Hypothyroïdie – PARTIE 2

Publié le 16 juillet 2016
Écrit par Daniel-J. Crisafi, nd.a., m.h., ph. d.

Hypothyroïdie – PARTIE 2

Dans mon article précédent, j’ai mis en perspective le phénomène de l’hypothyroïdie et j’ai fait part de différents facteurs pouvant mener à son développement. En terminant l’article, j’ai noté que nous allions aborder le phénomène de l’hypothyroïdie subclinique (sous-clinique) ou tissulaire – certains diront cellulaire – ainsi que celui des aliments goitrogènes dans un numéro subséquent de la revue. C’est ce que nous allons faire dans ce numéro de Vitalité Québec. Par contre, avant d’aborder les aliments goitrogènes et de mettre cette forme d’hypothyroïdie en perspective, j’aimerais mentionner une hormone qui est presque toujours négligée lorsqu’il est question de l’hypothyroïdie, soit la T2 ou 3,5-diiodothyronine.

 

3,5-DIIODOTHYRONINE

Malgré le fait que nous mettons l’accent presque exclusivement sur deux hormones de la thyroïde, soit la T3 et la T4, il ne faut pas oublier que la thyroïde produit aussi de la T1 et de la T2. Or, c’est à cette dernière, la 3,5-diiodothyronine, et surtout à son effet sur la perte de gras, que j’aimerais dédier la première partie de cet article.

De nombreuses personnes traitées médicalement pour des problèmes de thyroïde continuent à vivre les symptômes associés à l’hypothyroïdie malgré une médication de correction et des analyses sanguines qui suggèrent que le problème hormonal est réglé. Ils continuent à avoir des symptômes tels que la fatigue et l’embonpoint, et ce, répétons-le, malgré une médication qui donne des résultats de laboratoire normaux.

 

L’HORMONE THYROÏDIENNE T2

L’hormone T2 est presque universellement négligée par les médecins, et ce, pour deux raisons. Premièrement, comme cette hormone a peu d’affinité pour les récepteurs des hormones de la thyroïde, elle était considérée comme étant un métabolite inactif de l’hormone T4. Deuxièmement, là où la T2 était active, les chercheurs avaient l’impression que celle-ci ne faisait qu’agir comme l’hormone T3. Il ne semblait donc pas nécessaire de pousser les études sur cette hormone. Ce n’est que récemment que de nouvelles études ont pu démontrer que la T2 a des effets sur le métabolisme indépendamment des récepteurs d’hormones de la thyroïde, et que celle-ci a des effets très différents de ceux de la T3 et de la T4.

L’un des grands défis de certaines personnes qui souffrent d’hypothyroïdie est que malgré la normali sation de leurs marqueurs par la prise de médicaments, ceux-ci semblent ne pas perdre de poids. Or, des études sur des modèles animaux démontrent que l’un des effets de la T2 porte justement sur le métabolisme des gras. La T2 aide à brûler les gras, surtout à augmenter la production d’énergie à partir des tissus adipeux bruns. Ces études et d’autres ont confirmé que la prise de T2 aide à réduire le poids corporel et le pourcentage de gras. Cette hormone améliore aussi l’utilisation de l’oxygène dans les mitochondries, les usines de production d’énergie dans nos cellules, et elles améliorent aussi l’oxygénation du foie.

Si j’ai voulu donner quelques pistes par rapport à l’hormone T2, c’est purement à titre indicatif. En effet, le rôle de l’hormone T2 et son exclusion des protocoles hormonaux standards peut expliquer, en partie au moins, pourquoi un nombre important de personnes ne bénéficient pas autant qu’elles le pourraient du traitement hormonal thyroïdien. Par contre, les médecins ne prescrivent pas cette hormone pour l’instant, il n’est donc pas possible de l’ajouter au protocole hormonal thyroïdien habituel. Il y a une option qui se présente chez nos confrères américains, c’est l’extrait glandulaire de thyroïde ou thyroïde desséchée. Cet extrait de glande thyroïdienne, de source bovine ou de source porcine, contient de la T3, de la T4 et de la T2. Par contre, une grande prudence est de mise lorsqu’il est question d’extraits glandulaires de thyroïde, car ceux-ci fournissent rarement (il y a des exceptions) des niveaux standardisés d’hormones et ils peuvent contenir des contaminants tels que le mercure. L’utilisation de l’extrait glandulaire de thyroïde requiert plus d’attention aux détails que l’utilisation d’hormones traditionnelles. Il est donc essentiel, si vous désirez aller dans cette direction, de consulter un professionnel de la santé capable de prescrire ce genre de produit.

 

LES GOITROGÈNES

Certains aliments peuvent empêcher la thyroïde d’utiliser l’iode et du fait même de produire ses hormones. On les nomme « goitrogènes » du fait que leur consommation excessive est associée au développement d’un goitre, ou grossissement de la thyroïde. La majorité de ces substances goitrogènes ont une activité semblable au propylthiouracile, un médicament utilisé pour réduire l’activité de la thyroïde dans les cas d’hyperthyroïdie. À noter que les goitrogènes ne sont concernés que s’il y a une hypothyroïdie causée par une carence en iode.

Les aliments goitrogènes comprennent les arachi-des, la famille des choux (chou, chou de Bruxelles, brocoli, chou-fleur, chou frisé [kale]) les fèves de soya, le millet, les navets, les noix de pin et le rutabaga. Il faut noter que l’activité des goitrogènes n’est présente que si l’aliment est cru.

En effet, la cuisson désactive les goitrogènes. L’ajout d‘iode (sel iodé ou algues) réduit l’effet de ces aliments sur la thyroïde. Donc, les goitrogènes peuvent être un problème seulement s’ils sont consommés en excès et crus lorsqu’il y a une hypothyroïdie associée à une carence en iode.

 

L’HYPOTHYROÏDIE SUBCLINIQUEOU TISSULAIRE

Des chercheurs indiens ont noté qu’un « grand nombre de patients hypothyroïdiens recevant des doses adéquates de thyroxine supplémentaire continuent à se plaindre de leur insatisfaction ainsi que de symptômes variés ». Ces chercheurs ont soulevé un problème qui est souvent ignoré, soit celui de l’hypothyroïdie tissulaire. Le terme subclinique a deux significations médicales. Dans un premier temps, dans sa définition classique, il s’agit d’une hypothyroïdie où la TSH est élevée tandis que la T3 et T4 sont normales. La deuxième définition, celle que je vais aborder ici, est utilisée surtout par les médecins holistiques, les chiropraticiens et les naturopathes. Il s’agit d’une situation où toutes les analyses sanguines sont normales, mais où les symptômes d’hypothyroïdie persistent néanmoins. On est aux prises avec une maladie qui passe sous le radar, pour ainsi dire.

De nombreuses personnes démontrent plusieurs symptômes associés à l’hypothyroïdie sans que des analyses sanguines démontrent quelque anomalie que ce soit. Ils se font dire qu’ils sont « en santé » ou « qu’il n’y a rien », sachant pourtant bien qu’il y a quelque chose qui cloche. Chez d’autres personnes, les analyses ont démontré un déséquilibre de la thyroïde. Ils prennent les médicaments appropriés pour une période de temps, refont les analyses sanguines et se font dire que la situation est normalisée. Pourtant, et malgré la normalisation de l’analyse sanguine, certains symptômes demeurent. Dans ces deux cas, nous pourrions nous trouver devant une hypothyroïdie subclinique ou cellulaire.

Afin de mettre cette situation en perspective, laissez-moi utiliser l’analogie de la clé et de la serrure. L’hormone (la clé) permet de déclencher des réactions si elle peut interagir avec les récepteurs (serrures) dans nos cellules. Or, vous pouvez avoir la clé appropriée pour votre serrure, mais si cette dernière est rouillée ou qu’elle est remplie de gomme à mâcher, la clé ne pourra pas la débarrer. C’est la même chose en ce qui concerne l’hypothyroïdie cellulaire ou subclinique. Les analyses sanguines vont démontrer que les paramètres sanguins par rapport à l’hypophyse (TSH) et à la thyroïde (T3 et T4) sont normaux, mais il existe néanmoins des symptômes qui peuvent être attribuables à une hypothyroïdie. Cette situation se présente aussi chez ceux qui reçoivent un remplacement hormonal, par exemple le Synthroid, mais qui continuent à avoir des symptômes d’hypothyroïdie.

Certains chercheurs ont pu démontrer que des individus ayant un niveau normal de T3 et de T4 avaient néanmoins des symptômes d’hypothyroïdie parce que ces deux hormones n’étaient pas transportées adéquatement dans les cellules. Plusieurs désordres sont associés à ce problème de transport cellulaire. Ceux-ci comprennent : l’obésité, la dépression, la fatigue chronique, les douleurs articulaires, le cholestérol et les triglycérides élevés. Certaines études suggèrent que les personnes ayant suivi des régimes restrictifs ou ayant subi d’importants stress sont plus à risque de développer ce problème.

Ceci pourrait expliquer, en partie tout au moins, pourquoi des gens suivant des régimes hypocaloriques afin de perdre du poids ont de plus en plus de difficulté à perdre du poids par après. D’autres études ont confirmé que le stress physique ou émotionnel chronique peut aussi réduire le transport de l’hormone T4 dans les cellules. Certaines études ont chiffré la réduction de l’absorption cellulaire de T4 à la suite de diètes restrictives cellulaires de 25 à 50 %.

Ceci confirme l’idée que lorsque les gens suivent des régimes à restriction caloriques sévères, ils ont de plus en plus de difficulté à perdre du poids. Il y a là aussi une implication importante pour les anorexiques qui peuvent, à cause de leur restriction calorique, réduire leur utilisation cellulaire d’hormones de la thyroïde. Ceci n’est qu’un bref survol du phénomène de l’hypothyroïdie cellulaire, mais il permet de comprendre le dilemme de plusieurs personnes. Oui, il est possible d’avoir des symptômes associés à une dysfonction de la thyroïde sans pour autant avoir des analyses sanguines anormales.

 

QUOI FAIRE ?

Que peut-on faire alors afin de déterminer si une hypothyroïdie cellulaire est impliquée dans les symptômes que vivent certains individus lorsque les analyses sanguines semblent démontrer que tout est normal ?

  1. L’individu doit avoir certains symptômes associés à l’hypothyroïdie. Voir le tableau à la page suivante repris de l’édition précédente de Vitalité Québec.
  2. S’assurer que les symptômes ne s’expliquent pas par d’autres désordres. En effet, d’autres désordres tels que les intolérances alimentaires, la « fatigue des surrénales », certaines carences alimentaires et la candidose peuvent se manifester en symptômes similaires.
  3. S’assurer qu’il n’y a pas d’hypothyroïdie clinique telle que diagnostiquée par les analyses de sang standard.
  4. La température basale peut aider à déterminer si le métabolisme est bas. La température du corps au repos est déterminée en grande partie par le métabolisme, lequel est contrôlé par la thyroïde. La température basale peut donc être utile à titre d’outil de mesure d’une hypothyroïdie.

Attention ! La température n’est pas un indicateur absolu, car la température basale peut aussi être influencée par divers autres facteurs. Elle demeure néanmoins un outil utile lorsque confirmée par d’autres données. Voir la note ci-haut pour savoir comment prendre la température basale.

  1. La globuline se liant aux hormones sexuelles, ou SHBG, est formée dans le foie en réponse aux niveaux d’œstrogènes ou des hormones de la thyroïde. Donc, si un patient a un niveau normal d’œstrogènes, soit naturellement ou par remplacement hormonal, la SHBG peut être utilisée pour déterminer le niveau de T3 dans les tissus. La SHBG sera alors basse par rapport à la normale.

Un médecin ou un naturopathe (là où la loi le permet) peuvent demander l’analyse sanguine de la SHBG.

  1. L’analyse de la triiodothyronine inverse (rT3) peut aussi aider à détecter une hypothyroïdie cellulaire. Un niveau élevé de rT3 dans le sang suggère un transport inadéquat de l’hormone T4. Là aussi, un médecin ou un naturopathe (là où la loi le permet) peuvent demander l’analyse sanguine de la rT3.

 

QUE PEUT-ON FAIRE ?

La majorité des pistes nutritionnelles suggérées dans mon article précédent sur l’hypothyroïdie aideront à améliorer l’état général. Pour ce qui est des cas particuliers, il est mieux de consulter un professionnel de la santé afin d’établir un profil général suivi d’un plan de correction approprié.

Les problèmes de thyroïde insoupçonnés peuvent être à la base d’un mal-être important. Il est donc crucial d’essayer d’en trouver la cause afin d’élaborer des pistes de solutions et afin de faire compredre aux gens qui en souffrent que ce n’est pas dans leur tête.

 

RÉFÉRENCES

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