Publié le 20 avril 2023
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott
Saviez-vous que la sauce soya a été inventée en Chine il y a environ 2 000 ans ? Sous l’influence de moines bouddhistes, elle s’est par la suite propagée en Corée et au Japon. On en produirait environ 2,6 milliards de bouteilles par an. Chez nous, il s’agit d’un des condiments les plus populaires, avec le ketchup et la mayonnaise.
Son implantation en Amérique du Nord suit deux parcours fort différents. Lors d’une foire commerciale, tenue à Chicago en 1959, on remet des échantillons aux visiteurs, ce qui crée une certaine demande pour un produit consommé par des communautés immigrantes. De manière à remplir les attentes des consommateurs américains pour un produit de plus en plus populaire, un fabricant nippon commence ses opérations au Wisconsin en 1973, bien qu’une autre manufacture ait été créée à Hawaï par des immigrants japonais en 1906. Aujourd’hui, les États-Unis seraient le plus grand importateur mondial de ce produit alimentaire.
Il est faux de croire que notre engouement pour la sauce soya suit un parcours identique à celui de nos voisins du Sud. Certaines sources affirment que ce produit aurait été amené dès la conquête anglaise et que des bouteilles auraient déjà été mises en vente à Québec dès 1770. Selon SoyInfo Center, le 8 janvier 1831 a marqué le début officiel de la vente de cette importation au Canada. Toutefois, c’est à Toronto, en 1947, qu’aurait commencé une production locale : l’entreprise China Lilly souhaitait offrir une denrée alimentaire capable de trouver des acheteurs en dehors de la communauté chinoise. Vers la fin des années 1950, Vincent Harrison voulait faire connaître des produits asiatiques, qu’il a commercialisés au Québec sous une marque déposée, composée des initiales de son nom, VH.
Si les modes de préparation de la sauce soya varient d’un pays à l’autre, deux dénominateurs communs demeurent, soit la patience et la qualité des ingrédients. On emploie des fèves de soya (celles produites au Canada ont une très bonne réputation), du sel de mer et une céréale, comme le blé, le riz ou le maïs. Il est aussi impératif d’utiliser une eau de bonne qualité, ce qui amène certains fabricants à se relocaliser dans les coins de planète les moins pollués.
Dans un premier temps, la fève de soya est lavée, puis cuite à la vapeur, afin de la ramollir. Après quoi, on ajoute une céréale et une levure, appelée « koji » (Aspergillus sojae ou Aspegillus oryzae), qui enclencheront le processus de fermentation. Par la suite, le tout sera mélangé à du sel de mer et de l’eau, puis versé dans des jarres d’argile, de faïence, de bois ou d’acier, dans les cas d’une production industrielle.
La durée de fermentation minimale varie de 4 à 6 mois, alors que les produits de qualité supérieure auront muri pendant une période pouvant aller de 18 à 24 mois. Le mélange obtient alors sa coloration foncée. La masse fermentée sera placée dans des cadres rectangulaires, avant d’être soumise au pressoir (ou à un pressoir hydraulique) pendant une période pouvant varier de deux à trois jours. On laissera le liquide décanter, afin de récupérer l’huile, qui servira, entre autres, à l’entretien de l’équipement. Les restes solides (qui n’ont rien à voir avec la pâte miso) serviront à la fabrication de moulée. Les cristaux se formant dans les bassins de fermentation seront vendus à prix d’or, compte tenu de leur rareté.
On distingue deux grands types de sauces, soit une variété dite « claire », plus salée et moins opaque et qui doit décanter pendant une semaine avant d’être embouteillée, l’autre dite « épaisse », qui doit décanter pendant une période d’un mois avant d’ajouter du caramel pour la mise en bouteille. La sauce claire sert habituellement de trempette ou de parfum à un plat, alors que la sauce épaisse est employée dans les plats mijotés.
Plusieurs pays asiatiques produisent de la sauce soya à des fins d’exportation, notamment le Vietnam, l’Indonésie, les Philippines et la Thaïlande. Contrairement à ce qui a déjà été dit, celle faite au Vietnam n’est pas nécessairement libre de gluten, bien qu’il soit vrai qu’elle possède un goût moins envahissant que celles chinoises. Les sauces sans gluten du Vietnam se rapprochent néanmoins des sauces coréennes et de celles du Japon nommées sous l’appellation de « tamari ». En lisant bien les étiquettes, on constatera que certaines sauces ne contiennent pas de céréales, ce qui est idéal pour les personnes ayant une intolérance au gluten. Au Japon, elles portent le nom de « tamari », et ne doivent pas être confondues avec le tamarin liquide, produit par pression d’un fruit tropical.
Il est recommandé de bien choisir la sauce soya qui sera appelée à prendre sa place dans le garde-manger. Comme on en utilise de petites quantités, le prix « imbattable » de certaines marques ne devrait pas être le seul critère de sélection. En effet, les sauces en provenance de la Chine continentale utilisent souvent des acides (chlorhydriques) et autres produits chimiques qui, en trois jours, transforment les ingrédients de base en un produit prêt à être exporté. Celles embouteillées au Japon, en Corée et à Taïwan respectent davantage les modes ancestraux de fabrication, mais on doit, malgré tout, rester vigilant.
Autre mise en garde : les produits à faible teneur en sodium compensent la quantité moindre de sel par des additifs chimiques. De plus, le choix de la bonne sauce doit aussi prendre en compte le fait que certains fabricants incorporent toutes sortes d’ingrédients, dont des épices, de l’alcool, du GMS, de l’aspartame, du sucre, etc. D’autres entreprises parfument également leur produit avec des algues, des anchois, des champignons, etc.
S’il y a un terme qu’il faut mémoriser, c’est celui d’« umami », universellement accepté, qui fait référence à l’arôme, à la saveur ou au goût distinctif d’une sauce soya. Acheter un produit avec la distinction de qualité garantie est important. Comme une bouteille risque de durer plusieurs mois et que celle n’ayant pas été ouverte dure indéfiniment, il est conseillé de ne pas lésiner sur la qualité.