La naturopathie

Publié le 15 octobre 2018
Écrit par Lise Shaussé

La naturopathie
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La naturopathie n’est pas une mode, une forme de contestation ou une tradition folklorique.

 

Comme nous le verrons, les personnalités qui ont contribué à ce qu’est devenue la naturopathie, par leurs recherches et leur pratique, sont en majorité médecins. L’histoire de la naturopathie, c’est l’histoire de la médecine jusqu’au XVIIIe siècle, à l’époque où la discipline commence à se scinder en deux : la médecine conventionnelle (moderne ou d’État) et la médecine traditionnelle (alternative, complémentaire ou parallèle).

La naturopathie est une médecine douce (non invasive), dont les origines remontent au début de l’humanité. L’être humain s’est toujours soigné à l’aide de plantes, d’argile, d’eau, d’aliments et de jeûnes. Les thérapies naturelles sont donc ses premiers moyens de guérison, et elles ont joué un rôle important dans l’histoire médicale. L’évolution de la naturopathie a connu bien des rebondissements, et il est important de les comprendre.

Au fil du temps, les premières connaissances empiriques ont formé des ensembles thérapeutiques : l’Ayurveda en Inde, la médecine traditionnelle chinoise en Orient et la médecine sumérienne en Mésopotamie, par exemple. En Grèce, la médecine traditionnelle occidentale a atteint son apogée grâce à Hippocrate au IVe siècle avant notre ère. Plus tard, au 1er siècle de notre ère, Dioscoride a établi dans son Materia Medica une première classification de plus de 600 herbes et végétaux à usage médicinal, qui fera autorité jusqu’au XVIIe siècle. Au Moyen-âge, Avicenne (980-1037), sur-nommé le Prince des médecins, a transcrit les dogmes de la médecine arabe (qui fait place aux herbes, aux plantes et aux manipulations). Ses écrits seront diffusés dans les universités européennes jusqu’au XVIIe siècle.

La naturopathie se diffuse à l’extérieur de l’Europe du IXème siècle jusqu’à la fin du XIIIème, et la médecine hippocratique sous-tend encore une grande partie des fondements de la naturopathie actuelle. D’ailleurs, la médecine d’État se réclame toujours d’Hippocrate : il est l’auteur du fameux « serment » que prêtent les médecins aujourd’hui.

Ainsi, on considère généralement que la naturopathie occidentale trouve son origine dans la Grèce antique, mais il faut attendre 1895 pour que le terme devienne officiel.

Ce terme est apparu aux États-Unis. S’appuyant sur les travaux de l’Allemand Sebastian Kneipp, John H. Scheel et John H. Tilden baptisent la profession de naturopathe. C’est effectivement en 1895 qu’ils créent le vocable « naturopathy », qui vient compléter la notion d’« hygiénisme » déjà répandue à l’époque. Le terme vient de l’anglais nature’s path et signifie « la voie de la nature ». C’est le Dr Benedict Lust, d’origine allemande, qui enregistrera le terme sept ans plus tard.

C’est donc dans cette mouvance que le Dr Lust, médecin, ostéopathe et chiropraticien, établit officiellement la profession de naturopathe aux États-Unis. Il faut dire que dans les années 1890, il s’était guéri de la tuberculose grâce à la « cure thermale » de Kneipp en Allemagne, avant de retourner à New York en 1896. En 1902, il inaugure donc la première école de naturopathie au monde : on y enseigne l’hydrologie, l’herboristerie, la nutrition, la physiothérapie, la physiologie, la psychologie et bien d’autres techniques thérapeutiques. Dans la demande d’enregistrement de « naturopathy », il décrit une pratique clinique qui intègre des méthodes de guérison naturelles et la relation thérapeutique axée sur le mode de vie. Cette pratique s’institutionnalise, et on l’enseigne depuis dans les universités de médecine américaines au même titre que l’ostéopathie et l’homéopathie. En 1927, on compte déjà 12 écoles de naturopathie au sud de notre frontière. La naturopathie obtient un franc succès devant plusieurs maladies. Par contre, dans les années 1940, en raison de l’apparition des vaccins et des antibiotiques, et de la mort de son principal promoteur, le Dr Lust, la profession de naturopathe va se désorganiser.

Heureusement, à la même époque, de l’autre côté de l’océan, le Français Pierre-Valentin Marchesseau, biologiste et fondateur de la naturopathie moderne en France, rapporte des États-Unis le terme de « naturopathie » et ses fondements. Dans son école parisienne, la Faculté Libre de France, il forme plusieurs générations de pionniers de l’hygiénisme et de la naturopathie. C’est ainsi que s’amorce le mouvement naturopathique en France. Réalisant la synthèse des différentes médecines naturelles, Marches-seau réussit à réorganiser la profession de naturopathe en établissant les conditions du maintien de la santé et de l’équilibre fonctionnel. Il crée son propre cadre d’enseignement qui gagne vite tous les pays latins et le Canada francophone.

Au cours des années 1960, certaines parties de la population française commencent à se lasser de la médecine conventionnelle lorsqu’elles aperçoivent ses limites dans le traitement de plusieurs maladies dégénératives, dont le cancer. Cette constatation va donner un nouvel essor aux pratiques alternatives. En 1967, on assiste à un renouveau de la philosophie hippocratique, que le médecin Paul Carton enseigne à l’époque. C’est l’émergence du mouvement naturiste français, introduit au Québec par quelqu’un que nous connaissons très bien, Jean-Marc Brunet.

En 1983, l’Organisation mondiale de la santé recommande aux autorités de tous les pays d’intégrer la naturopathie dans leur système de santé public. En 1994, c’est à la Bastyr University, une des grandes écoles de naturopathie nord-américaine que le gouvernement des États-Unis accorde un budget de recherche scientifique sur le sida. En 1997, la naturopathie est reconnue comme « médecine non conventionnelle » par le Parlement européen, et classée « médecine traditionnelle », au même titre que les médecines chinoise et indienne par l’OMS, en 2002. La naturopathie est maintenant officiellement reconnue dans de nombreux pays, dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suisse, l’Irlande, la Norvège, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et le Portugal.

Au Canada, c’est le Dr Paul-Émile Chèvrefils qui organise la profession et enseigne la naturopathie au début du XXe siècle. Ses élèves Jean-Marc Brunet (Le Naturiste) et Raymond Barbeau suivront ses traces. De nos jours, les écoles de naturopathie sont très actives au Canada.

En 1955, le gouvernement fédéral reconnaît l’Association canadienne des docteurs en naturopathie (l’ACDN), qui a toujours pour mandat de regrouper les associations provinciales de naturopathes. En 1964, une Commission royale sur les soins de santé publie une étude dont les conclusions amèneront cinq provinces à reconnaître officiellement la naturopathie. À l’époque, on compte quelque 500 naturopathes au Canada, tous formés aux États-Unis.

Quant aux Québécois, ils ont bien accès à plusieurs médecines douces, que l’on appelle approches complémentaires et parallèles en santé, mais aucun cadre réglementaire ne leur accorde une reconnaissance officielle à ce jour.