s’aggrave, il est important de consulter votre médecin.
 

 

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