Publié le 1 septembre 2021
Écrit par Éric Simard, docteur en biologie et chercheur
La rhodiole est une des plantes médicinales les plus connues dans le nord de l’Europe. Elle fait partie d’une famille de plante contenant plus de 200 espèces, dont plus d’une vingtaine sont utilisées en médecine traditionnelle chinoise. Ces plantes proviennent principalement de la ceinture de l’Himalaya, de la Mongolie et de la Chine. Certains empereurs chinois auraient même envoyé des expéditions de serviteurs en Sibérie afin de rapporter la précieuse racine dorée. La plus connue et la mieux documentée scientifiquement est l’espèce Rhodiola rosea, dont je vais vous parler.
Ses usages les plus documentés sont pour l’apport énergétique, comme tonic, comme antidépresseur ou comme anti-inflammatoire. Il s’agit d’une plante riche en polyphénols, dont la salidroside, la rosavine et le tyrosol (que l’on retrouve aussi parmi les polyphénols d’olives) qui font partie des molécules actives. C’est la racine, la racine dorée des empereurs chinois, qui est utilisée. Les molécules uniques que l’on retrouve dans cette racine ne peuvent pas être retrouvées à l’intérieur des fruits et des légumes de consommation. Il s’agit d’un autre exemple qui explique que certains suppléments ont été développés parce que ces molécules bénéfiques, uniques à certaines plantes, ne sont pas disponibles dans d’autres types d’aliments. Aussi, pour des problèmes de santé importants, les suppléments permettent de rendre ces molécules disponibles à la dose nécessaire pour obtenir l’efficacité potentielle.
La championne de la performance
La rhodiole est utilisée depuis très longtemps en Europe et en Asie pour l’augmentation des performances physiques et cognitives. Ses effets stimulants sur le cerveau permettent à la fois une amélioration des capacités de concentration et de vigueur intellectuelle, en plus de la réduction de la fatigue et des symptômes dépressifs. Il est vrai que le fait de se sentir plein d’énergie, c’est bon pour le moral et ça aide à être positif.
Déjà en 2011, une revue systématique des études cliniques réalisées relevait 11 études cliniques de qualité modérée à élevée. Cette revue systématique, considérant toute l’information scientifique de qualité publiée, concluait sur la base des données probantes à l’efficacité pour : (1) la performance physique, (2) la performance mentale et (3) l’amélioration de certains états d’esprit (principalement la dépression légère à modérée). Depuis, d’autres études scientifiques ont été réalisées pour mieux comprendre les bénéfices des extraits de qualité de la rhodiole et approfondir les applications comme antidépresseurs légers. En effet, les extraits de la rhodiole, utilisés au bon dosage, réduisent les symptômes dépressifs de façon moins prononcée que les antidépresseurs chimiques, mais habituellement sans effet secondaire significatif.
Un adaptogène
Il s’agit d’une des plantes considérées comme adaptogène : une substance qui aide à la normalisation des réponses physiologiques au stress, qui augmente les capacités physiques et mentales et augmente la résistance aux effets négatifs du stress. Pour bien comprendre le terme, il s’agit de plantes médicinales dont les multiples bénéfices permettent de mieux s’adapter aux situations exigeantes pour le corps ou l’esprit. Pour l’ensemble de ces facettes, je considère que la rhodiole est la plante médicinale qui cumule les meilleures démonstrations scientifiques. Vous comprendrez tout de suite que des impacts aussi globaux sur le fonctionnement du corps permettent un grand nombre d’usages bénéfiques. Chiang et ses collaborateurs (2015) ont repassé l’ensemble des effets physiologiques documentés par des études en laboratoire, animales ou cliniques pour résumer les effets :
Il faut considérer ces énumérations comme des bénéfices potentiels nombreux, pour lesquels les démonstrations cliniques justifient certaines utilisations. Par exemple, pour la santé cardiovasculaire, le diabète et le syndrome métabolique, il y a d’autres extraits de plantes ou ingrédients naturels qui ont plus de support scientifique et des bénéfices plus significatifs. Même quand il y a un bénéfice santé démontré scientifiquement, cela ne veut pas dire qu’il est cliniquement significatif pour un usage donné et un type de consommateurs. Toutefois, quelqu’un qui utilise de la rhodiole pour augmenter la performance physique ou cognitive, ce qui est très bien démontré scientifiquement, pourrait aussi bénéficier de certains effets positifs sur la santé cardiovasculaire. Il s’agit donc d’une plante ayant un grand nombre de bénéfices potentiels, mais dont les usages recommandés, basés sur les données probantes, devraient être :
Santé intégrative et médicaments
Il est intéressant de souligner que la rhodiole est l’une des rares plantes médicinales ayant fait l’objet de comparaisons directes avec un médicament lors d’une étude clinique de qualité, contrôlée, avec placébo (ce qui est le cas aussi pour la griffe du diable [anti-inflammatoire] et la valériane [anxiolytique]).
Mao et ses collaborateurs l’ont comparée à la sertraline. Bien qu’il s’agisse d’une étude avec peu de patients (N=57), les chercheurs ont conclu que la rhodiole semble moins efficace que la sertraline, mais qu’elle présente beaucoup moins d’effets secondaires rapportés et pourrait donc être une option intéressante à considérer.
Une autre étude, encore plus récente, a comparé l’ajout de la rhodiole toujours à la sertraline en étude clinique randomisée avec placébo (N=100). Gao et ses collaborateurs (2020) ont réalisé cette étude portant sur des cas de dépression majeure en comparant deux doses de la rhodiole toujours avec la sertraline. Ils ont conclu à l’efficacité de la rhodiole ; les résultats en combinaison étant supérieurs et une efficacité plus élevée avec la dose plus élevée de rhodiole. Ils ont conclu que la rhodiole est efficace pour les cas de dépression majeure, plus efficace à plus forte dose et que l’usage est sécuritaire. Il s’agit ici d’un exemple fort intéressant de ce à quoi pourrait ressembler l’application des principes de la santé intégrative. Certains extraits qui démontrent des bénéfices cliniques significatifs, mais moins puissants que les médicaments, pourraient être utilisés en première ligne pour les cas plus légers, ou en concomitance avec les médicaments pour des cas plus lourds pouvant bénéficier de l’effet additif.
Spécifiquement sur ses effets antidépresseurs, soulignons aussi que Amsterdam et ses collaborateurs (2016) relevaient deux études cliniques randomisées avec placébo et sept études cliniques observationnelles (N=860 au total) qui suggéraient l’usage.
Effets neuroprotecteurs et Alzheimer ?
Ce sont les effets stimulants de la rhodiole sur le cerveau qui ont attiré l’attention d’un usage possible pour la maladie d’Alzheimer. Le cerveau est plutôt « étanche » aux molécules qui circulent dans notre sang, et peu de molécules peuvent accéder aux cellules neuronales. Plusieurs études ont documenté des effets neuroprotecteurs de la rhodiole basés sur ses effets antioxydants, anti-inflammatoires et de réduction de la neurotoxicité. Il s’agit donc d’une plante qui pourrait être bénéfique pour la gestion de cette maladie. Des études cliniques sont requises pour confirmer ou infirmer cette possibilité.
Les effets potentiels sur la réduction des risques d’Alzheimer ou de dégénérescence nerveuse de la rhodiole pourraient aussi provenir de ses effets bénéfiques sur la réduction des risques de maladies cardiovasculaires. Rappelons le lien étroit qui existe entre les risques de maladies cardiovasculaires et d’Alzheimer en raison de la fragilité des vaisseaux sanguins du cerveau. Sun et ses collaborateurs (2020) font une revue complète des effets bénéfiques de la rhodiole à ce niveau.
La rhodiole et le vieillissement
Les effets documentés scientifiquement de la rhodiole sur la longévité proviennent d’un grand nombre d’études sur des cellules, la drosophile (mouche à fruit), les nématodes, les rongeurs et des poissons. Ces études ont porté sur la télomérase, la sénescence cellulaire, les effets de l’oxydation, de multiples mécanismes de résistance cellulaire (comme l’autophagie ; le recyclage des cellules) et sur la longévité des organismes.
Bien qu’il s’agisse d’effets sur la longévité et le vieillissement, cela ne veut pas dire que la rhodiole est la meilleure plante pour ces applications. Durant nos travaux de recherche avec l’Université Concordia sur la longévité cellulaire (www.esimard.com), nous avons identifié 21 nouveaux agents gérosuppresseurs provenant de différentes plantes et épices. Bien que la rhodiole ait fait partie des plantes testées, les résultats obtenus n’ont pas été suffisamment élevés pour qu’on la considère parmi les 21 élus.
La rhodiole est une plante considérée comme « antivieillissement » en médecine traditionnelle chinoise et elle est utilisée dans le traitement des maladies associées. Les études récentes soulignent une valeur thérapeutique potentielle pour l’Alzheimer, le parkinson, les maladies cérébro-vasculaires, le diabète et les maladies cardiovasculaires. Zhuang et ses collaborateurs (2019) font une revue complète de ces aspects et des études reliées.
Ainsi, je ne crois pas que la rhodiole devrait être considérée comme une plante « antivieillissement » si nous ne pouvons en identifier d’agents gérosuppresseurs, mais il s’agit d’une plante fort utile dans un contexte de vieillissement pour favoriser la longévité en santé.
Attention à la qualité
Une étude réalisée en Chine (Xin et autres, 2015), portant sur des produits de la médecine traditionnelle chinoise contenant de la rhodiole, a souligné que 60 % des produits évalués n’étaient pas la bonne plante. Il s’agit pourtant d’une des plantes les plus importantes pour la médecine traditionnelle chinoise. Notez que la situation n’est pas différente ailleurs dans le monde, et cela souligne simplement qu’il faut porter attention à la qualité des produits. Le marqueur le plus fiable d’authentification serait la rosavine. Ainsi, les extraits standardisés en rosavine auraient moins de chance d’être contrefaits ou produits à partir d’une mauvaise plante.
Les dosages recommandés
Les dosages recommandés seraient de 100 à 600 mg d’extraits de la racine. Bien sûr, la concentration en molécules actives des extraits disponibles sur le marché ne sera pas toujours la même. La signification du ratio d’extraction, les mentions 4:1 ou 8:1 signifient 4 ou 8 fois plus concentré, respectivement, que la plante originale, mais en quoi, on n’en a aucune idée. Les standardisations, comme la rosavine ou la salidroside, permettent de confirmer la provenance, de réduire les risques d’adultération et de confirmer le niveau de concentration en éléments actifs.
La réglementation canadienne accepte des niveaux relativement faibles d’éléments actifs par rapport aux moyennes des études cliniques publiées, mais les niveaux maximaux respectent les risques usuels. Ainsi, un produit, par exemple, deux fois plus concentré qu’un autre produit sur le marché risque d’être plus près des doses cliniques significatives même si vous ne les connaissez pas par cœur.
Santé Canada recommande de 144 à 680 milligrammes d’extrait, par jour. Ne pas dépasser 200 milligrammes, par dose unique. La standardisation serait de 0,8 à 3 % de salidroside et/ou de 1 à 6 % de rosavine. Il est évident que 200 mg à 1 % de rosavine est très loin de 200 mg à 6 % (6 fois plus concentré). Il ne suffit donc pas d’avoir la plante, il faut tenir compte de la qualité et de la quantité.
Références