Publié le 20 avril 2023
Écrit par Nicolas Blanchette, D.O, B. sc. kinésiologie
Si je vous disais d’entrée de jeu qu’obtenir un diagnostic d’arthrose du genou (aussi appelé « gonarthrose ») n’est surtout pas une condamnation à la souffrance ?
L’arthrose du genou est une maladie très commune : elle serait symptomatique chez environ 13 % des femmes et 10 % des hommes de plus de 60 ans (Magnusson et coll., 2019). Il est connu que sa prévalence dans la population augmente avec l’âge. Toutefois, voici une statistique qui donne espoir : il est tout à fait possible d’avoir cette maladie et d’être asymptomatique, c’est-à-dire de ne pas avoir de symptômes, comme de la douleur et une diminution des fonctions.
En effet, une étude récente a démontré que seulement 15 % des patients présentant de l’arthrose du genou objectivé par radiographie seraient symptomatiques (Li et coll., 2019). Pourquoi en est-il ainsi ? Continuez de lire, afin de mieux comprendre !
Qu’est-ce que l’arthrose du genou ?
La gonarthrose est médicalement catégorisée comme une maladie dégénérative du cartilage. Lorsqu’elle est symptomatique, on peut vivre de la douleur, des limitations d’amplitude de mouvement ou des épisodes de gonflement du genou. L’arthrose peut toucher toutes les articulations, et pas seulement le genou. À la radiographie, le personnel médical peut observer un amincissement des cartilages sur les surfaces articulaires du genou.
Toutefois, cet amincissement n’est pas en corrélation directe avec les symptômes vécus : on peut avoir de l’arthrose avancé et fonctionner très bien, tout comme il est possible de vivre de vives douleurs et des limitations SANS constater d’amincissement du cartilage aux examens médicaux !
Qu’est-ce qui cause l’arthrose du genou ?
Contrairement à l’ancienne conception de cette maladie, les preuves modernes nous ont appris que l’arthrose n’est pas générée par un processus exclusivement mécanique. Il serait donc faux de penser que vos cartilages se sont usés à force de marcher dessus !
Pour résumer un sujet très complexe, mentionnons que de nombreux facteurs entrent en jeu dans le processus lent qui amènerait le cartilage à s’amincir et à devenir moins résilient : l’hérédité, des éléments chimiques du corps, comme les marqueurs inflammatoires, les protéines et les hormones. En effet, la revue systématique de la littérature récente montre une association forte entre la présence de protéine C-réactive dans les échantillons sanguins et le fait de présenter de la douleur sur une articulation touchée par l’arthrose. Cette association est d’ailleurs mieux corrélée avec la douleur que l’état de l’articulation à la radiographie (Machner et coll., 2021) ! Plusieurs de ces éléments qui rendent l’arthrose symptomatique sont liés aux habitudes de vie.
Parenthèse biomécanique : quant au style de vie et à l’activité physique en lien avec la présence d’arthrose, on observe un graphique qui ressemble à un « U ». C’est-à-dire que ceux parmi la population qui font LE MOINS ou LE PLUS d’activité physique sont davantage susceptibles d’obtenir un diagnostic d’arthrose à la radiographie (ce qui ne veut pas dire que la pathologie soit symptomatique, toutefois). Ceci est préoccupant, car la population des pays industrialisés comme le Canada est de plus en plus sédentaire (75 % des gens n’atteignent pas les cibles minimales d’activité physique recommandées par l’OMS).
Il existe, par ailleurs, une relation bien établie entre l’arthrose symptomatique et l’obésité (ou le surpoids). De l’autre côté du spectre, ceux qui font de l’activité physique à des niveaux très élevés sont également plus à risque. Attention, on ne parle pas de la personne qui marche de 30 à 60 minutes par jour, qui court, qui nage ou qui fait du vélo ! Ce qu’il faut miser, côté activité physique, c’est le juste milieu ! Comme vous le verrez, et même si cela paraît contre-intuitif pour le moment, demeurer actif physiquement est la meilleure chose qu’on peut faire pour prendre soin de ses genoux !
Que peut-on faire pour améliorer la situation si on a un diagnostic d’arthrose du genou ?
Nous l’avons vu dans un article précédent : les mots ont le pouvoir de condamner les gens à une vie de souffrance et de handicaps. Jamais cela n’aura-t-il été aussi vrai qu’avec une maladie comme l’arthrose ! Un langage effrayant iatrogène et dépassé est malheureusement souvent encore utilisé pour expliquer le diagnostic au patient : « Votre genou est rendu os sur os… Il y a des éperons osseux qui ont poussé dans votre genou… L’articulation est dégénérée… Le genou est en train de s’user et de se désintégrer lentement… » et bien d’autres formulations regrettables.
Les neurosciences nous enseignent que la fonction de la douleur est d’agir comme un système d’alarme pour l’organisme. Devant des images effrayantes et des discours pessimistes sur l’état de notre corps, cette alarme peut se mettre à sonner plus facilement (un phénomène connu sous le nom de « sensibilisation centrale à la douleur ») (Latremoliere et coll., 2009). Toute douleur n’implique pas d’emblée la présence d’une blessure !
La première étape consiste donc à reconceptualiser la problématique sous l’éclairage des évidences scientifiques de notre époque. Le chirurgien orthopédique américain Howard J. Luks explique dans son blogue plusieurs notions clés à connaître lorsque l’on obtient un diagnostic de gonarthrose. La principale est que de faire de l’exercice physique graduel n’usera pas votre genou davantage. Au contraire, c’est la façon la plus éprouvée d’entretenir ce dernier !
L’importance de l’exercice physique
Vous avez bien lu : l’exercice représente l’intervention de choix pour l’arthrose ! C’est une modalité essentielle lorsque l’objectif est d’éviter ou, à tout le moins, de repousser le plus loin possible une éventuelle intervention chirurgicale du genou. En premier lieu, bouger, peu importe la façon, est définitivement meilleur que de demeurer sédentaire ! Idéalement, nous chercherons à combiner différentes formes d’exercice pour en retirer des avantages optimaux.
L’exercice cardiovasculaire (qui fait monter le rythme cardiaque et respiratoire) permet de stimuler la production de vos molécules anti-inflammatoires. Visez de progresser graduellement vers un minimum de 20 minutes par jour de ce type d’activité physique. Pour cela, choisissez un exercice que vous aimez : la marche, le vélo, la natation, l’elliptique et le rameur représentent des options valables ! Par ailleurs, il existe un mythe qui stipule que la course à pied prédisposerait à l’arthrose du genou. C’est faux : sa prévalence est moindre parmi les adeptes de la course à pied (Lo et coll., 2018).
L’exercice de résistance est aussi nécessaire. Ces mouvements permettent de renforcer les muscles qui procurent force, souplesse et solidité à vos genoux. De nombreux exercices de résistance existent : le poids du corps peut souvent suffire, et il n’est pas nécessaire de s’abonner au gym ! Une à deux sessions de renforcement par semaine représentent une fréquence permettant d’obtenir des résultats appréciables (Husted et coll., 2021).
L’équilibre est aussi une variable importante qui peut être améliorée par l’exercice physique. Un bon sens de l’équilibre permet de prévenir les risques de chute. Des exercices de renforcement faits dans une position asymétrique, voire sur une jambe, selon votre niveau, peuvent constituer une option intéressante !
L’intérêt de la thérapie manuelle
Comme nous en avons discuté, l’éducation et l’exercice physique graduel devraient constituer les fondations d’un plan d’intervention pour aider une personne avec de la gonarthrose symptomatique. Selon les moyens à la disposition du client, la thérapie manuelle (l’utilisation des mains pour tenter de réduire la douleur et d’améliorer la fonction) pourrait s’avérer un complément intéressant. C’est du moins la conclusion qui ressort d’une récente revue systématique sur le sujet (Tsokanos et coll., 2021). Elle est pratiquée dans plusieurs disciplines au Québec (ostéopathie, kinésithérapie, physiothérapie, etc.). Il est important de se rappeler que celle-ci ne remplace pas la réalisation d’exercices graduels !
La chirurgie
Certaines personnes ont recours à une opération chirurgicale, appelée « prothèse totale du genou » (PTG). Elle consiste à remplacer l’articulation du genou par une prothèse, afin d’aider à retrouver de la mobilité articulaire et de tenter de réduire la douleur. Cette option ne devrait être considérée que si votre qualité de vie est suffisamment affectée pour justifier la prise de risque liée à une opération. Comme le chirurgien orthopédique Howard J. Luks le souligne, « La personne la mieux placée pour savoir quand recevoir une intervention chirurgicale n’est pas votre médecin, mais bien… vous-même ! »
Selon mon opinion de kinésiologue, la chirurgie ne devrait être envisagée que lorsque toutes les autres options (éducation, exercices graduels, modification des habitudes de vie, etc.) se sont révélées insuffisantes pour votre qualité de vie, après une période d’essai de plusieurs mois. Pour avoir travaillé avec des gens avec une gonarthrose symptomatique contemplant une chirurgie, il est fréquent de les voir reconsidérer leur intervention après avoir expérimenté les effets positifs des approches nommées ci-dessus.
En conclusion
L’arthrose du genou est une maladie répandue. Elle est régulièrement associée à des mythes biomédicaux, qui contribuent à créer de la souffrance, et à la perte d’autonomie progressive. L’exercice physique graduel constitue le traitement de choix pour l’arthrose du genou symptomatique. La douleur n’est pas synonyme de dégradation de l’articulation. Demeurer actif est la meilleure façon de prévenir et de gérer la maladie. La thérapie manuelle peut se révéler un complément intéressant à l’exercice. Finalement, le plus important, ce n’est pas de traiter le genou en isolation, mais bien la personne à part entière, afin de l’aider à retrouver davantage d’autonomie et de qualité de vie.
RÉFÉRENCES :
Luks, Howard (MD). 10 Recommendations To Thrive With Osteoarthritis of the Knee, 2021