Inflammation chronique et vieillissement

Publié le 9 octobre 2019
Écrit par Sylvie Rousseau, nd.a.

Inflammation chronique et vieillissement
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Chacun sait bien que le vieillissement n’est pas une maladie en soi, mais celui-ci apporte inévitablement son lot de troubles chroniques. Ceux-ci ont tous la même racine, l’inflammation subchronique.

Or, ce sujet fait l’objet de nombreuses recherches depuis déjà plusieurs années, comme le témoigne un article paru dans le Time Magazine en mars 2004 intitulé « The fires within ». Celui-ci faisait état de la recherche médicale sur l’impact, trop souvent sous-estimé, de l’inflammation subchronique sur le corps humain.

Ces études ont permis d’établir le lien entre le mécanisme bien simple de défense immunologique, soit l’inflammation qui nous défend contre l’invasion des bactéries, virus et parasites, et la possibilité de développer des maladies de civilisation comme l’arthrite, l’Alzheimer, le Parkinson, l’ostéoporose ou encore les maladies cardio-vasculaires. Les experts constatent que le processus de l’inflammation peut passer d’un état transitoire, lorsqu’il y a une infection à combattre, à un état chronique qui amène le corps à se retourner contre lui-même et à attaquer ses propres tissus.

Toutefois, ceux-ci n’arrivent pas à expliquer pourquoi ce phénomène peut s’installer, à part le fait de mentionner que les prédispositions génétiques ou certains facteurs initiateurs comme la cigarette ou l’alcool peuvent être en cause. On pointe aussi du doigt l’alimentation raffinée riche en sucre et en gras saturés associée à la sédentarité en lien avec un processus inflammatoire en sourdine. Le corps médical, devant ce constat, commence à penser que l’utilisation de médicaments anti-inflammatoires pourrait devenir une arme puissante afin de ralentir ce processus dans l’objectif de nous protéger de ces maladies.

 

La complexité du processus inflammatoire

Une interaction entre les médiateurs impliqués et la complexité du phénomène de l’inflammation serait trop longue à illustrer ici. Mais il faut savoir que plusieurs cytokines inflammatoires peuvent entrer en interaction. Par exemple, l’histamine, le principal médiateur dans l’allergie, ainsi que certains leucotriènes et interleukines peuvent créer des radicaux libres qui fragilisent les membranes cellulaires et amplifient le processus d’inflammation.

Plusieurs réactions peuvent alors se manifester. L’histamine, par exemple, va provoquer une rétention d’eau et de la rougeur en augmentant la perméabilité des vaisseaux sanguins. Celui-ci favorise aussi les spasmes musculaires des organes internes et peut en altérer leur fonctionnement. Les leucotriènes inflammatoires, quant à eux, provoquent aussi des spasmes des muscles lisses, mais agissent plus lentement que l’histamine. Les prostaglandines (PGE2) sont d’autres types de cytokines qui augmentent la circulation sanguine locale, la douleur et la chaleur.

 

Le NF-kB, le régulateur central de l’inflammation

Le NF-kB, ou nuclear factor-kappa B, est, en réalité, la protéine centrale faisant partie de la grande famille de molécules impliquées dans la réponse immunitaire. Il est régulé à l’intérieur de la cellule par plusieurs protéines spécialisées et joue un rôle dans la répression ou l’activation des gènes. Il est le régulateur central de la transcription de l’ADN et de la production des cytokines pro-inflammatoires.

Le NF-kB est aussi le pivot central pour activer ou non les cellules phagocytaires, qui sont les éboueurs de l’organisme. Ainsi, il joue un rôle important dans la régulation des cellules immunes aux infections. Il agit essentiellement comme un modulateur.

La voie métabolique du NF-kB est l’élément clé du métabolisme permettant la modulation de l’inflammation et coordonne plusieurs voies de signalisation conduisant à l’activation et la prolifération cellulaire pendant la réaction immune. C’est lui qui gouverne l’homéostasie.

Le nuclear factor-kappa B est donc le principal facteur initiateur d’inflammation. Si on arrive à le moduler, on peut agir sur plusieurs problèmes de santé associés au vieillissement, dont le syndrome métabolique, le cancer, les troubles cardiovasculaires, l’asthme, la mau vaise cicatrisation et l’arthrite notamment. Inhiber le NF-kB permet clairement de ralentir le vieillissement, car cette protéine active les cytokines pro-inflammatoires qui amorcent l’inflammation dans l’organisme et le processus de destruction cellulaire. Cela aboutit en une mort cellulaire, une perte de tissus, un dommage à l’ADN et le vieillissement accéléré. Divers stimuli peuvent activer le NF-kB. Parmi ceux-ci, nous retrouvons des substances carcinogènes (formaldéhyde, benzène, métaux lourds…), des radicaux libres, des facteurs de stress cellulaire ou encore des débris bactériens.

 

Les nutriments d’intérêt pouvant inhiber le NF-kB

Le curcuma est un des nutriments les plus étudiés pour sa capacité à inhiber le NF-kB. On dénombre pas moins d’un millier de recherches sur ce nutriment, depuis 2007. Il est, et de loin, le plus important nutriment pour moduler le NF-kB. On a réussi à démontrer, entre autres, qu’il arrive à prévenir et même à ralentir la progression de plusieurs types de cancer, dont celui touchant le foie et le pancréas.

Mais les propriétés du curcuma vont bien au-delà de la prévention du cancer. Il peut aider à moduler plusieurs maladies métaboliques, comme l’obésité, le diabète et le syndrome métabolique, en freinant la production des cytokines inflammatoires produites en masse par les cellules adipeuses. Le curcuma arrive aussi à protéger les cellules du foie d’un dépôt de gras et prévient ainsi la stéatose hépatique non alcoolique. On a démontré qu’en inhibant le NF-kB notamment par le curcuma, on peut prévenir le dommage causé à plusieurs organes par le stress oxydatif ou traumatisme, dont le foie, l’intestin, le cerveau et le pancréas

Les études sur les oméga-3 ont aussi démontré qu’ils pouvaient inhiber le NF-kB. Entre autres, ce nutriment aide à prévenir l’inflammation vasculaire qui est responsable de l’athérosclérose. L’acide eicosapentaénoïque (EPA) contenu dans les oméga-3 réduit le degré d’adhérence des cellules sanguines aux vaisseaux sanguins, prévenant ainsi la formation de plaques d’athéromes responsables d’AVC ou d’infarctus.

Le diabète et l’obésité, deux facteurs de risque importants pour la démence, sont responsables d’initier un processus d’inflammation neurologique. Dans une étude sur les souris, la supplémentation en oméga-3 a permis d’inhiber le NF-kB et de diminuer dramatiquement l’inflammation en cours. Dans la maladie inflammatoire de l’intestin pouvant dégénérer en cancer colorectal, certaines études ont montré que les oméga-3 peuvent aider grandement à diminuer l’activation du NF-kB.

Le stress oxydatif dans le corps est un facteur central pouvant activer la production de NF-kB. Or, l’acide alpha-lipoïque (AAL) et le N-acétyl-cystéine (NAC) sont deux nutriments pouvant prévenir cette oxydation. Ils y arrivent en détruisant surtout les radicaux libres qui sont responsables de détruire les membranes cellulaires et l’ADN notamment. En inhibant ces stresseurs, ces nutriments diminuent le NF-kB. Ils préviennent les maladies inflammatoires telles que la cataracte, l’ostéoporose et les troubles auto-immuns. De plus, dans les cas de Parkinson, les études sur le NAC ont démontré que celui-ci a diminué le NF-kB et réduit la perte des cellules dopaminergiques. Trois nutriments, dont le NAC, l’AAL et la vitamine E (alpha-tocophérol) diminuent le vieillissement du cerveau en inhibant le NF-kB et l’inflammation associée.

Le Reishi (Ganoderma lucidum) a aussi démontré une activité anti-inflammatoire intéressante. Certaines études sur les modèles animaux ont montré une diminution de la production des cytokines inflammatoires, permettant d’avoir un impact sur la réduction de l’inflammation dans les parois des vaisseaux sanguins en lien avec l’athérosclérose.

Finalement, le sulforaphane, un nutriment retrouvé dans les crucifères, par exemple le brocoli, le chou-fleur et le chou de Bruxelles, a démontré sa capacité à diminuer l’inflammation en agissant sur le NF-kB responsable de contrôler et de signaler l’expression de nombreuses cytokines pro-inflammatoires en réponse aux signaux inflammatoires dans plusieurs maladies du vieillissement.

L’inflammation est importante pour lutter contre les infections, mais elle peut faire des ravages désastreux lorsque subchronique. Il est important de combattre celle-ci pour diminuer la lente dégradation liée au vieillissement. Or, au cœur de l’inflammation se retrouve le NF-kB, soit la principale molécule à moduler

 

RÉFÉRENCES

  1. DHILLON, N. et coll.. « Phase II trial of curcumin in patients with advanced pancreatic cancer »,Clinical cancer Research, vol. 14, no 14, 15 juillet 2008, 4491-4499.
  2. EGNER, P.A. et coll., « Keap1-nrf2 signaling a targetor cancer prevention by sulforaphane », Cancer PreV Res, vol. 4, no 3, 2011, p. 384-395.
  1. http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/6013/MS_2007_10_857.html
  2. https://www.creative-diagnostics.com/The-NF-kB- Signaling-Pathway.htm