La forêt qui soigne et qui soignera toujours

Publié le 16 novembre 2019
Écrit par Anny SCHNEIDER, Auteure et herboriste-thérapeute accréditée

La forêt qui soigne et qui soignera toujours

La précieuse forêt, symbole du cercle éternel de la vie, est un rappel constant que nous ne faisons qu’un et que nous faisons tous partie du grand cycle éternel des vivants. -THOMAS KIMBY, sage abénakis.

 

L’automne québécois en forêt et ses multiples couleurs chaudes, le parfum de l’humus mêlé à celui des petits fruits, la douceur mélancolique ressentie lors des ballades dans les bois… et bien plus encore.

 

Ne nous en privons pas, car c’est une thérapie complète et kinesthésique très accessible, à proximité, à pied, en vélo, en auto ou en autobus, un peu partout dans cette province.

La sylvothérapie est une approche thérapeutique vieille comme l’humanité, puisque la forêt était notre habitat et milieu naturel durant presque un demi-million d’années, et nous y replonger nous reconnecte certes avec nos racines ancestrales de nomades cueilleurs-chasseurs bien cryptées dans notre ADN.

Mais, bien au-delà de la subsistance, ce sont les multiples attributs de la forêt dans toute sa beauté et sa complexité qui nous charment et nous guérissent de nos démesures d’homo sapiens modernes surstimulés.

Depuis la Grèce et la Rome antiques, ceux qui en avaient les moyens quittaient, l’été surtout, les plaines surchauffées et les miasmes de la cité pour se rafraîchir et se régénérer le sang et les poumons dans les forêts montagneuses. Au XIXe siècle, les tuberculeux de toute l’Europe, et même des Inuits, venaient se faire soigner les poumons dans les sanas partout en Occident. En Europe, les meilleurs sanatoriums se situent encore dans les montagnes. Ma propre maman, alors neurasthénique, a fait plusieurs séjours dans les sanas de Vosges.

Les plus prisés sont ceux des forêts de conifères, qui dispensent à l’année leurs huiles essentielles grâce aux molécules de l’air.

 

Principaux atouts de la forêt

  • Le silence : l’absence de bruits stridents est un luxe dans nos régions surpeuplées, même si elles sont sans commune mesure avec les cités asiatiques, européennes et sud-américaines. Grâce à notre géographie, à notre histoire et au froid si durable, avec le luxe des grands espaces, le calme est un des attraits de notre grand pays encore semi-désert, surtout au nord.
  • La présence d’oxygène, d’eau, de molécules aromatiques issus des arbres, des fleurs, des fruits, et même de l’humus en décomposition, ravive nos nerfs olfactifs et réjouit autant les sens que le moral.
  • Les ions négatifs, particulièrement abondants près des ruisseaux clairs des forêts de feuillus, sont très bénéfiques.
  • L’absence de particules toxiques : en forêt, on trouve le plus faible taux de partie par million de monoxyde de carbone, de SO2 et de métaux lourds en suspension, entre autres.
  • La fraîcheur : le réchauffement climatique est désormais indéniable, et la planète continue à se réchauffer. La présence d’arbres plutôt que l’asphalte ou le béton peut faire diminuer de 2 à 4 degrés Celsius la température ambiante. Par 34 degrés Celsius, ou 40 avec le facteur humidex, rien de plus agréable qu’une promenade en forêt… encore mieux accompagnée d’une saucette dans une rivière ou dans un étang limpide !
  • Toute cette beauté qui est non mesurable : l’éclosion suave des minuscules mitchellas, les geais bleus qui se font la cour ou dévorent des sorbiers, une maman biche et son petit de passage furtif, des monarques sur les asclépiades, des loutres qui jouent dans un ruisseau clair, le chant et le mouvement symphonique du vent dans les grands trembles, la pluie de faînes du hêtre à nos pieds, la force altière d’un grand pin tricentenaire… Tant et plus encore à déguster, à dire, à décrire…
  • Le bien-être psychologique : bien sûr, l’agrément d’un séjour prolongé dans la forêt est relié à la détente qu’apportent le décrochage du quotidien, l’émerveillement, le silence et le repos. Mais, pour approfondir la thérapie et encore mieux se connecter sur l’esprit de la forêt, et par l’entremise de l’arbre messager, intermédiaire entre la terre et le ciel, il existe plusieurs exercices simples comme les suivants.

Lors de la promenade, il faut d’abord être silencieux, puis marcher pieds nus dans la forêt. L’expérience tourne ensuite à la séance d’étreinte avec les arbres. Serrer l’arbre et essayer de sentir au maximum sa présence, sa force folle et son assurance majestueuse. Respirer profondément et rythmiquement, des talons au sommet de la tête en passant par le cœur. Capter ses messages, ressentir, demander, remercier…

 

Un peu comme le décrit cet extrait de poème :

Je le touchais avec mes doigts, avec mes mains

Je le sentais bouger jusqu’au fond de la terre

D’après un mouvement énorme et surhumain (..)

Alors j’étais mêlé à sa belle vie ample

Je me sentais puissant comme un de ses rameaux

Il se plantait, dans sa splendeur, comme un exemple

J’aimais plus ardemment le sol, les bois, les eaux.

-ÉMILE VERHAEREN, L’arbre

 

Apartés scientifiques en lien avec la santé par la forêt

Après des études concluantes effectuées par l’Université de médecine de Chiba au Japon, plusieurs médecins et thérapeutes de cette grande île si peuplée prescrivent régulièrement le shinrin-yoku, littéralement « bain de forêt » à leurs patients épuisés, dépressifs ou affectés par d’autres maladies nerveuses ou pulmonaires. En à peine quelques jours, leur baisse du niveau de cortisol est tangible et mesurable.

 

Chimie et santé atmosphérique

Il y a quelques mois, j’ai assisté à cette conférence au titre très parlant : « Les milieux boisés contribuent de façon significative à la santé humaine », présentée par le Dr Reeves, auteur et cardiologue.

En voici les points saillants : l’être humain contient autant d’eau que d’oxygène, soit autour de 65 %. Près de 90 % de notre énergie vient de l’oxygène contenu dans l’air, et seulement 10 % des boissons et des aliments !

Ce sont les globules rouges qui irriguent nos 100 m2 de poumons, qui sont de véritables réservoirs mouvants à oxygène, et nos globules rouges sont très comparables à la chlorophylle des plantes (avec un noyau de fer plutôt qu’un de magnésium).

Ils sont très précieux pour notre santé, car chacun de nos 5 millions de globules rouges par millimètre cube transporte 1 milliard de molécules d’oxygène !

Si sublimes nature et corps humain, quand on en prend soin !

Cependant, en un demi-millénaire, le taux d’oxygène ambiant est passé de 30 % à 21 %, et à encore moins dans les villes, évidemment. Le Dr Reeves et d’autres spécialistes affirment que la pollution et le manque d’oxygène sont les principales causes des maladies cardiovasculaires et pulmonaires. Feu mon papa, Antoine, décédé d’un arrêt cardiorespiratoire durant la grande canicule de 2003 en France, de même que 20 000 aînés en un mois, en fut un tragique exemple.

Le transport, la réfrigération, la climatisation, la déforestation et les animaux à chair, bovins et cochons en tête, sont les principales causes de la raréfaction de l’oxygène.

Les pires pollueurs au monde sont les États-Unis, le Canada, la Russie et la Chine.

En revanche, quels sont les meilleurs pourvoyeurs d’oxygène ? Le plancton marin et les arbres, les feuillus surtout. Les deux, hélas, ont été détruits à 50 % en moins de 200 ans.

 

Conclusion

Plus que jamais, promenons-nous dans les bois plus souvent, protégeons les forêts qui restent, et plantons ou faisons planter plus d’arbres partout !

 

Autre extrait poétique dans le thème :

Au plus profond des bois la patrie a son cœur

Un peuple sans forêt est un peuple qui meurt.

C’est pourquoi tous ici, lorsqu’un arbre succombe,

Jurons d’en planter un autre sur sa tombe.

Puissent nos enfants voir, aux saisons futures,

Des chênes et des pins les robustes ramures

Onduler sur la plaine

et moutonner dans l’air,

Pareils aux flots mouvants et féconds de la mer.

-ANDRÉ THEURIET, Amis des arbres

 

RÉFÉRENCES

LEBŒUF, Michel. Paroles d’un bouleau jaune, Éditions MultiMondes, 2018.

REEVES, François. Planète cœur, Éditions MultiMondes, 2011.

REEVES, François. Arbres en lumière, Éditions MultiMondes, 2017.

BOISTARD, Stéphane. Sylvothérapie, Éditions du Terran, 2018, 254 pages.

PLAISANCE, Georges. Forêt et santé, réédition de ce bijou paru il y a 50 ans, Éditions Dangles, décembre 2017, 534 pages.

THOREAU, Henry David. Walden ou la vie dans les bois (paru en 1854), édition française en 1922, 371 pages.

BOUCHARDON, Patrice. L’énergie des arbres, Courrier du livre, 1999.

SCHNEIDER, Anny. Arbres et arbustes thérapeutiques, Éditions de l’homme, 2002, 379 pages.