Publié le 7 février 2022
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
En dépit de sa mauvaise réputation, l’inflammation fait partie intégrante de notre système immunitaire, et son activation sert à nous protéger en cas d’agressions. Cependant, c’est lorsqu’elle s’installe en permanence que l’inflammation devient problématique et qu’elle est associée à toute une gamme de maladies chroniques. L’impact des estrogènes sur la cascade inflammatoire demeure un paradoxe : ils exercent à la fois un rôle anti-inflammatoire et pro-inflammatoire, en fonction de différents critères. Tentons d’y voir un peu plus clair.
Inflammation et maladies chroniques
Bien que l’inflammation soit souvent associée à la douleur et perçue comme quelque chose d’indésirable, elle fait partie de la réponse immunitaire du corps. Il s’agit d’un système remarquablement puissant et hautement adaptatif dont le rôle est de nous protéger contre les infections et de réparer les tissus endommagés. Malgré son rôle crucial dans la protection de notre organisme, la réponse inflammatoire peut également être inappropriée, conduisant à un large éventail de maladies chroniques telles que l’asthme, les maladies inflammatoires de l’intestin, la polyarthrite rhumatoïde, et bien d’autres. Elle contribue aussi largement aux causes de décès les plus communes, y compris les maladies cardiovasculaires, le cancer et la maladie pulmonaire obstructive chronique[1].
L’inflammation est régie par le système immunitaire, mais elle est influencée par plusieurs facteurs, dont le taux d’estrogènes[2]. La composition du microbiome – c’est-à-dire l’amalgame de microbes et de leurs gènes qui colonisent le corps humain – exerce aussi un impact important sur le processus inflammatoire et l’équilibre hormonal[3].
Le rôle complexe des estrogènes dans l’inflammation
Le rôle physiologique des estrogènes sur le système reproducteur est bien connu, mais on sait maintenant que ces hormones sont toutes aussi cruciales pour le système cardiovasculaire, le métabolisme osseux, le système cognitif et j’en passe[4] ! Quant à la fonction immunomodulatrice des estrogènes, elle continue de faire l’objet d’un important paradoxe. D’un côté, le fait que la réponse inflammatoire à l’infection et à la septicémie ainsi que le taux de maladies auto-immunes soient nettement plus élevés chez les femmes que chez les hommes révèle que les estrogènes influencent les processus immunitaires et inflammatoires[5].
L’effet anti-inflammatoire des estrogènes peut également être observé grâce aux variations des maladies inflammatoires au cours du cycle menstruel, de la grossesse et durant la ménopause[6]. D’autre part, les estrogènes peuvent exercer un effet pro-inflammatoire dans certaines maladies auto-immunes[7].
La compréhension du rôle complexe des estrogènes dans le processus inflammatoire est alambiquée en raison de l’interdépendance de divers systèmes combinée aux différents effets produits par les estrogènes en fonction de plusieurs variables, telles que l’état physiologique de l’organisme, la composition corporelle et dans le cas de traitement hormonal substitutif, le moment du traitement estrogénique, le type et le dosage utilisés, etc.[8].
La disponibilité d’autres hormones dont la progestérone – qui exerce un effet antagoniste sur les estrogènes – et les multiples voies de signalisation sont autant de facteurs importants qui affectent l’impact des estrogènes sur l’inflammation.
Ce qui ressort, en fait, de mes nombreuses lectures sur cette thématique et de mon expérience clinique, c’est que les estrogènes exercent généralement une action bimodale : leur carence génère de l’inflammation, tout comme leur excès. Il est donc vraiment important de trouver le juste milieu et d’équilibrer nos hormones pour pouvoir moduler l’inflammation.
L’impact des xénœstrogènes
La démonstration de l’omniprésence dans l’organisme vivant de polluants environnementaux aux propriétés perturbatrices endocriniennes et collectivement connues sous le nom de « xénœstrogènes » mérite également notre attention. Des substances telles que la 2,3,7,8 – tétrachlorodibenzodioxine (TCDD) et d’autres dioxines comme le dichlorodiphényldichloroéthylène (DDE) et les biphényles polychlorés (BPC) auxquelles nous sommes exposées s’accumulent dans nos tissus adipeux et ont la capacité de moduler les voies de signalisation normalement réservées aux estrogènes[9].
Conséquemment, les xénœstrogènes perturbent l’action de nos hormones en fonction de la dose et des tissus concernés[10].
Malheureusement, l’impact réel des xénœstrogènes sur l’inflammation n’est pas encore bien documenté. Cependant, des études récentes nous fournissent des indices intéressants. Par exemple, un groupe de chercheurs portugais a étudié la contribution des xénœstrogènes à l’inflammation et au risque cardiométabolique parmi une cohorte de femmes préménopausées présentant un surpoids. Les chercheurs ont conclu que le fardeau de xénœstrogènes des sujets – plutôt que leur surpoids en soi – était le principal contributeur à leur excès d’inflammation et à leur risque cardiovasculaire[11].
Le sujet des xénœstrogènes nécessite encore beaucoup de recherches, mais le consensus parmi les scientifiques basé sur le principe de précaution[A] est qu’il serait sage de limiter notre exposition à ces substances[12]. On peut aussi favoriser leur excrétion via une détoxification ciblée.
Conclusion
L’inflammation est le dénominateur commun parmi les maladies chroniques et dégénératives les plus répandues. Une bonne stratégie préventive visant à réduire l’inflammation associée aux maladies chroniques doit inclure l’atteinte d’un équilibre hormonal. Pour ce faire, il convient de tester adéquatement le taux d’hormones (le taux sanguin ne représente qu’environ 5 %), de corriger les carences ou en cas d’excès relatif par rapport à la progestérone, de soutenir le métabolisme et l’excrétion adéquate des estrogènes et des xénœstrogènes.
On y parvient grâce à des modifications alimentaires et au style de vie ainsi qu’à l’ajout de certains suppléments nutritionnels ciblés dont je vous ferai part dans le cadre d’une prochaine chronique.
RÉFÉRENCES :
[A] Selon l’ Association canadienne du droit de l’environnement : «Le principe de précaution dénote l’obligation de prévenir les préjudices, lorsqu’il est en notre pouvoir de le faire, même lorsque toutes les preuves ne sont pas disponibles.»
[1] Instituts de recherche en santé du Canada. Inflammation dans les maladies chroniques. http://www.cihr-irsc.gc.ca/e/43625.html
[2] Le rôle complexe des œstrogènes dans l’inflammation. Straub RH. Endocr 2007 Août;28(5):521-74. Epub 19 juillet 2007. Examen. PMID : 17640948 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17640948?report=abstract
[3] Les maladies inflammatoires et le microbiome humain. Proal AD, Albert PJ, Marshall TG. Discov 2014 Mai;17(95):257-65. Examen. PMID : 24882717 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24882717?report=abstract
[4] Rosário Monteiro, Diana Teixeira, et Conceição Calhau, « Estrogen Signaling in Metabolic Inflammation », Mediators of Inflammation, vol. 2014, article ID 615917, 20 pages, 2014. doi:10.1155/2014/615917 https://www.hindawi.com/journals/mi/2014/615917/
[5] Rosário Monteiro, Diana Teixeira, et Conceição Calhau, « Estrogen Signaling in Metabolic Inflammation », Mediators of Inflammation, vol. 2014, article ID 615917, 20 pages, 2014. doi:10.1155/2014/615917 https://www.hindawi.com/journals/mi/2014/615917/
[6] E.M. Sternberg, « Neuroendocrine regulation of autoimmune/inflammatory disease », Journal of Endocrinology, vol. 169, no. 3, pp. 429-435, 2001.
[7] Le rôle complexe des œstrogènes dans l’inflammation. Straub RH. Endocr 2007 Août;28(5):521-74. Epub 19 juillet 2007. Examen. PMID : 17640948 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17640948?report=abstract
[8] Rosário Monteiro, Diana Teixeira, et Conceição Calhau, « Estrogen Signaling in Metabolic Inflammation », Mediators of Inflammation, vol. 2014, article ID 615917, 20 pages, 2014. doi:10.1155/2014/615917 https://www.hindawi.com/journals/mi/2014/615917/
[9] Le juge Reinhold HUTZ, Reproduction Perturbation endocrinienne par les xénobiotiques environnementaux qui modulent la voie de signalisation des œstrogènes, en particulier Tétrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD) Journal of Reproduction and Development, Vol. 45, No. 1, 1999 https://www.jstage.jst.go.jp/article/jrd/45/1/45_1_1/_pdf
[10] Rosário Monteiro, Diana Teixeira, et Conceição Calhau, « Estrogen Signaling in Metabolic Inflammation », Mediators of Inflammation, vol. 2014, article ID 615917, 20 pages, 2014. doi:10.1155/2014/615917 https://www.hindawi.com/journals/mi/2014/615917/
[11] Teixeira, Diana et tous. Les xénoestrogènes environnementaux contribuent à l’inflammation et au risque cardiométabolique pendant l’obésité dans les femmes préménopausées. Faits sur l’obésité. 8. 116. (2015).
[12] Diamanti-Kandarakis E, Bourguignon J-P, Giudice LC, et autres produits chimiques perturbateurs endocriniens: Une déclaration scientifique de société endocrinienne. Avis endocriniens. 2009;30(4):293-342. doi:10.1210/er.2009-0002. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2726844/