La connexion hormones-insomnie

Publié le 1 juillet 2024
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

La connexion hormones-insomnie

Il est bien connu et je constate souvent en pratique clinique que les déséquilibres hormonaux tels que ceux associés à la ménopause peuvent entraîner l’insomnie. Inversement, le manque de sommeil se répercute inévitablement sur nos hormones stéroïdiennes (estrogènes et progestérone) et sur les symptômes qu’on leur attribue. Quel est le lien entre les hormones et le sommeil ? Quels autres facteurs nous affectent et surtout, que peut-on faire pour rétablir l’équilibre et retrouver une qualité de vie ?

 

Montagnes russes et cercle vicieux

L’insomnie fait référence à la difficulté de s’endormir ou de rester endormi[i]. Il s’agit d’une situation expérimentée par plusieurs femmes à la suite de changements hormonaux, y compris ceux qui surviennent durant la période entourant la puberté et la ménopause[ii]. Selon une étude publiée dans Journal of Midlife Health (2022), l’incidence des troubles du sommeil varie de 16 à 47 % en périménopause et de 35 à 60 % après la ménopause[iii].

Durant cette étape de notre vie reproductive, nous assistons à la diminution de certaines hormones, notamment les estrogènes et la progestérone. Il peut donc exister une connexion entre la diminution de ces hormones et les troubles du sommeil, car en tant que messagers chimiques, les estrogènes[iv] et la progestérone[v] interagissent étroitement avec les neurotransmetteurs qui influencent notre humeur et notre sommeil tels que la sérotonine, la mélatonine et le GABA. L’insomnie peut aussi être causée par des conséquences secondaires telles que les bouffées de chaleur et le syndrome des jambes sans repos[vi]. Une étude de 2021 a révélé que les bouffées de chaleur affectaient 42 % des participantes et près de la moitié ont éprouvé des symptômes d’insomnie[vii].

Cependant, la fluctuation des hormones stéroïdiennes n’est certainement pas responsable de tous les troubles qui surviennent au mitan de la vie. Par exemple, une étude démontre qu’un meilleur taux d’estrogènes endogènes est associé à une meilleure qualité de sommeil, mais pas nécessairement à une meilleure humeur[viii]. D’autres facteurs sont donc potentiellement impliqués et, selon mon expérience clinique, le plus important est le stress et l’impact du cortisol qui en découle.

 

Le rôle négligé du cortisol

Le cortisol est une autre hormone stéroïdienne fabriquée par nos surrénales à partir du cholestérol[ix]. Bien que surtout connu comme hormone du stress, le cortisol occupe de nombreuses fonctions essentielles dans le corps, telles la régulation du métabolisme, la réponse inflammatoire et la fonction immunitaire[x]. En temps normal, le pic de libération de cortisol se produit généralement le matin et son taux diminue au cours de la journée pour être progressivement remplacé par la mélatonine le soir. Cette courbe du cortisol peut être anormale dans certains troubles du sommeil et de l’humeur[xi]. Si le taux de cortisol est élevé le soir en raison d’un stress chronique, cet état d’hypervigilance peut empêcher la libération de la mélatonine et, par conséquent, affecter le sommeil[xii].

 

Et la mélatonine ?

La mélatonine joue un rôle majeur dans le rythme circadien et son action nous aide à dormir la nuit. Cependant, la relation entre la mélatonine et la ménopause n’est pas claire. Les niveaux de mélatonine diminuent en vieillissant avant la ménopause, mais augmentent à nouveau au fil des ans[xiii]. Dans certaines études, les niveaux de mélatonine des femmes ménopausées souffrant d’insomnie étaient inférieurs à ceux des femmes préménopausées[xiv].

 

L’impact de certains médicaments

Les somnifères et les antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont parfois prescrits pour traiter l’insomnie et réduire la fréquence des bouffées de chaleur. Cependant, ceux-ci peuvent avoir des effets secondaires graves. L’insomnie peut également survenir en tant qu’effet secondaire des ISRS. Parmi les autres médicaments pouvant provoquer l’insomnie, notons les statines et les corticostéroïdes[xv].

 

Recommandations

  • Évitez la caféine, la nicotine et l’alcool.
  • Gardez votre chambre au frais (entre 15,6 et 19,4 °C)[xvi].
  • Évitez d’utiliser un téléphone intelligent en soirée[xvii].
  • Adoptez une alimentation réduite en glucides[xviii], élevée en protéines (1 g par kg de poids corporel et en phytoestrogènes (graines de lin, soya biologique, etc.).
  • Pratiquez une activité physique régulière.
  • Adhérez à des programmes ou à des techniques de gestion du stress comme l’hypnose.
    • Une étude de 2019 note qu’il existe des preuves que l’hypnose peut réduire de moitié la fréquence et la gravité des bouffées de chaleur[xix].
  • Adoptez certains suppléments nutritionnels ciblés.
    • Mélatonine : Selon une revue publiée dans Neurological Research (2017), la mélatonine constitue un traitement alternatif aux somnifères tout en présentant beaucoup moins d’effets secondaires[xx].
    • Complexe de vitamines B bioactives : Selon le numéro de février 2016 de la revue Nutrients, une carence en vitamine B6 a été notamment associée aux perturbations du sommeil et aux troubles émotionnels[xxi].
  • Incorporez l’aromathérapie pour réduire les bouffées de chaleur et favoriser le sommeil.
    • Un essai clinique a démontré qu’après 12 semaines d’inhalation d’huile essentielle de lavande, les participantes avaient 50 % moins de bouffées de chaleur[xxii].

 

Conclusion

Bien qu’il puisse être tentant d’opter pour une thérapie d’hormonothérapie substitutive (HTS) ou la prise de somnifères ou d’antidépresseurs lorsqu’on souffre d’insomnie et de déséquilibre hormonal, on doit savoir que ces approches comportent des risques et ne font souvent que masquer les symptômes. De nombreux facteurs affectent le sommeil, y compris le niveau de stress, le mode de vie, l’alimentation, la santé mentale et certains médicaments. Il vaut certainement la peine de faire le tour de la question avec une naturopathe agréée compétente afin d’évaluer les moyens naturels éprouvés et sécuritaires pour rétablir l’équilibre hormonal et réduire la perturbation du sommeil.

 

RÉFÉRENCES:

[i] C.M. Morin, C.L. Drake, A.G. Harvey, et al., « Insomnia disorder », Nature Reviews Disease Primers, 1, 2015, p. 15026.

[ii] Morssinkhof MWL, van Wylick DW, Priester-Vink S, van der Werf YD, den Heijer M, van den Heuvel OA, Broekman BFP. Associations between sex hormones, sleep problems and depression: A systematic review. Neurosci Biobehav Rev. 2020 Nov;118:669-680. doi: 10.1016/j.neubiorev.2020.08.006. Epub 2020 Aug 31. PMID: 32882313.

[iii] Tandon VR, Sharma S, Mahajan A, Mahajan A, Tandon A. Menopause and Sleep Disorders. J Midlife Health. 2022 Jan-Mar;13(1):26-33. doi: 10.4103/jmh.jmh_18_22. Epub 2022 May 2. PMID: 35707298; PMCID: PMC9190958.

[iv] Amin Z, Canli T, Epperson CN. Effect of estrogen-serotonin interactions on mood and cognition. Behav Cogn Neurosci Rev. 2005 Mar;4(1):43-58. doi: 10.1177/1534582305277152. PMID: 15886402.

[v] Kaura V, Ingram CD, Gartside SE, Young AH, Judge SJ. The progesterone metabolite allopregnanolone potentiates GABA(A) receptor-mediated inhibition of 5-HT neuronal activity. Eur Neuropsychopharmacol. 2007 Jan 15;17(2):108-15. doi: 10.1016/j.euroneuro.2006.02.006. Epub 2006 Mar 6. PMID: 16574382.

[vi] Morssinkhof MWL, van Wylick DW, Priester-Vink S, van der Werf YD, den Heijer M, van den Heuvel OA, Broekman BFP. Associations between sex hormones, sleep problems and depression: A systematic review. Neurosci Biobehav Rev. 2020 Nov;118:669-680. doi: 10.1016/j.neubiorev.2020.08.006. Epub 2020 Aug 31. PMID: 32882313.

[vii] Hachul H, Castro LS, Bezerra AG, Pires GN, Poyares D, Andersen ML, Bittencourt LR, Tufik S. Hot flashes, insomnia, and the reproductive stages: a cross-sectional observation of women from the EPISONO study. J Clin Sleep Med. 2021 Nov 1;17(11):2257-2267. doi: 10.5664/jcsm.9432. PMID: 34170233; PMCID: PMC8636363.

[viii] Morssinkhof MWL, van Wylick DW, Priester-Vink S, van der Werf YD, den Heijer M, van den Heuvel OA, Broekman BFP. Associations between sex hormones, sleep problems and depression: A systematic review. Neurosci Biobehav Rev. 2020 Nov;118:669-680. doi: 10.1016/j.neubiorev.2020.08.006. Epub 2020 Aug 31. PMID: 32882313.

[ix] Thau L, Gandhi J, Sharma S. Physiology, Cortisol. 2023 Aug 28. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2024 Jan–. PMID: 30855827.

[xi] Terán-Pérez G, Arana-Lechuga Y, Esqueda-León E, Santana-Miranda R, Rojas-Zamorano JÁ, Velázquez Moctezuma J. Steroid hormones and sleep regulation. Mini Rev Med Chem. 2012 Oct;12(11):1040-8. doi: 10.2174/138955712802762167. PMID: 23092405.

[xii] Nicolaides NC, Vgontzas AN, Kritikou I, Chrousos G. HPA Axis and Sleep. 2020 Nov 24. In: Feingold KR, Anawalt B, Blackman MR, Boyce A, Chrousos G, Corpas E, de Herder WW, Dhatariya K, Dungan K, Hofland J, Kalra S, Kaltsas G, Kapoor N, Koch C, Kopp P, Korbonits M, Kovacs CS, Kuohung W, Laferrère B, Levy M, McGee EA, McLachlan R, New M, Purnell J, Sahay R, Shah AS, Singer F, Sperling MA, Stratakis CA, Trence DL, Wilson DP, editors. Endotext [Internet]. South Dartmouth (MA): MDText.com, Inc.; 2000–. PMID: 25905298.

[xiii] Lee J, Han Y, Cho HH, Kim MR. Sleep Disorders and Menopause. J Menopausal Med. 2019 Aug;25(2):83-87. doi: 10.6118/jmm.19192. Epub 2019 Aug 5. Erratum in: J Menopausal Med. 2019 Dec;25(3):172. PMID: 31497577; PMCID: PMC6718648.

[xiv] Lee J, Han Y, Cho HH, Kim MR. Sleep Disorders and Menopause. J Menopausal Med. 2019 Aug;25(2):83-87. doi: 10.6118/jmm.19192. Epub 2019 Aug 5. Erratum in: J Menopausal Med. 2019 Dec;25(3):172. PMID: 31497577; PMCID: PMC6718648.

[xv] 10 Common Medications That Can Affect Sleep. AARP https://www.aarp.org/health/drugs-supplements/info-04-2013/medications-that-can-cause-insomnia.html

[xvi] https://www.thensf.org/sleep-tips/

[xvii] Christensen MA, Bettencourt L, Kaye L, Moturu ST, Nguyen KT, Olgin JE, Pletcher MJ, Marcus GM. Direct Measurements of Smartphone Screen-Time: Relationships with Demographics and Sleep. PLoS One. 2016 Nov 9;11(11):e0165331. doi: 10.1371/journal.pone.0165331. PMID: 27829040; PMCID: PMC5102460.

[xviii] https://www.health.harvard.edu/blog/menopause-and-insomnia-could-a-low-gi-diet-help-2020011718710

[xix] Johnson A, Roberts L, Elkins G. Complementary and Alternative Medicine for Menopause. J Evid Based Integr Med. 2019 Jan-Dec;24:2515690X19829380. doi: 10.1177/2515690X19829380. PMID: 30868921; PMCID: PMC6419242.

[xx] Xie Z, Chen F, Li WA, Geng X, Li C, Meng X, Feng Y, Liu W, Yu F. Un examen des troubles du sommeil et de la mélatonine. Neurol Res. 2017 Jun;39(6):559-565. doi: 10.1080/01616412.2017.1315864. EPUB 2017 Mai 1. PMID : 28460563. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28460563/

[xxi] Kennedy DO. Les vitamines B et le cerveau: mécanismes, dose et efficacité – Une revue. Nutriments. 2016;8( 2):68. Publié le 27 janvier 2016. doi:10.3390/nu8020068 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4772032/

[xxii] Chien LW, Cheng SL, Liu CF. The effect of lavender aromatherapy on autonomic nervous system in midlife women with insomnia. Evid Based Complement Alternat Med. 2012;2012:740813. doi: 10.1155/2012/740813. Epub 2011 Aug 18. PMID: 21869900; PMCID: PMC3159017.