Publié le 8 janvier 2019
Écrit par Sylvie Rousseau, nd.a.
La popularité croissante des régimes cétogènes n’est plus un secret pour personne. Encore connue sous le nom de Low Carb High Fat (LCHF) diet, celle-ci est un régime thérapeutique qui consiste à manger très peu de glucides (sucres, fruits, pommes de terre, pain, pâtes, riz…) et beaucoup de gras de bonne qualité. Un peu décoiffant, non ?
Pourtant, ce régime a longtemps été utilisé pour traiter l’épilepsie dans les années vingt et aujourd’hui, on le propose comme une panacée pour traiter le diabète de type 2 et le surpoids, par exemple. De plus, on l’étudie à titre expérimental pour son potentiel thérapeutique dans les cas d’Alzheimer et de cancer.
La diète cétogène, c’est quoi ?
En fait, il s’agit d’un régime alimentaire stratégique conçu pour faciliter la production endogène des corps cétoniques dans un processus qu’on appelle la bêta-oxydation, selon lequel trois principaux métabolites sont produits. Les deux premiers, soit l’acétylacétate et le B-hydroxybutyrate, servent de source d’énergie pour le cœur et le cerveau et le troisième, l’acétone, est un produit dérivé de l’acétylacétate.
Ces métabolites sont produits lorsque le foie dégrade les lipides au moment où le corps ne dispose plus suffisamment de réserves de glucose. Ils sont produits par cétogenèse dans les mitochondries des hépatocytes (cellules du foie) et ensuite transportés dans toutes les cellules du corps par le sang. Les cellules les reconvertiront par la suite grâce au cycle de Krebs pour produire de l’énergie. L’apparition des corps cétoniques se fait lors du jeûne prolongé ou lors de la diète cétogène. Les corps cétoniques peuvent fournir jusqu’à 50 % des besoins énergétiques de tout l’organisme et 70 % des besoins du cerveau.
Les macronutriments se répartissent ainsi : 70 à 75 % de bons gras retrouvés dans les avocats, les olives et l’huile d’olive, par exemple, mais aussi dans les huiles polyinsaturées, monoinsaturées et dans celles à chaîne moyenne venant des noix, des graines et du gras de coco ; 20 à 25 % de protéines venant surtout de poissons riches en oméga-3, d’œufs et de bétail nourri à l’herbe (paléo) et 5 à 10 % de glucides venant surtout de légumes verts non féculents, d’un peu de petits fruits et de légumineuses.
Comparativement, l’alimentation américaine standard qui nous a été inculquée depuis les années soixante-dix fournit probablement 15 % de protéines, 35 % de gras et 50 % de glucides venant en grande partie des féculents. C’est donc un changement dans la teneur en macronutriments qui fait que les graisses sont le principal carburant.
Les propriétés thérapeutiques
On a observé que les corps cétoniques agissent comme des molécules de signalisation, un peu comme les hormones, et influencent les gènes. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives sur le potentiel de cette diète sur la santé. Par exemple, ils auraient un effet sur la ghréline et la leptine, soit les hormones qui contrôlent l’appétit. Cela permet aux personnes d’éprouver une moindre sensation de faim.
Il a aussi été montré que cette diète pouvait être bénéfique pour la gestion du diabète et des risques cardiovasculaires. En diminuant l’ingestion de glucides, le taux de glucose hépatique est abaissé et la glycémie se contrôle plus facilement. Les besoins en glucides sont diminués et la sensibilité à l’insuline est améliorée.
Les sportifs l’utilisent de plus en plus, car le métabolisme des graisses produit moins de stress oxydatif et permet une meilleure performance, une meilleure récupération et une réduction du vieillissement cellulaire. En effet, l’exercice crée naturellement un stress inflammatoire et de l’oxydation dans le corps, alors que le régime cétogène contrôle ces réactions.
L’histoire de la diète cétogène
Au dix-neuvième siècle, un médecin français, le Dr Guillaume Guelpa, introduit un régime alimentaire mimant les effets du jeûne pour traiter diverses maladies. Il publie le livre La guérison du diabète détaillant le régime et ses effets à la suite des résultats étonnants sur cette maladie. Le Dr Auguste Marie, psychiatre et médecin hygiéniste, s’intéresse alors aux travaux du Dr Guelpa et utilise son approche pour traiter des épileptiques à Villejuif, en banlieue de Paris, où il a des résultats encourageants.
De 1910 à 1920, le jeûne thérapeutique de Dr Guelpa et de Dr Marie s’étend à d’autres hôpitaux où on traite l’épilepsie. On observe une amélioration tant que les patients restent sur ce régime. Les études démontrent alors qu’une diète riche en graisses produit le même genre de cétose que lors du jeûne et l’américain Russell Wilder, un médecin à la clinique Mayo, aux États-Unis, est le premier à formuler, en 1921, l’hypothèse qu’un régime riche en graisses favorise la cétose, ayant les mêmes effets que le régime du DrGuelpa.
Cette diète très populaire à l’époque tombe dans l’oubli avec la Seconde Guerre mondiale. Depuis une dizaine d’années, elle connaît un nouvel essor avec les nombreuses applications qu’on lui découvre notamment pour le diabète et les maladies neurodégénératives.
Fait intéressant, le monde occidental n’a rien inventé. En effet, l’alimentation cétogène est l’alimentation traditionnelle de divers peuples natifs, dont les Inuits. En effet, ceux-ci se nourrissent d’aliments crus venant de la chasse et de la pêche, dont la graisse d’ours, de rennes et de baleines. Également, les Massaïs, soit des éleveurs et guerriers semi-nomades de l’Afrique de l’Est, se nourrissent de laitages et de sang de bovins depuis la nuit des temps.
La céto-adaptation
Après deux jours de cette diète, les niveaux de cétones dans le sang s’élèvent déjà, mais les cellules peuvent mettre plusieurs semaines à se restructurer et à changer le mécanisme métabolique en cause pour arriver à oxyder les corps cétoniques et les acides gras. Trois à quatre semaines peuvent être nécessaires pour s’adapter entièrement et plus encore pour que les mitochondries soient complètement adaptées. Souvent, les sportifs mentionnent qu’après six mois ou un an, le corps est encore en train de s’adapter et ils en ressentent les bienfaits supplémentaires. On note dans les tests sanguins une baisse de triglycérides et une hausse du HDL (bon cholestérol). L’hémoglobine glyquée, la protéine C-réactive et le rapport HDL/triglycérides (des marqueurs du syndrome métabolique) en sont améliorés, la glycémie et l’insuline à jeun aussi.
Aujourd’hui, on utilise beaucoup les triglycérides à chaîne moyenne que l’on retrouve surtout dans le gras de coco pour augmenter l’efficacité de cette diète. Ils sont métabolisés très différemment des acides gras à chaîne longue. En effet, ils ne sont pas stockés, mais plutôt convertis en corps cétoniques très rapidement.
Le suivi thérapeutique
Il existe quelques tests médicaux qui aident à déterminer si votre corps est en état de cétose. Cependant, l’analyse sanguine est le meilleur marqueur pour vérifier si le processus d’adaptation a été atteint, soit le taux de bêta-hydroxybutyrate (BHB) qui doit être de 0,5 à 3,0 millimolaire (mmol/L). Le test de bio-impédance, de son côté, est un bon outil pour évaluer si la masse de graisse diminue.
Il faut savoir que certaines contre-indications existent pour cette diète et que celle-ci n’a pas été adoptée d’emblée par la médecine conventionnelle pour plusieurs raisons, dont un manque d’études à grande échelle, une certaine inquiétude de créer des déficiences nutritionnelles et un manque de connaissances sur le mécanisme enclenché.
Toutefois, je croirais que ce type de diète peut s’avérer sécuritaire pour des objectifs précis et dans un délai défini comme sur une période de six mois, par exemple. Il existe différents peuples et cultures qui peuvent rester pendant de longues périodes de temps sur une diète cétogène sans effets secondaires. Il est tout de même recommandé d’être encadré par un professionnel de la santé pour se lancer dans une telle démarche.
RÉFÉRENCES
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Silverman, Robert Dr. Intermittent fasting on the ketogenic diet, Intermittent fasting on the ketogenic diet blog, juillet 2018.