La mélatonine, bien au-delà du sommeil !

Publié le 14 juin 2021
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

La mélatonine, bien au-delà du sommeil !

Les suppléments de mélatonine ont déjà conquis plusieurs personnes aux prises avec l’insomnie, ainsi que les grands voyageurs devant s’adapter aux différents fuseaux horaires. Mais saviez-vous que les bienfaits de la mélatonine s’étendent bien au-delà de son rôle de régulation du sommeil et des rythmes circadiens ? Partons à la découverte de cette précieuse hormone dotée de nombreuses propriétés et voyons comment nous pouvons les optimiser. 

Mélatonine 101

La 5 méthoxy-N-acétyltryptamine de son nom chimique, la mélatonine constitue la principale hormone sécrétée par l’épiphyse, une petite glande de forme conique mesurant de 6 à 10 mm de long, située dans notre cerveau. L’épiphyse – qu’on nomme aussi glande pinéale –- est constituée de pinéalocytes, des cellules sécrétrices chargées de synthétiser la mélatonine à partir de l’acide aminé tryptophane. La synthèse et la sécrétion de mélatonine sont renforcées par l’obscurité et inhibées par la lumière. En effet, l’information lumineuse perçue par nos yeux est transmise de la rétine à l’épiphyse. En temps normal, la sécrétion de mélatonine débute peu après le coucher du soleil, atteint son pic au milieu de la nuit (entre 2 et 4 heures du matin) et diminue progressivement pendant la seconde moitié de la nuit. La mélatonine agit de manière directe et elle interagit aussi avec les récepteurs à mélatonine (MT1 et MT2) présents dans presque tous les tissus périphériques, ainsi qu’au sein du système nerveux central (SNC).

Effets physiologiques

Le rôle de la mélatonine est de réguler les rythmes circadiens tels que le cycle veille-sommeil, les rythmes neuroendocriniens qui sécrètent différentes hormones et les cycles de température corporelle. La mélatonine est également impliquée dans la régulation de la pression artérielle, du système immunitaire et de diverses fonctions physiologiques telles que les fonctions rétiniennes, sans oublier son importante action antioxydante. 

Perturbations du rythme circadien

Que ce soit lors de voyages, de l’arrivée d’un nouveau-né ou parce qu’on travaille sur des horaires en rotation, nous avons presque tous déjà expérimenté les malaises associés à la perturbation passagère de notre rythme circadien. Lorsqu’elles se prolongent dans le temps, ces perturbations peuvent toutefois engendrer de sérieuses conséquences sur notre santé et notre espérance de vie. Un horaire qui perturbe notre rythme circadien peut accroître notre risque de souffrir de diverses maladies, y compris la dépression, l’obésité, le diabète et le cancer(1). Le travail par quarts a d’ailleurs été qualifié en tant que cancérogène probable pour l’homme (Groupe 2A) par le Centre international de recherche sur le cancer(2). D’importantes études arrivent aussi à des résultats troublants. Par exemple, l’étude danoise menée auprès de 18 500 femmes entre 1964 et 1999 a révélé que celles qui travaillaient de nuit voyaient leur risque de développer un cancer du sein augmenté de 40 %(3). La perturbation du rythme circadien n’est donc pas un facteur à prendre à la légère, notamment en raison de son impact négatif sur la production de mélatonine. De plus, on a tendance à délaisser les bonnes habitudes de vie lorsqu’on se sent toujours fatigué, et notre risque d’accidents et de blessures augmente.

Troubles du sommeil

On ne peut pas parler de mélatonine sans parler de troubles du sommeil, car il s’agit de son application la plus populaire sous forme de suppléments. Il faut dire que c’est tout à fait compréhensible, puisque, selon Statistique Canada, 43 % des hommes et 55 % des femmes éprouvent de la difficulté à s’endormir ou à rester endormis toute la nuit(4). Conséquemment, environ 12 % des Canadiens avaient recours aux sédatifs d’ordonnance en 2017, et les femmes en consommaient le double des hommes, soit 14 % versus 7 % des usagers(5). Malheureusement, ces médicaments comportent de nombreux effets secondaires. Selon une estimation, les hypnotiques pourraient avoir causé entre 320 000 à 507 000 morts en excès aux États-Unis en 2010 seulement(6). En comparaison, les décès liés à la COVID-19 seraient de l’ordre de 540 000. Il importe donc d’avoir accès à des solutions efficaces et sécuritaires pour améliorer le sommeil telles que la mélatonine. 

Un antioxydant sous-estimé

La mélatonine est un puissant antioxydant qui peut activer directement le système antioxydant intracellulaire ou agir comme un piégeur de radicaux libres endogènes (produits par notre corps). Lorsque la mélatonine est administrée, l’expression d’enzymes antioxydantes telles que la superoxyde dismutase et la glutathion peroxydase, est augmentée(7). 

L’action antioxydante de la mélatonine lui confère notamment des propriétés neuroprotectrices particulièrement intéressantes du fait qu’elle présente l’avantage de traverser la barrière hématoencéphalique d’où elle peut protéger notre cerveau contre les effets dommageables du stress oxydant produit par les radicaux libres. En plus de son action neuroprotectrice, la mélatonine agit également comme molécule anti-excitotoxique et anti-inflammatoire au sein des neurones(8). Par exemple, nous savons que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (MA) présentent habituellement un taux inférieur de mélatonine(9). Des études ont donc été réalisées au sein de cette population pour valider les bienfaits d’un supplément de mélatonine à libération graduelle associé au traitement standard consistant en un inhibiteur de l’acétylcholinestérase, avec ou sans traitement par mémantine. Il a été démontré que la mélatonine représentait un moyen efficace et sûr d’améliorer le fonctionnement cognitif et le maintien du sommeil chez les patients atteints de MA légère à modérée (10).

Alliée du système immunitaire et contre la COVID-19 ?

Compte tenu de ses propriétés antioxydantes, immunomodulatrices, anti-inflammatoires et neuroprotectrices combinées à son action sur le sommeil et les rythmes circadiens, la mélatonine pourrait-elle représenter une alliée de choix dans la lutte contre le virus SARS-CoV2 et la COVID-19 ? C’est la question à laquelle une équipe de chercheurs de l’Université de Toronto a répondu dans leur étude publiée dans la prestigieuse revue Diseases. En un mot, ils concluent que la mélatonine constitue un puissant « médicament » pouvant être utilisé dans le traitement des patients atteints de COVID-19 afin de réduire les complications associées à cette maladie(11).

Optimiser la production de mélatonine

Quelques stratégies simples permettent d’augmenter la production de mélatonine :

  1. Consommez des aliments protéinés, riches en tryptophane tels que les noix, les graines et les légumineuses(12). 
  2. Adoptez l’utilisation d’un complexe de vitamines B biodisponibles riche en vitamine B6 sous forme de phosphate de pyridoxal. Elle participe à la transformation du tryptophane en mélatonine.
  3. Gérez votre stress. Le cortisol, une hormone libérée sous l’action du stress, antagonise la mélatonine.
  4. Éteignez tous les écrans cathodiques dès 20 h 30. La lumière bleue qu’ils émettent interfère avec la production de mélatonine.
  5. Au besoin, optez pour un supplément de mélatonine. La mélatonine à libération graduelle permet de rétablir le cycle normal de sommeil-éveil du corps, d’améliorer la qualité du sommeil et le fonctionnement diurne(13).

La mélatonine serait-elle la nouvelle panacée ? Je crois que nous commençons à peine à en découvrir tous les bienfaits ! Il n’existe évidemment pas de potions magiques lorsqu’il est question de santé, mais la mélatonine est très certainement un supplément à découvrir et, pour plusieurs, à adopter !

RÉFÉRENCES

(1) https://www.popsci.com/your-schedule-could-be-killing-you/

(2) IARC Monographs Programme finds cancer hazards associated with shiftwork, painting and firefighting ». CIRC 2007. Communiqué nº180 https://publications.iarc.fr/Book-And-Report-Series/Iarc-Monographs-On-The-Identification-Of-Carcinogenic-Hazards-To-Humans/Painting-Firefighting-And-Shiftwork-2010

(3) https://healthland.time.com/2012/05/29/working-the-night-shift-may-boost-breast-cancer-risk/

(4) https://www.journaldequebec.com/2017/10/13/les-quebecois-sendorment-aux-pilules

(5) https://www.ccsa.ca/sedatives-canadian-drug-summary

(6) https://www.lapresse.ca/sciences/201202/27/01-4500334-des-somniferes-associes-a-un-risque-plus-eleve-de-deces.php

(7) Lee JG, Woo YS, Park SW, Seog DH, Seo MK, Bahk WM. The Neuroprotective Effects of Melatonin: Possible Role in the Pathophysiology of Neuropsychiatric Disease [published correction appears in Brain Sci. 2019 Nov 25;9(12):]. Brain Sci. 2019;9(10):285. Published 2019 Oct 21. doi:10.3390/brainsci9100285

(8) Lee JG, Woo YS, Park SW, Seog DH, Seo MK, Bahk WM. The Neuroprotective Effects of Melatonin: Possible Role in the Pathophysiology of Neuropsychiatric Disease [published correction appears in Brain Sci. 2019 Nov 25;9(12):]. Brain Sci. 2019;9(10):285. Published 2019 Oct 21. doi:10.3390/brainsci9100285

(9) Ozcankaya R., Delibas N. Malondialdehyde, superoxide dismutase, melatonin, iron, copper, and zinc blood concentrations in patients with Alzheimer disease: Cross-sectional study. Croat. Med. J. 2002;43:28–32.

(10) Wade AG, Farmer M, Harari G, et al. Add-on prolonged-release melatonin for cognitive function and sleep in mild to moderate Alzheimer’s disease: a 6-month, randomized, placebo-controlled, multicenter trial. Clin Interv Aging. 2014;9:947-961. Published 2014 Jun 18. doi:10.2147/CIA.S65625

(11) Cardinali DP, Brown GM, Pandi-Perumal SR. Can Melatonin Be a Potential “Silver Bullet” in Treating COVID-19 Patients? Diseases. 2020; 8(4):44. https://doi.org/10.3390/diseases8040044 

(12) Tan D.X., Manchester L.C., Sanchez-Barcelo E., Mediavilla M.D., Reiter R.J. Significance of high levels of endogenous melatonin in Mammalian cerebrospinal fluid and in the central nervous system. Curr. Neuropharmacol. 2010;8:162–167. doi: 10.2174/157015910792246182.

(13) Lemoine P, Zisapel N. Prolonged-release formulation of melatonin (Circadin) for the treatment of insomnia. Expert Opin Pharmacother. 2012;13(6):895–905.