Publié le 17 juin 2017
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
Conséquences des horaires atypiques sur notre santé
Les horaires de 9 à 5 ont longtemps été considérés comme la norme dans notre société, mais les besoins en matière de protection publique, de soins médicaux et de transport ainsi que la demande accrue pour des heures d’accès étendues en ce qui a trait aux commerces, aux services financiers et autres sont en train de chambouler nos modes de vie.
Bien que les quarts de travail de nuit, rotatifs ou irréguliers soient essentiels à notre sécurité et utiles à l’économie, ils peuvent s’avérer un fardeau tant sur le plan physique, émotionnel que social pour les travailleurs qui y sont soumis. Puisque les horaires irréguliers sont un mal nécessaire, voyons comment ils nous affectent et surtout, quelles sont les solutions naturelles qui s’offrent à nous afin de minimiser leur impact sur notre santé.
EN CHIFFRES
Selon le sondage intitulé Survey of Labour and Income Dynamics réalisé par Statistiques Canada en 2005, environ 28 % des employés canadiens possèdent un horaire de travail autre qu’un horaire régulier de jou. Les quarts en rotation et les horaires irréguliers représentent les variations les plus fréquentes et sont le lot d’environ 2,3 millions d’employés à temps plein au pays.
Comme c’est souvent le cas en matière de santé, les femmes sont surreprésentées comparativement aux hommes en ce qui a trait aux horaires irréguliers. En effet, bien qu’elles représentent approximativement 37 % des employés à plein temps ayant un horaire rotatif, elles occupent 7 postes sur 10 lorsqu’il s’agit des horaires rotatifs à temps-partiel. Quant au secteur d’emploi, beaucoup plus de femmes que d’hommes travaillent dans les soins de santé, tandis que le secteur manufacturier est dominé par les travailleurs de sexe masculin .
On comprend donc que les quarts rotatifs exercent un plus grand impact sur la santé de la population féminine.
LES CONSÉQUENCES
Ce dont les travailleurs soumis aux quarts rotatifs se plaignent le plus est la dette de sommeil et son corollaire, la fatigue chronique. On note en effet que le même sondage de 2005 révèle que tous les travailleurs tendent à couper dans leurs heures de sommeil lorsqu’ils ont besoin de plus de temps durant leur journée. Selon plusieurs autres études, le travail en rotation est aussi associé aux maladies cardiovasculaires, à l’hypertension et aux troubles gastro-intestinaux. Ce type d’horaire affecte également la santé mentale – dont le taux de dépression et d’anxiété – et peut exacerber des troubles préexistants tels que l’asthme, le diabète et l’épilepsie. Chez les femmes, il existe une nette corrélation entre les quarts de travail rotatifs et les troubles du système reproducteur ainsi que le cancer du sein.
Dans certains cas, une carence d’effectifs vient s’ajouter à la problématique des horaires rotatifs et nécessitera du temps de travail supplémentaire de la part des travailleurs. Cette surcharge de travail conditionne l’état de fatigue chronique et augmente le risque d’accidents de travail.
Au-delà des conséquences directes sur notre santé, ces horaires perturbent également la vie familiale et sociale. Il est bien établi que l’équilibre travail-famille constitue l’un des indices permettant d’évaluer le bien-être d’une population. En ce qui concerne le travail par quarts en rotation et les emplois sur appel, les travailleurs se disent plus insatisfaits (23 %) que leurs collègues ayant un horaire de jour, car ils sont affectés par le cumul de rôles et ils expriment aussi la préoccupation de ne pas passer suffisamment de temps avec leurs proches.
COMMENT LE TRAVAIL PAR QUARTS ROTATIFS AFFECTE-T-IL NOTRE SANTÉ ?
Les chercheurs qui se penchent sur cette thématique proposent trois mécanismes potentiellement interreliés pouvant expliquer l’association entre le travail en rotation et les troubles de santé associés : la perturbation des rythmes circadiens, l’adoption ou le renforcement d’habitudes de vie malsaines et le stress.
Pour plus de 200 000 ans, les humains ainsi que les autres formes de vie évoluées ont développé une horloge biologique interne gouvernée par les cycles de clarté et de noirceur terrestres appelée « rythme circadien ». En temps normal, nos fonctions biologiques telles que notre température basale, nos performances cognitives et nos sécrétions hormonales suivent ce cycle de 24 heures contrôlé par le lever et le coucher du soleil. La chronobiologie est l’étude de ces rythmes et des conséquences de leur perturbation.
La science a clairement établi l’importance de cette synchronisation entre notre horloge biologique interne et notre environnement. Cependant, les travailleurs soumis à des quarts en rotation doivent souvent aller à l’encontre de leur chronobiologie lorsque par exemple ils doivent être pleinement alertes pendant que leur corps se prépare au sommeil, ou vice versa créant ainsi une perturbation de leur chronobiologie.
Puisque la majorité des travailleurs reviennent à un horaire normal durant leurs jours de congé, leur chronobiologie n’a pas l’opportunité de s’adapter complètement.
L’une des plus importantes conséquences d’un horaire irrégulier sur notre santé est la perturbation de la production de la mélatonine. Le rythme de sécrétion de la mélatonine est contrôlé par l’horloge interne, mais la luminosité extérieure peut stimuler ou diminuer sa production. La lumière perçue par la rétine de l’œil est transmise directement aux noyaux suprachiasmatiques logés dans l’hypothalamus qui relaient l’information jusqu’à la glande pinéale qui sécrète la mélatonine. Dans des conditions normales, la quantité de cette hormone augmente en fin de journée peu avant le coucher, contribuant à l’endormissement, puis elle atteint le zénith de sa sécrétion entre deux et quatre heures du matin. Sa concentration diminue ensuite progressivement pour devenir quasiment nulle au petit matin, un peu après le réveil.
L’exposition à la lumière le soir informe notre glande pinéale de retarder la production de mélatonine et donc, l’endormissement. Ce phénomène se produit peu importe que nous allumions la lumière pour une seconde ou pour plus longtemps, et il s’observe aussi lors de l’exposition à la lumière bleue émise par nos ordinateurs et autres appareils électroniques. En contrepartie, une exposition lumineuse le matin va plutôt devancer l’horloge. Ce mécanisme permet, en particulier, de s’adapter aux changements d’heure et aux décalages horaires, mais malheureusement, la perturbation du cycle de la mélatonine ne se resynchronise pas parfaitement dans le cas du travail de nuit chez la plupart des gens. Cela contribue au sommeil moins réparateur durant le jour, à un état de vigilance réduit durant le travail de nuit et aux autres problèmes associés au travail par quarts rotatifs.
En plus de sa contribution à notre sommeil et à notre sensation générale de confort et de bien-être, la mélatonine est dotée d’une impressionnante liste de bienfaits sur notre santé incluant un ensemble de propriétés anti-cancer. Selon les plus récentes études scientifiques, la carence en mélatonine est associée à un taux accru d’inflammation, à un affaiblissement du système immunitaire et à l’augmentation du risque de cancer, particulièrement de cancer du sein.
À l’heure actuelle, le principal créneau de recherche impliquant la mélatonine est celui du cancer du sein. Parmi les études les plus importantes et les mieux connues, la fameuse Nurses’ Health Study publiée en 2001 a révélé que les infirmières affectées au quart de travail de nuit présentaient un taux de cancer du sein 36 % plus élevé que leurs collègues. Qui plus est, lorsque l’ensemble des recherches épidémiologiques sont prises en considération (méta-analyse), on découvre que les femmes qui travaillent de nuit, comme les infirmières et les agentes de bord, ont en fait un taux de cancer du sein 60 pour cent plus élevé que la normale, même lorsque d’autres facteurs tels que les différences sur le plan alimentaire sont pris en ligne de compte. Armée de ce genre d’évidences scientifiques, l’Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC) – une division de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) – a décidé en 2007 de classifier le travail par quarts de rotation perturbant le rythme circadien en tant que cancérogène du groupe 2A.
OPTIMISER LE TAUX DE MÉLATONINE
Puisque certaines personnes doivent travailler sur des quarts rotatifs en dépit des risques connus pour la santé, voici quelques moyens naturels permettant d’optimiser le taux de mélatonine et d’améliorer les symptômes et l’impact associés à ce type d’horaire.
Puisque la production maximale de mélatonine par la glande pinéale survient en réponse au contraste entre l’exposition au soleil et l’obscurité complète la nuit, obtenir un maximum d’exposition solaire le jour et dormir dans l’obscurité totale aussi souvent que possible est vraiment crucial. Si vous avez besoin de lumière pour vous déplacer durant la nuit, ayez plutôt recours à une veilleuse de couleur rouge ou orangée.
Puisque les humains ont évolué à la lumière des feux de camp, cette fréquence de couleur ne supprime pas autant la production de mélatonine que la lumière blanche ou bleue le fait. Une bonne option serait d’utiliser une lampe de sel illuminée par une ampoule de 5 watts dans ces teintes.
Un autre facteur très important à mentionner est d’éviter de regarder la télévision ou d’utiliser les ordinateurs, tablettes et cellulaires pendant au moins une heure avant de se mettre au lit en raison de leur émission de lumière bleue.
La majorité des études cliniques disponibles concluent que la température idéale pour dormir oscille entre 16°Cet20°C.
L’élévation de température corporelle suivie d’une chute lorsque nous sortons du bain signale au corps que nous sommes prêts à dormir. L’ajout de 2 tasses de sel d’Epsom (sulfate de magnésium) à l’eau du bain possède un effet relaxant et légèrement détoxifiant. On peut aussi incorporer quelques gouttes d’huiles essentielles aux propriétés calmantes, telles que la lavande (Lavandula angustifolia), la marjolaine (Origanum marjorana), le néroli (Citrus aurantium var. amara), la rose (Rosa damascena) ou le bois de santal (Santalum album).
Ils peuvent perturber la glande pinéale et la production de mélatonine. Plusieurs études ont investigué ce sujet, et même si le consensus actuel est que nous ne possédons pas encore suffisamment de preuves pour conclure que les champs électromagnétiques suppriment la production de mélatonine, les failles rencontrées dans les recherches existantes laissent planer cette possibilité.
Il est toujours préférable de supporter la production endogène de mélatonine afin d’atteindre notre dosage optimal. Par contre, si vous souffrez d’insomnie ou devez composer avec des horaires irréguliers, les suppléments de mélatonine peuvent vous aider à normaliser votre chronobiologie. Selon les études cliniques, ils permettent de trouver le sommeil plus rapidement, de rester endormi et de prévenir la fatigue diurne. Il vaut mieux débuter avec une petite dose de 1 mg et augmenter graduellement. Des doses plus élevées peuvent produire un effet rebond chez certaines personnes. Il est aussi préférable d’accompagner la supplémentation en mélatonine d’un complexe de vitamines B.
Certains autres suppléments comme le GABA, la L-Théanine et le magnésium, ou encore certaines plantes, telles que la valériane (Valeriana officinalis), la passiflore (Passiflora incarnata L.) et la mélisse (Melissa officinalis L.), pourraient aussi s’avérer utiles.
EN CONCLUSION
Si vous devez travailler sur un horaire en rotation, il faut capitaliser sur les autres habitudes de vie et une bonne alimentation afin de minimiser l’impact de ce type d’horaire sur votre santé. Vous pouvez aussi avoir recours aux solutions naturelles à votre portée, incluant les produits naturels de santé. Il est toujours préférable de se faire accompagner dans une démarche en santé par un naturopathe agréé.
RÉFÉRENCES
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