Publié le 29 février 2024
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott
L’Inde, désormais le pays le plus peuplé de la planète, possède de nombreux secrets ; l’un d’eux est l’existence d’une baie, la groseille indienne, à laquelle on attribue mille et une vertus.
Fiche d’identification
Connu dans le sous-continent indien sous l’appellation d’« amla », ce fruit vert pomme quelque peu transparent est constitué de six sections contenant chacune une semence. On le connaît sous les désignations latines de Phyllantus emblica ou Emblia officinalis ou encore d’amalaka, en sanskrit, langue des écritures sacrées de l’Inde.
Son goût aigre et amer tend à s’amenuiser lorsqu’il atteint la maturité, et on s’accorde généralement à dire qu’il contient 20 fois plus de vitamine C qu’une orange. Durant la Deuxième Guerre mondiale, on distribuait des capsules ou des bonbons à base d’amla aux soldats indiens de manière à prévenir les carences en vitamine C.
Ce fruit, dont le diamètre varie entre 1,5 et 2,5 cm, est récolté entre la mi-septembre et février, et ce, dépendamment de la variété cultivée. Certains livres de cuisine affirment qu’on l’utilise assez peu en gastronomie, ce qui est discutable. On le sert comme chutney, en marinade, voire dans une salade de fruits. Les bouquins considérant la cuisine du nord comme étant représentative de la nation en son entier ne tiennent pas compte des traditions du sud du pays, où l’amla sert entre autres à parfumer des plats de riz ou à donner un goût plus franc à des plats de légumineuses.
Ailleurs dans le monde où existent des communautés issues du sous-continent indien, il est de plus en plus fréquent d’obtenir cette groseille fraîche, de décembre à avril ; elle peut se conserver au frigo pendant une période d’environ deux semaines. Selon les disponibilités, elles sont également vendues au rayon des produits congelés, en fruit confit ou en poudre. (À noter : plusieurs de ces produits sont vendus en ligne, mais à des prix très supérieurs à ceux des commerces ethniques).
On recommande fortement l’amla frais dans des recettes de boissons aromatisées au miel, ou en ajout à un smoothie à la banane, ou encore pour donner un goût particulier à du babeurre. On a même mis au point un cidre dont le goût s’améliore après une période d’un an suivant l’embouteillage.
Cela dit, l’amla est mieux connu comme élément de base d’un fortifiant présent dans toutes les épiceries de la diaspora indienne, que ce soit dans les Émirats arabes unis, en Australie, au Canada ou au Royaume-Uni.
Chyawanprash
Ce produit, à base de cette groseille indienne, est exporté partout dans le monde et est connu sous le nom de « chyawanprash » (ou « chyawanprakash »). Il tient son nom d’un sage, Chyawan, dont la connaissance des plantes a enrichi le répertoire de la médecine traditionnelle dite ayurvédique. On a tenté, au fil des 3 derniers millénaires, de reproduire cette recette secrète, et en ce 21e siècle, les fabricants emploient entre 20 et 80 ingrédients en plus de l’amla, qui constituerait environ 35 % de la masse de ce mélange. Dissous dans le lait chaud (ou de l’eau chaude), ce produit se présente sous une couleur noire assez intense, et le goût acidulé de la groseille est tempéré par l’emploi des nombreux ingrédients, dont le ghee et le miel. On notera que le ghee, ou beurre clarifié, existe depuis plusieurs millénaires, et en retirant les masses solides, on empêche le beurre de devenir rance, ce qui lui assure une durée de vie répartie sur de nombreuses années. Le miel occupe aussi une place importante dans l’ayurveda, qui ne reconnaît pas de frontières étanches entre de simples aliments et des médicaments à proprement parler.
Compte tenu de la popularité grandissante du produit, conséquente à l’explosion démographique depuis l’indépendance de 1947, le gouvernement de l’Inde travaille désormais à la préservation et à la culture de certaines plantes, dont plusieurs sont employées dans le chyawanprash. Huit ingrédients rares manquent désormais à l’appel, soit quatre appartenant à la famille de l’orchidée, trois à la famille du lys et un qui est apparenté au gingembre. De plus, le miel est souvent substitué par du sucre (qu’on estime supérieur à 50 % de la masse du produit) et de plus en plus de consommateurs exigent désormais un produit sans sucre. Dans un article publié en novembre 2022 par le très respecté Times of India, le diabète ferait des ravages dans ce pays considéré comme « capitale mondiale de cette maladie », avec 17 % de tous les cas dans le monde.
Autres utilisations de la groseille indienne
Le groseiller pousse avec succès dans un climat sec en milieu subtropical, et son bois est employé dans la fabrication de meubles, alors que les feuilles servent d’engrais pour la culture de la cardamome. On rappelle que l’Inde est un des plus grands producteurs mondiaux de cette reine des épices, suivi du Sri Lanka, du Guatemala et de la Thaïlande.
L’amla occupe aussi une place importante dans le domaine des soins capillaires, et on lui attribue le pouvoir de faire pousser les cheveux, en plus de leur donner du corps. L’eau dans laquelle ont trempé les groseilles séchées est considérée comme étant salutaire pour l’entretien de la coiffure, alors que les amlas cuits dans l’huile de coco sont censés contribuer à revitaliser la peau.
Conclusion
L’amla est reconnu comme source exceptionnelle de vitamine C ou pour une multitude d’usages, dont le renforcement du système immunitaire. Cependant, une mise en garde demeure. Pris à l’excès, il peut comporter certains effets indésirables. Bien que les évaluations scientifiques de la groseille indienne varient considérablement, la culture de l’arbre qui donne ce fruit s’étend désormais, tant au Moyen-Orient qu’au Sud-Est asiatique, et de plus en plus de peuples sont convaincus que cet aliment est le produit comestible contenant le plus haut taux d’antioxydants.