La biologie de l’amour

Publié le 17 février 2018
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

La biologie de l’amour

On le sait, en février, l’amour est dans l’air ! Pourtant, le célibat gagne de plus en plus de terrain et serait même le mode de vie le plus répandu dans l’ensemble du pays1 !

 

Les personnes vivant seules représentent désormais plus du quart des ménages canadiens alors que le Québec se situe en tête de lice des provinces–devant le Yukon !–avec une moyenne de 33,3% de ménages formés d’une seule personne.

Plusieurs théories sont proposées afin d’expliquer le phénomène de l’accroissement du célibat, allant de la présence accrue des femmes sur le marché du travail à l’apparition des nouvelles technologies 2 . Quoi qu’il en soit, la popularité des sites de rencontre et des films romantiques démontre que notre quête visant à dénicher l’âme soeur ainsi que notre besoin universel d’amour sont toujours bien présents, en dépit de ces tristes données !

 

Mais pourquoi sommes-nous tellement accros à l’amour ? Allons voir ce qui se passe du côté de notre biologie lorsqu’on « tombe » en amour.

 

Les trois étapes de la rencontre amoureuse

Selon Dre Helen Fisher, l’amour romantique peut être catégorisé en trois étapes 3.Chacune de ces étapes est gouvernée par ses propres hormones et neurotransmetteurs, et elles sont associées à différents circuits biologiques interreliés qui se renforcent les uns les autres4.

 

  1. Le désir est motivé par la poursuite de la gratification sexuelle et influencé par le besoin évolutif de procréer afin d’assurer la survie de l’espèce.

Durant cette phase, l’hypothalamus joue un rôle important en stimulant la production des hormones sexuelles testostérone et estrogènes, autant chez les hommes que chez les femmes. Même si la testostérone est l’hormone communément associée à la libido, les femmes affirment souvent ressentir l’envie de faire l’amour au moment de l’ovulation alors que le taux d’estrogènes est à son apogée.

 

  1. L’attraction ressemble en plusieurs points au désir, mais consiste en un phénomène un peu plus profond. Idéalement, on éprouve du désir pour la personne qui suscite notre attraction, mais les deux scénarios peuvent aussi survenir de façon indépendante.

Cette phase implique la partie du cerveau responsable du système de « récompense » et est dominée par la dopamine ainsi que par les hormones de stress norépinéphrine et cortisol 5. La dopamine est produite lorsque nous sommes engagés dans une activité qui nous fait sentir bien comme passer du temps en compagnie de personnes qu’on aime ou faire l’amour. Plusieurs drogues et certains comportements qui créent une accoutumance comme la recherche de nouvelles expériences, la consommation de pornographie, etc. génèrent aussi la production de dopamine6. C’est la sécrétion accrue de ce puissant neurotransmetteur qui est en grande partie responsable du sentiment d’euphorie qui accompagne les débuts de relations.

La norépinéphrine – aussi appelée « noradrénaline»–est un puissant stimulant responsable de la réaction de « lutte ou de fuite » associée au stress. Pas étonnant alors qu’on ressente des « papillons » lorsqu’on est en présence de l’élu de notre  attraction! C’est cette hormone qui provoque le sentiment d’intensité et d’acuité sensorielle qu’on ressent au début d’une relation lorsqu’aucun détail ne passe inaperçu et que la seule vue de la photo de notre amoureux suffit à faire battre notre coeur.

Souvent considérée comme le neurotransmetteur du bonheur, la sérotonine est aussi affectée durant la phase d’attraction. Paradoxalement, son taux est habituellement réduit en raison de la sécrétion accrue de cortisol. Des taux inférieurs de sérotonine sont rencontrés notamment chez les personnes souffrant de troubles anxieux et bipolaires et pourraient expliquer l’anxiété parfois ressentie en début de relation.

 

  1. L’attachement est le sentiment dominant durant les relations à long terme de toutes sortes, incluant l’amitié et les relations parent-enfant. D’un point de vue évolutif, la phase d’attachement est importante, car elle permet d’économiser temps et énergie en concentrant notre attention sur un partenaire et de rester ensemble pour élever les enfants 7.

 

Les hormones dominantes durant l’attachement sont l’ocytocine et la vasopressine. L’ocytocine, aussi produite par l’hypothalamus, est parfois appelée « hormone du câlin », car elle est déclenchée notamment par les contacts physiques, durant l’orgasme, l’accouchement et l’allaitement. L’ocytocine réduit l’anxiété et la peur, induit un sentiment de calme et de sécurité, favorise la confiance et le rapprochement entre les individus 8. La vasopressine est pour sa part relâchée tout de suite après l’orgasme et même si ses effets sur le cerveau humain sont moins bien établis que ceux de l’ocytocine, on lui attribue généralement la monogamie 9.

 

Lorsque nous sommes privés de notre « drogue », plusieurs symptômes apparentés à ceux du retrait de substances chimiques vont apparaître, et nous souffrirons de déception amoureuse pouvant aller jusqu’au stress post-traumatique.

 

L’amour est une drogue !

Lorsque nous rencontrons une personne qui suscite notre intérêt, notre cerveau déclenche la production de neurotransmetteurs qui activent une réponse de stress via nos glandes surrénales, provoquant un sentiment d’euphorie et d’exaltation dont l’effet serait comparable à celui de la cocaïne10.

Il est en effet démontré que l’amour et la cocaïne modulent les taux de norépinéphrine, de dopamine et de sérotonine dans notre cerveau et que la stimulation exercée par la dopamine sur notre système de récompense nous motive à vouloir répéter cette sensation agréable. Cet effet d’addiction explique en grande partie que malgré les déceptions rencontrées, nous soyons encore et toujours à la recherche de l’amour !

 

L’amour est aveugle

Selon une étude, l’intervalle de temps requis pour décider si nous éprouvons de l’intérêt envers une personne varie entre 90 secondes et 4 minutes11. Qui plus est, nous sommes ensuite soumis à l’action euphorisante d’un cocktail d’hormones et de neurotransmetteurs produit par le sentiment amoureux qui désactive de surcroît la voie neuronale associée à des sentiments tels que la peur et le jugement social. Durant cette période, nous sommes incapables d’évaluer les situations et les personnes – incluant l’élu(e) de notre coeur – de façon critique12.

 

Ça passe ou ça casse…

Une fois la phase d’attirance passée, on commence à voir le partenaire tel qu’il est, et le réveil est parfois brutal. Si nous n’arrivons pas à concilier la réalité avec notre version idéalisée de la relation, que nous ne comprenons pas le processus d’évolution qui s’opère au sein du couple ou si nous succombons à l’attrait de la nouveauté et de la recherche du partenaire « parfait » facilité par les nouvelles technologies, la rupture amoureuse risque de survenir.

Lorsque nous sommes privés de notre « drogue », plusieurs symptômes apparentés à ceux du retrait de substances chimiques vont apparaître, et nous souffrirons de déception amoureuse pouvant aller jusqu’au stress post-traumatique13.

 

L’amour romantique peut-il perdurer ?

Malgré les sentiments positifs associés à l’amour, le bombardement d’hormones et de neurotransmetteurs auquel notre organisme est soumis durant le début de la relation amoureuse constitue en réalité un stress insoutenable à long terme. Si la relation amoureuse perdure, elle doit donc inévitablement se métamorphoser.

À l’intérieur d’un an ou deux, les taux de cortisol et de sérotonine tendent à revenir à la normale, et nous passons généralement de l’amour passionné à l’amour empreint de compassion. À ce stade, l’amour éprouvé est souvent plus profond, mais le désir et le besoin de contact constant avec l’autre peuvent être moins présents.

Pourtant, une étude effectuée en 2011 a comparé le cerveau de couples mariés depuis en moyenne 21 ans à celui de nouveaux couples et elle a démontré la même intensité d’activité dans la zone cérébrale associée à la récompense. Il est donc possible que l’excitation et la romance des débuts perdurent même lorsque l’appréhension se perd14.

Dans son livre à succès, L’effet lune de miel, le biologiste Bruce Lipton affirme pour sa part que le sentiment associé et éprouvé durant la période qu’on qualifie de « lune de miel » est en fait une création personnelle que nous avons le pouvoir de recréer à tous moments.

 

Conclusion

Malgré toutes nos fantaisies romantiques entourant ce sentiment, la science nous affirme que ce que nous appelons « l’amour » se résumerait en fait à une espèce de trappe instaurée par la nature dans le but d’assurer la survie de l’espèce, un impératif biologique contre lequel nous sommes quasi impuissants.

S’il est vrai que la science fournit une partie de l’explication, il y en aura toujours une autre, beaucoup plus subtile qui lui échappera. On peut connaître les éléments chimiques qui entrent dans la composition d’un coucher de soleil ou les notes impliquées dans une symphonie, mais ce sont leur interprétation grâce à notre expérience humaine qui en révèle toute leur splendeur.

 

RÉFÉRENCES

1. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1047686/recensement-2016-familles-celibatairesmenages-etat-matrimonial

2. https://www.psychologytoday.com/blog/tech-support/201305/doomed-be-single-5reasonsmillennials-worry

3. http://sitn.hms.harvard.edu/flash/2017/love-actually-science-behind-lust-attraction-companionship/

4. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4911849/

5. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4911849/

6. https://selfhacked.com/blog/ways-to-increase-and-decrease-dopamine/

7. http://www.helenfisher.com/downloads/articles/13JourCompNeur.pdf

8. http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_04/i_04_m/i_04_m_des/i_04_m_des.html

9. http://neuro.hms.harvard.edu/harvard-mahoney-neuroscience-institute/brainnewsletter/and-brain-series/love-and-brain

10. https://www.psychologytoday.com/blog/the-joint-adventures-well-educatedcouples/201208/falling-in-love-is-smoking-crack-cocaine

11. http://sciencemag.vasantvalley.org/the-science-of-love/

12. http://neuro.hms.harvard.edu/harvard-mahoney-neuroscience-institute/brainnewsletter/and-brain-series/love-and-brain

13. www.salon.com/2015/02/14/love_is_like_cocaine_the_remarkable_terrifying_neuroscience_of_romance/

14. http://neuro.hms.harvard.edu/harvard-mahoney-neuroscience-institute/brainnewsletter/and-brain-series/love-and-brai