Hypothyroïdie – PARTIE 1

Publié le 16 juin 2016
Écrit par Daniel-J. Crisafi, nd.a., m.h., ph. d.

Hypothyroïdie – PARTIE 1
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Q : Je crois avoir des problèmes de thyroïde, mais mes analyses sanguines indiquent que tout est normal. Si c’est le cas, est-ce possible que mes problèmes de thyroïde soient à la base de mes multiples symptômes ?

Dans un premier temps, il est possible que des problèmes de thyroïde soient à la base de différents symptômes. J’expliquerai un peu plus loin ceux qui sont liés à une sous-activité de la thyroïde. Eh oui, il est possible qu’un individu ait des symptômes associés à une baisse de l’activité de la thyroïde ou une baisse de la sensibilité aux hormones thyroïdiennes sans que cela ressorte nécessairement dans les analyses habituelles. Nous verrons comment et pourquoi plus loin. Commençons donc par comprendre ce qu’est la thyroïde afin de découvrir comment un mauvais fonctionnement peut affecter le corps d’une variété de façons qui semblent parfois ne pas avoir de liens.

 

SITUÉE DANS LE COU, juste en dessous du larynx, la glande thyroïde contrôle le métabolisme, la synthèse des protéines, l’utilisation d’oxygène et la sensibilité du corps aux autres hormones. Il existe un réseau de communication très serré entre la thyroïde et d’autres glandes endocrines, dont l’hypophyse et les surrénales. La thyroïde agit par l’intermédiaire de diverses hormones, dont la T3 (triiodothyronine), la T4 (thyroxine) et la calcitonine. La thyroxine (T4) représente environ 80 % des hormones thyroïdiennes tandis que la T3 en représente environ 20 %.

La majorité de la T3 est produite par la thyroïde elle-même. Par contre, une partie de la T3 est produite dans les muscles, dans le foie et dans les reins par dégradation de l’hormone T4. Pour cet article, je vais me limiter à discuter des effets associés aux hormones T3 et T4.

 

HYPOTHYROÏDIE : DÉFINITION

L’hypothyroïdie est le terme médical utilisé pour exprimer la baisse de l’activité de la thyroïde. Celle-ci peut être moins active, c’est-à-dire produire moins d’hormones thyroïdiennes, ou le corps peut répondre moins efficacement à la présence de ces hormones.

Dans les deux cas, le résultat est le même : une baisse du métabolisme avec comme conséquence une baisse de l’activité ou de l’efficacité de différents systèmes.

Comme la thyroïde contrôle l’activité de presque tous les tissus du corps (à l’exception du cerveau, de la rétine, de la rate, des testicules et des poumons), toute modification de l’activité de la thyroïde ou de la biodisponibilité de ses hormones influencera virtuellement tous les tissus du corps. Afin d’en apprécier les effets, consultez le tableau 1 qui suit. Il faut noter d’emblée que ces symptômes peuvent être causés par d’autres facteurs, mais l’hypothyroïdie ne devrait pas être écartée comme hypothèse, même lorsque les analyses sanguines semblent négatives. Nous y reviendrons.

Comme on peut le constater, une baisse dans l’activité de la thyroïde peut avoir des répercussions très variées. Il est évident que d’autres désordres peuvent aussi avoir des effets systémiques semblables, ceux-ci pouvant inclure des problèmes avec les surrénales, une infection systémique à champignons (candidose), des carences alimentaires ainsi que des intolérances alimentaires. Il est aussi souvent le cas qu’une hypothyroïdie soit accompagnée de l’un de ces autres désordres soit en tant que cause de ce dernier ou en tant qu’effet. De là l’importance de consulter un professionnel de la santé afin de circonscrire le problème comme il le faut.

 

TROIS TYPES DE DYSFONCTIONS

La production des hormones de la thyroïde dépend en partie de la production de la TSH (hormone stimulant la thyroïde) sécrétée par l’hypophyse ainsi que la présence de matériaux dont le corps a besoin pour produire la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3). À noter qu’ici, au Québec, les analyses sanguines ne sont généralement pas faites pour la T3, seulement pour la TSH et la T4.

 

HYPOTHYROÏDIE PRIMAIRE

Lorsque les taux d’hormones de la thyroïde baissent, l’hypophyse sécrète alors l’hormone qui stimule la thyroïde, la TSH. Cette hormone signale à la thyroïde de produire plus d’hormones. Dans l’hypothyroïdie primaire, les analyses sanguines démontrent donc de la difficulté à produire les hormones de la thyroïde, particulièrement la T4 et des niveaux de TSH élevés. En d’autres mots, l’hypophyse produit plus de TSH qu’à la normale dans un effort pour stimuler l’activité de la thyroïde.

Une hypothyroïdie primaire peut être causée soit par une maladie de la thyroïde, comme la maladie de Hashimoto, par exemple, soit par la présence de substances qui nuisent à l’activité de la thyroïde, ou tout simplement par un manque de matériaux requis pour la production de la thyroxine. La grande majorité des hypothyroïdies sont de type auto-immunes ou Hashimoto.

 

HYPOTHYROÏDIE SECONDAIRE

Dans l’hypothyroïdie secondaire, le taux d’hormones de la thyroïde est bas, mais l’hormone qui stimule la thyroïde est soit basse ou normale. Le problème ici est que l’hypophyse ne peut produire assez de TSH pour stimuler la thyroïde. Cette première, l’hypophyse et non la thyroïde, est fautive.

 

HYPOTHYROÏDIE CELLULAIRE OU TISSULAIRE

Les paramètres sanguins par rapport à l’hypophyse (TSH) et à la thyroïde (T3 et T4) sont normaux – l’analyse sanguine est normale –, mais il existe néanmoins des symptômes qui peuvent être attribués à une hypothyroïdie. Cette situation se présente aussi chez ceux qui reçoivent un remplacement hormonal, p. ex. du Synthroid, mais qui continuent à avoir des symptômes d’hypothyroïdie. Étant donné la complexité de l’hypothyroïdie cellulaire ou tissulaire, j’y consacrerai un article prochainement dans Vitalité Québec.

Donc, toute affection qui réduit l’activité de la thyroïde, qu’elle soit primaire, secondaire ou cellulaire, peut causer des modifications biochimiques et métaboliques qui peuvent, à leur tour mener à une variété de symptômes, dont ceux notés au tableau 1. Aux fins de cet article, je vais élaborer sur les causes possibles de l’hypothyroïdie primaire, laissant l’hypothyroïdie cellulaire ou tissulaire à un article subséquent.

 

LES CAUSES DE L’HYPOTHYROÏDIE PRIMAIRE

Donc, l’hypothyroïdie primaire se définit par un niveau élevé de la TSH ainsi qu’un niveau bas de T3 et de T4. La thyroïde a de la difficulté à produire les hormones T3 etT4, pour plusieurs raisons potentielles.

 

Hashimoto

La majorité des hypothyroïdies sont associées à une attaque auto-immunitaire de la thyroïde, nommée d’après le chercheur japonais qui l’a identifiée, le Dr Hashimoto. Cette thyroïdite d’Hashimoto peut avoir diverses causes :

 

Stress

Le stress chronique augmente l’activité de la thyroïde. Lorsque la thyroïde est suractivée, celle-ci peut soit « tomber » directement en hypothyroïdie , soit elle peut être attaquée par le système immunitaire dans le but de réduire son hyper réactivité . Dans un cas comme celui-ci, l’approche logique est d’aider à améliorer la réponse du corps au stress plutôt que de simplement traiter l’effet avec un remplacement d’hormones de la thyroïde. Il est donc important de vérifier l’état des glandes de stress, les surrénales, et d’apporter les correctifs nécessaires.

Intolérances alimentaires

Il y a de plus en plus de preuves que les intolérances alimentaires, particulièrement l’intolérance au gluten – de type non cœliaque comme de type cœliaque, jouent un rôle dans le développement d’une thyroïdite de Hashimoto. La consommation de gluten peut augmenter l’hyper réactivité immunitaire de façon à déclencher une réaction contre la thyroïde. Si une hypothyroïdie se présente, il serait donc utile d’examiner la possibilité d’une hypersensibilité au gluten, voire de suivre un régime sans gluten pour quelques semaines afin d’en vérifier les effets. Cette hypersensibilité peut être de type non cœliaque ou de type cœliaque. Pour obtenir plus de détails sur le blé, voir mon article sur le blé dans le numéro de Vitalité Québec de mai 2015.

 

Métaux lourds

Nombre de chercheurs ont suggéré qu’il y a un lien entre diverses maladies auto-immunitaires, dont la maladie de Hashimoto, et l’intoxication aux métaux lourds, même lorsque cette intoxication est à des doses très faibles.Certains chercheurs ont rapporté que le remplacement d’amalgames (plombages) avait eu un effet très positif sur des individus souffrant de maladies auto-immunitaires. Les « plombages » ne contiennent plus de plomb depuis longtemps, mais contiennent par contre du mercure. Une analyse de cheveux peut aider à détecter des niveaux anormaux de métaux lourds dans l’organisme.

 

Infections

La présence de certains agents infectieux peut aussi déclencher des atteintes immunitaires à la thyroïde. Certains chercheurs ont associé le virus Epstein-Barr, le virus de la mononucléose, au développement de réactions auto-immunitaires. D’autres ont postulé une association avec les infections à champignons, ou candidose. La présence de ces agents infectieux devrait donc être évaluée lorsqu’une hypothyroïdie est présente, surtout lorsqu’elle a été précédée par une mononucléose ou par des infections à champignons chroniques.

 

Acidose

Finalement, de plus en plus d’études suggèrent qu’une acidose – le corps qui est trop acide – peut aussi être impliquée à titre causal dans certains problèmes de la thyroïde, dont l’hypothyroïdie. La correction de l’acidose a donné d’excellents résultats en ce qui concerne l’activité de la thyroïde. La majorité des constatations sur le lien entre l’acidose et les problèmes de thyroïde ont été faites sur des individus ayant une acidose métabolique, une forme d’acidose grave. Par contre, certains cliniciens ont observé qu’un excès d’acidité, même à de petites doses, pouvait avoir un impact négatif sur la thyroïde . Il est donc utile de vérifier si le corps d’un individu souffrant d’hypothyroïdie n’est pas trop acide. Cela peut se faire avec des bandelettes de papier pH. Votre magasin de produits naturels ou votre praticien de la santé complémentaire peut généralement vous en fournir.

 

CARENCES

Les hormones de la thyroïde sont produites à partir de substances nutritionnelles que nous obtenons des aliments que nous consommons. Il est donc très possible qu’une carence en l’une de ces substances affecte la production des hormones de la thyroïde. Nous sommes déjà au courant des risques de carence en iode et de son effet sur la thyroïde. C’est pour cette raison que l’on ajoute de l’iode au sel, et ce, depuis 1924. Par contre, le corps n’a pas besoin que d’iode pour produire les hormones de la thyroïde. Un acide aminé, la tyrosine, est requis, au même titre que l’iode, pour fabriquer ces hormones, tout comme le sont les oligo-éléments, le sélénium et le zinc.

 

Iode

Une carence en iode aura un impact direct sur la production des hormones de la thyroïde. Et, malgré le fait que nous ajoutons de l’iode au sel commercial, certains individus peuvent être carencés parce qu’ils ne consomment pas de produits de la mer (algues, fruits de mer), qui contiennent naturellement de l’iode, ou parce qu’ils évitent d’ajouter du sel de table à leurs aliments. Dans tout cas d’hypothyroïdie, il serait donc important de vérifier les niveaux d’iode dans le sang afin d’en détecter une carence possible.

Attention, la supplémentation avec de fortes doses d’iode peut être dangereuse lorsqu’une carence en iode n’est pas présente.

 

Tyrosine

La tyrosine est un acide aminé qui, avec l’iode, est le matériel de base des hormones de la thyroïde. Il est intéressant de noter que comme le stress peut causer une perte de tyrosine, les besoins de tyrosine augmentent avec le stress. Des études ont d’ailleurs démontré que la supplémentation avec la tyrosine réduit les effets du stress sur le corps. Qui plus est, une carence en tyrosine peut causer de la dépression chez des sujets normaux. Or, la dépression, ou la « fatigue mentale », est un symptôme possible d’hypothyroïdie.

 

Sélénium

Lorsqu’il est question de la thyroïde, l’un des nutriments les plus importants, le sélénium, est souvent négligé. Cet oligo-élément est de loin le plus important pour la fonction de la thyroïde, après l’iode. Le lien entre la carence en sélénium et la maladie d’Hashimoto est bien établi. Une carence en sélénium peut avoir trois effets majeurs sur l’activité de la thyroïde. En tant qu’antioxydant, le sélénium protège la thyroïde contre les dommages causés par les radicaux libres. Or, si les cellules de la thyroïde sont endommagées par ces derniers, la thyroïde peut être moins efficace dans sa production d’hormones. Qui plus est, des tissus thyroïdiens endommagés peuvent alors solliciter une attaque auto-immunitaire, le corps ne reconnaissant plus ces cellules anormales. Finalement, le sélénium, tout comme le zinc, est requis pour la conversion de T4 en T3. Une carence en sélénium (comme en zinc) pourrait donc réduire la quantité de T3 disponible.

Malheureusement, les niveaux de sélénium alimentaire ont baissé considérablement depuis les cent dernières années. De plus, il est très difficile d’évaluer les niveaux de sélénium chez un individu. Lorsqu’il y a hypothyroïdie, il est sage d’augmenter sa consommation de sélénium. Les aliments qui ont les niveaux les plus élevés en sélénium comprennent les noix du Brésil, les sardines, la dinde, le foie de bœuf et les œufs, pour n’en nommer que quelques-uns. N’oublions pas que le sélénium est un oligo-élément critique dont les bienfaits comprennent une amélioration de la santé cardiovasculaire et une réduction des risques de cancer.

 

Zinc

Le zinc est un oligo-élément qui joue un rôle important par rapport à l’activité de la thyroïde. Une carence en zinc peut réduire la conversion de T4 en T3, réduisant ainsi la quantité de T3 disponible. Dans certains cas, une carence en zinc à elle seule a eu des effets négatifs importants par rapport à l’activité de la thyroïde. Dans un rapport clinique, des cliniciens ont noté que des patients souffrant d’alopécie (perte de cheveux) sévère associée à une hypothyroïdie ont eu des résultats très encourageants avec la prise de zinc. Il est très difficile d’établir un besoin en zinc avec les analyses sanguines. Le niveau de zinc sanguin, tout comme le niveau de sélénium sanguin, ne reflète pas nécessairement les niveaux tissulaires.

Comme le zinc est impliqué dans des centaines de systèmes d’enzymes dans le corps, son apport adéquat est important. Les aliments contenant le plus de zinc comprennent les huîtres, le bœuf nourri de grains, le kéfir bio, l’agneau, les pois chiches, la poudre de cacao biologique et les graines de citrouille biologiques. Si vous vous supplémentez avec du zinc, limitez-vous à un maximum de 30 mg par jour, sauf sur avis d’un professionnel de la santé.

 

CONCLUSION

Le but de cet article est de vous donner les outils pour comprendre les causes de l’hypothyroïdie, une maladie qui est parfois ignorée et souvent mal traitée. Il est évident que les causes sont multiples et complexes, et c’est pourquoi il est important de consulter un professionnel de la santé pour vous aider dans votre démarche. Ceci dit, si vous avez des symptômes mentionnés au tableau 1, et si d’autres causes n’ont pas été découvertes, l’hypothyroïdie est très possible.

Dans le prochain numéro de Vitalité Québec, je vais aborder les conséquences négatives de certains aliments, les goitrogènes, sur la thyroïde ainsi que le problème de l’hypothyroïdie subclinique ou tissulaire. Ce type d’hypothyroïdie touche probablement bien plus de gens que l’hypothyroïdie primaire, mais, comme elle n’est pas diagnostiquée, des milliers de personnes se font renvoyer du bureau de leur médecin sans espoir de régler leur problème. Qui plus est, l’hypothyroïdie cellulaire peut même affecter des personnes qui ont reçu un diagnostic d’hypothyroïdie et qui sont médicamentées avec des hormones de remplacement, comme le Synthroid. Dans ce cas-ci la médication apporte peu ou pas de bienfaits réels, et ne semblent pas avoir de retombées positives sur le métabolisme.

 

RÉFÉRENCES

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