Jamais sans mon cholestérol !

Publié le 17 décembre 2020
Écrit par Véronique Bourbeau, ND.A, herb. clin.

Jamais sans mon cholestérol !
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Depuis les 50 dernières années, s’il y a une substance pour laquelle nous avons tous été forcés de croire qu’elle était néfaste, c’est bien le cholestérol. Sans ignorer la complexité du sujet et sans entrer dans la controverse entourant sa médication, la lutte acharnée contre le cholestérol n’a pas fini de faire débat. Clamant l’innocence de cette molécule mais surtout son utilité physiologique, les opposants de la propagande anticholestérol se font de plus en plus nombreux. Alors, saint ou vilain ? Afin d’y voir plus clair, il est essentiel de revenir aux sciences fondamentales (notions de base). Réexaminons donc ensemble ce qu’est le cholestérol.

Le cholestérol n’est pas un sujet banal. Depuis sa découverte, en 1794, il a littéralement bousculé le monde de la science en raflant 13 prix Nobel à lui seul. C’est bien plus que le domaine extraordinaire de la génétique1 !

Produit à 80 % par le foie, le cholestérol a une synthèse qui requiert 36 étapes et la participation de multiples enzymes et cofacteurs ! Sa fabrication est l’une des plus lentes de tout l’organisme et est régulée en fonction de nos besoins. Les cellules ne le synthétisent pas sans raison valable, ceci témoigne de sa grande utilité !

Le cholestérol alimentaire (celui que l’on ingère à partir de l’assiette) affecte peu la cholestérolémie (taux de cholestérol dans le sang) ; cependant, la consommation de sucre, d’huile raffinée et de produits transformés s’y reflète proportionnellement. Le cholestérol est autorégulé : lorsque l’alimentation en apporte peu, nos cellules en produisent davantage.

Bien qu’il ne représente qu’à peine 2 % du poids corporel, le cerveau concentre 25% de tout le cholestérol et représente le plus grand organe consommateur, suivi du système nerveux, des glandes surrénales et des organes reproducteurs. Ceci nous indique que le cholestérol joue, pour ces organes, un rôle fondamental et qu’une baisse importante de sa concentration influencera de toute évidence leurs activités respectives.

La performance d’un organe dépend de la qualité de ses cellules et essentiellement de la qualité de ses membranes. Or, le cholestérol est un élément constitutionnel majeur des membranes de toutes les cellules du corps ! Il occupe environ 30 % de leur surface. Il confère à ces dernières des propriétés essentielles à leur viabilité. Toutes les cellules du corps ont besoin de communiquer entre elles. Pour ce faire, elles utilisent des protéines réceptrices logées dans leurs membranes. Ces protéines y sont attachées par des molécules de cholestérol et ce complexe se nomme « radeaux lipidiques ». C’est donc en grande partie par la présence de cholestérol que les cellules répondent adéquatement aux hormones et aux neurotransmetteurs, permettant ainsi d’équilibrer l’humeur, d’aiguiser la mémoire et de soutenir l’attention. 

Lors d’une baisse en quantité ou en qualité structurelles des radeaux lipidiques, on dénote une altération majeure dans les fonctions intellectuelles et endocriniennes, et une progression de complications neurologiques et psychiatriques pouvant entraver la qualité de vie des individus1.

 

Le cholestérol et le cerveau

Différentes études au cours des dernières décennies établissent un lien inquiétant entre un cholestérol bas et certaines affections neurologiques, dont la dépression, l’anxiété, l’agressivité, la paranoïa, le suicide, les troubles du sommeil ainsi que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. En effet, le taux de dépression serait de 3 à 4 fois plus élevé et le suicide 5 fois plus fréquent chez les personnes ayant une hypocholestérolémie (soit 150 mg/dl ou moins) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7. Plusieurs études ont montré que de faibles taux de cholestérol sont associés à des niveaux de sérotonine (neurotransmetteur du bonheur) constamment faibles chez les patients suicidaires et déprimés8, 9. L’hypothèse émise veut que l’hypocholestérolémie conduirait indirectement à une diminution de la sérotonine cérébrale en raison de l’exigence d’un taux de cholestérol adéquat dans les membranes des cellules nerveuses afin de maintenir l’intégrité des récepteurs de la sérotonine8, 10. 

Selon une autre étude menée sur 7,9 ans, des niveaux plus élevés de cholestérol total et même de « mauvais » cholestérol (LDL) seraient associés à une diminution du risque de la maladie de Parkinson chez les hommes11. Ces résultats ont d’ailleurs été présentés au Congrès international sur la maladie de Parkinson et les troubles du mouvement qui s’est tenu à Vancouver en 2017.

Les cellules nerveuses sont, de plus, recouvertes d’une gaine de protection nommée « myéline » (très semblable à la gaine isolante qui enveloppe un fil électrique), qui elle-même est constituée de 20 % de cholestérol. Cette gaine permet à l’influx nerveux de circuler rapidement et efficacement. Elle régule ainsi la vitesse de traitement des informations nécessaires aux fonctions intellectuelles. Lorsque la gaine est lésée, la fibre nerveuse sous-jacente peut mourir et entraîner des dommages permanents. Le ralentissement cognitif et moteur, qui s’amplifie avec le vieillissement, est une indication que la myéline s’effrite, en quelque sorte. Des chercheurs ont étudié le rôle du cholestérol comme facteur de protection contre les maladies neurodégénératives, telles que la sclérose en plaques, la sclérose latérale amyotrophique et l’Alzheimer12, et les résultats convergent positivement.

Chacune des cellules nerveuses communique avec les autres par l’intermédiaire de jonctions appelées « synapses ». Ce sont par les synapses que les neurotransmetteurs circulent dans le corps et influencent nos aptitudes mentales et notre comportement. Des perturbations dans les synapses sont impliquées dans de multiples processus neurologiques tels que l’humeur, l’apprentissage, la mémoire et la motricité. Les synapses comprennent des membranes, vous l’aurez deviné, constituées de cholestérol ! En fait, la formation des milliards de synapses du système nerveux est presque exclusivement dépendante du cholestérol produit par les cellules du cerveau13, 14. En définitive, une baisse de cholestérol se reflétera, une fois de plus, dans les performances nerveuses de l’individu.

Comme nous pouvons le constater, le cholestérol est un élément constitutif indispensable à la santé du cerveau et du système nerveux ; il n’est pas surprenant que des déficiences dans le métabolisme du cholestérol soient à l’origine d’affections neurologiques importantes.

 

Le cholestérol et l’équilibre hormonal

Indispensable à la reproduction de l’espèce, le cholestérol est le point de départ de plusieurs hormones, dont la progestérone, la testostérone, les estrogènes, le cortisol (gestion de stress), la vitamine D et l’aldostérone (pression sanguine). On serait d’emblée portés à présumer qu’une réduction de cholestérol aurait une incidence négative sur la synthèse de ces hormones ; pourtant, tel n’est pas le cas. Comme nous l’avons vu, le cholestérol influence le nombre et la fonctionnalité des récepteurs membranaires (radeaux lipidiques) essentiels à la captation de ces hormones ! Une chute du cholestérol affectera négativement le nombre de récepteurs, ce qui induira une diminution de l’utilisation des hormones mentionnées ! Une hypocholestérolémie contribue ainsi à une possible déficience hormonale ! 

 

Cholestérol et digestion

Le cholestérol est à l’origine des cinq acides biliaires, molécules indispensables à la digestion des lipides…, dont la digestion du cholestérol lui-même ! Eh oui, maigre quantité de cholestérol et capacité réduite à digérer les gras vont de pair ! En effet, le cholestérol est l’un des éléments les plus importants de la bile. Sans bile, il nous devient alors impossible d’émulsifier et d’absorber dans l’intestin non seulement les molécules grasses provenant de notre assiette, mais aussi une catégorie de vitamines dites liposolubles, dont la précieuse vitamine D. 

 

Cholestérol et vitamine D

La vitamine D est connue pour apporter de la robustesse aux os et réduire les risques d’ostéoporose, mais ses bienfaits ne se limitent pas qu’au squelette, loin de là ! En effet, la vitamine D occupe une fonction protectrice en cas de maladies auto-immunes comme le psoriasis, l’arthrite rhumatoïde, la maladie inflammatoire de l’intestin15, le lupus16, la sclérose en plaques17, et ce constat est bel et bien confirmé par des données épidémiologiques. La vitamine D participe également à la défense immunitaire lors d’infections respiratoires18, 19, 20 (grippe, pneumonie) et diminue l’incidence des maladies cardiovasculaires en s’opposant à la calcification et au durcissement des vaisseaux sanguins21, 22. De plus en plus de données abondent sur le rôle préventif de la vitamine D et l’incidence de certains cancers23, 24 (colorectal25, 26, 27, 28, seins29, prostate30, poumons31). La vitamine D contrôle également une quantité importante de gènes impliqués dans la sécrétion de l’insuline et dans le développement du diabète32, 23. Un lien entre le déclin cognitif 33, 34, 35, la maladie d’Alzheimer36 et l’appauvrissement en vitamine D est cité de plus en fréquemment depuis les 10 dernières années. Puisque la synthèse de la vitamine D ne s’entrevoit pas sans cholestérol, on ne peut que constater l’ampleur de sa contribution pour notre santé dans sa globalité. Pas banal, le cholestérol, non ?

Alors que la plupart d’entre nous ont été informés des dangers de l’hypercholestérolémie et des moyens de l’éviter, il existerait cependant un seuil critique à ne pas franchir où une faible concentration en cholestérol deviendrait préjudiciable à la santé. Le cholestérol mérite qu’on le réexamine sous un autre angle, celui de son utilité, et qu’on l’affranchisse de son caractère hautement nocif nourri depuis les 50 dernières années. À la lumière des fonctions essentielles que remplit cette précieuse molécule, lui faire la guerre à tout prix revient, en quelque sorte, à se faire violence à soi-même.  

 

RÉFÉRENCES

1: La vérité sur le cholestérol, Philippe Evens, Ed Cherche midi, 2013

2. Hypocholesterolemia is an independent risk factor for depression disorder and suicide attempt in Northern Mexican population. Marcela Segoviano-MendozaManuel Cárdenas-de la Cruz et al. BMC Psychiatry. 2018; 18: 7.

3. Serum lipid concentrations in patients with major depressive disorder. S O Olusi A A Fido. Biol Psychiatry, 1996 Dec 1;40(11):1128-31.

4. Lower serum high-density lipoprotein cholesterol (HDL-C) in major depression and in depressed men with serious suicidal attempts: relationship with immune-inflammatory markers. M Maes R SmithA ChristopheE Vandoolaeghe et al. Acta Psychiatr Scand, 1997 Mar;95(3):212-21.

5. Further evidence for low serum cholesterol and suicidal behaviour. Sarchiapone M,Roy A,Camardese G,De Risio S. Journal of Affective Disorders, 30 Nov 2000, 61(1-2):69-71

6. Changes in plasma cholesterol in mood disorder patients: does treatment make a difference? A Gabriel. J Affect Disord, 2007 Apr;99(1-3):273-8.

7. Lowering cholesterol concentrations and mortality: a quantitative review of primary prevention trials. M F Muldoon S B ManuckK A Matthews. BMJ. 1990 Aug 11;301(6747):309-14.

8. Low serum cholesterol concentration and serotonin metabolism in men.P. H. SteegmansD. FekkesA. W. Hoes et al. BMJ. 1996 Jan 27; 312(7025): 221.

9.Low blood cholesterol and low platelet serotonin levels in violent suicide attempters. J C Alvarez D CremniterP LesieurA GregoireA Gilton et al. Biol Psychiatry, 1999 Apr 15;45(8):1066-9.

10. Cholesterol and serotonin indices in depressed and suicidal patients. M Sarchiapone 1G CamardeseA RoyS Della Casa et al. J Affect Disord, 2001 Feb;62(3):217-9.

11. Higher serum cholesterol and decreased Parkinson’s disease risk: A statin‐free cohort study. Violetta Rozani MA, Tanya Gurevich MD, Nir Giladi MD et al. Movement Disorders, 25 August 2018

12. Traiter la maladie d’Alzheimer à la source. Pauline Gravel, Cahier santé du journal Le Devoir,14 mai 2007

13. CNS synaptogenesis promoted by glia-derived cholesterol. D H MauchK NäglerS Schumacher et al. Science, 2001 Nov 9;294(5545):1354-7.

14. Role of glia-derived cholesterol in synaptogenesis: new revelations in the synapse-glia affair. Christian Göritz Daniela H MauchKarl NäglerFrank W Pfrieger. J Physiol Paris, Apr-Jun 2002;96(3-4):257-63.

15. Vitamin D and gastrointestinal diseases: inflammatory bowel disease and colorectal cancer. Raman M, Milestone AN, et alTherap Adv Gastroenterol. 2011 Jan;4(1):49-62. 

16. Vitamin D in lupus – new kid on the block? Kamen DL. Bull NYU Hosp Jt Dis. 2010;68(3):218-22. 

17. Vitamin D and multiple sclerosis: can vitamin D prevent disease progression? Mehta B, Ramanathan M, Weinstock-Guttman B. Expert Rev Neurother. 2011 Apr;11(4):469-71. 

18. Randomized trial of vitamin D supplementation to prevent seasonal influenza A in schoolchildren. Urashima M, Segawa T, et alAm J Clin Nutr. 2010 May;91(5):1255-60.

19.  Vitamin D supplementation for the prevention of acute respiratory tract infection: a randomized, double-blinded trial among young Finnish men. Laaksi I, Ruohola JP, et alJ Infect Dis. 2010; 202: 809-14. 

20. Effects of vitamin D supplementation to children diagnosed with pneumonia in Kabul: a randomised controlled trial. Manaseki-Holland S, Qader G, Isaq Masher M,. Trop Med Int Health. 2010 Oct;15(10):1148-55. 

21. Role of vitamin D in cardiovascular health. Reddy Vanga S, Good M, et alAm J Cardiol. 2010 Sep 15;106(6):798-805.

22. The role of vitamin d in dyslipidemia and cardiovascular disease. Zittermann A, 

23 : Non phosphocalcic actions of vitamin D Courbebaisse M, Souberbielle JC, Prié D, Thervet E. Med Sci (Paris). 2010 Apr;26(4):417-21. 

24. Mechanisms of the anti-cancer and anti-inflammatory actions of vitamin D. Krishnan  Aruna V, Feldman David. Annu Rev Pharmacol Toxicol, 2011

25. Meta-analyses of vitamin D intake, 25-hydroxyvitamin D status, vitamin D receptor polymorphisms and colorectal cancer risk. Touvier M, Chan DS, et alCancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2011 Mar 11.

26. Circulating levels of vitamin D and colon and rectal cancer: the Physicians’ Health Study and a meta-analysis of prospective studies. Lee JE, Li H, et alCancer Prev Res (Phila). 2011 Mar 23.

27. Meta-analysis: longitudinal studies of serum vitamin D and colorectal cancer risk. Yin L, Grandi N, et alAliment Pharmacol Ther. 2009 Jul 1;30(2):113-25.

28. Vitamin D and prevention of colorectal adenoma: a meta-analysis. Wei MY, Garland CF, et alCancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2008 Nov;17(11):2958-69.

29. Meta-analysis of vitamin D, calcium and the prevention of breast cancer. Chen P, Hu P, et alBreast Cancer Res Treat. 2010 Jun;121(2):469-77.

30. Vitamin D and prostate cancer: Higher intake improves active surveillance outcomes. Bette Weinstein Kaplan. Oncology Nurse Advisor, April 16, 2015

31.Vitamin D: Potential in the Prevention and Treatment of Lung Cancer. Rosemary Norton, Marie A O’Connell.. Anticancer Research January 2012 vol. 32 no. 1 211-221

32. Vitamins D, C, and E in the prevention of type 2 diabetes mellitus: modulation of inflammation and oxidative stress. Garcia-Bailo B, El-Sohemy A, et alBiologics. 2011;5:7-19. 

33. Dietary intake of vitamin D and cognition in older women: a large population-based study. Annweiler C, Schott AM, et alNeurology. 2010 Nov 16;75(20):1810-6.

34. Vitamin D and cognitive impairment in the elderly U.S. population. Llewellyn DJ, Lang IA, et alJ Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2011 Jan;66(1):59-65.

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36. Vitamin D and Alzheimer’s disease: is there a link? Pogge E. Consult Pharm. 2010 Jul;25(7):440-50. Review.