La solitude, au centre de l’assiette !

Publié le 15 mai 2017
Écrit par Sylvie Leblanc, n.d.

La solitude, au centre de l’assiette !

Selon la pensée de Carl Jung, « la solitude ne vient pas de l’absence de gens autour de nous, mais de notre incapacité à communiquer les choses qui nous semblent importantes ».

 

La solitude ne représente donc pas nécessairement l’isolement social d’un point de vue physique, mais résulte plutôt de la perception de l’individu de se sentir socialement isolé, de ne pas être en mesure de communiquer ses besoins.

Quoi qu’on en dise, la solitude peut influencer grandement la santé, peut aussi modifier l’alimentation de nombreuses personnes. Bien entendu, différents facteurs peuvent influencer cette solitude, dans l’assiette.

Pour certains, manger seul devient un moment de grande sérénité, un instant de répit et un espace pour se faire plaisir, mais ce n’est malheureusement pas le portrait de la majorité de tous ceux qui mangent en solo.

Même les enfants, bien qu’au sein d’une famille, se retrouvent à manger seuls à table, devant le téléviseur ou leur ordinateur, loin de la convivialité des liens familiaux. C’est monnaie courante, avec le rythme de vie actuel et la course des horaires incessante, d’avoir des moments de repas décloisonnés où la solitude et la relation avec le repas deviennent un acte désincarné de lien.

Il est réaliste de penser que nos habitudes alimentaires changent au cours d’une vie et sont notamment influencées par les saisons ou certains évènements tels une perte d’emploi, un déménagement, une convalescence, un stress intense, un changement du mode familial, etc.

Solitude = moins bonne alimentation

Une grande enquête « EPIC-Norfolk » sur les habitudes de vie de près de 25 000 personnes âgées de 40 à 80 ans dans divers pays d’Europe a permis à des chercheurs britanniques de mettre en avant ce lien de cause à effet. Depuis 1993, ils scrutent l’évolution du régime alimentaire des participants, mais aussi d’autres facteurs liés à l’apparition de maladies chroniques comme le cancer ou le diabète. L’étude révèle que les hommes vivant seuls et les personnes socialement isolées étaient aussi ceux qui avaient le régime alimentaire le moins varié. Est-ce en raison des moyens économiques ? Malheureusement, de plus en plus de personnes retraitées vivent en bas du seuil de la pauvreté, s’ensuit une faible motivation à bien s’alimenter.

D’après un rapport provenant de Francine Trickey, coordonnatrice à la Direction de la santé publique de Montréal-Centre, l’isolement des personnes âgées et leur mauvaise alimentation sont également observés chez nous : « Les liens sociaux ont un effet sur la santé physique et mentale ainsi que sur le taux des hospitalisations. » C’est dire à quel point la solitude et l’âge peuvent être déterminants sur la santé globale.

Une analyse intéressante est celle d’Annalijn Conklin, chercheuse en épidémiologie sociale. Ses travaux se sont portés sur le lien entre les relations sociales des personnes âgées et leur régime alimentaire. Comme une personne âgée de 75 ans et plus sur deux vit seule, les personnes âgées seraient, de fait, les principales concernées. « Dans un esprit un peu plus optimiste, ces résultats suggèrent surtout qu’en renforçant le lien social, on peut améliorer la santé des personnes. » Le meilleur moyen de se faire du bien, c’est de vivre en couple, en famille dans une maison de type intergénérationnelle ou en communauté d’amis. Après 50 ans, les personnes étudiées qui vivaient seules mangeaient en moyenne de 2 à 3 fruits et légumes en moins que les autres. Tout semble d’ailleurs indiquer que le chagrin alourdit le poids des mauvaises habitudes, puisque les veufs et veuves vivant seuls mangeaient de 1 à 3 fruits et légumes en moins que les personnes vivant seules, sans pour autant avoir perdu leur conjoint. À l’inverse, lorsque ces veufs et veuves avaient refait leur vie avec quelqu’un d’autre, ils consommaient autant de produits végétaux que les autres. « Nos résultats soulignent la nécessité d’augmenter le champ des possibilités en matière de relations sociales, lesquelles, entre autres, encouragent un meilleur régime alimentaire », analyse la chercheuse.

Un autre type de solitude au centre de l’assiette est lorsque nous ne voulons plus manger une alimentation altérée ou commercialisée. Êtes-vous la seule ou le seul à la maison à vouloir manger plus sainement ? Ou bien avez-vous des problèmes de santé qui nécessitent des choix particuliers sur le plan alimentaire ? Dans plusieurs cas, nous nous retrouvons seuls dans ce nouveau mode alimentaire, car d’autres membres de la famille ne veulent pas suivre notre cheminement vers la santé.

Est-ce que les enfants sont partis de la maison et vous aviez l’habitude de cuisiner pour plusieurs ? Très souvent, les parents, particulièrement les mamans, qui ont élevé une famille, ont fait passer les goûts de leur famille avant les leurs. Puis, les habitudes alimentaires deviennent routinières, et on oublie ce que l’on aimait ou aurait aimé manger. C’est le moment de revenir à vos goûts en matière de nourriture et de vous faire plaisir !

La solitude sur le plan de l’alimentation peut être un vecteur influençant, et nous nous devons d’être très vigilants par rapport aux troubles alimentaires comme la boulimie, l’anorexie, etc. Selon M.E. Pritchard et K.L. Yalch, auteurs de Relationships among loneliness, interpersonal dependency, and disordered eating in young adults, même lorsqu’ona retrouvé l’équilibre, le fait de se retrouver en solo tout d’un coup peut devenir un facteur contribuant à une rechute, chez des patients en processus de rétablissement pour l’anorexie et la boulimie.

 

QUELQUES PISTES DE STRATÉGIES PROACTIVES

Préparer un repas santé pour une seule personne n’est pas très motivant, pour certains. L’achat de menus commerciaux déjà préparés devient un réflexe pour nombre de célibataires. Lorsque l’on cuisine, la majorité des recettes sont établies en quantité pour une famille, il faut donc avoir des stratégies de mise en portions, si on ne veut pas en manger toute la semaine ou perdre les aliments. Aussi, le congélateur est probablement un des meilleurs atouts pour une personne vivant seule. On évite ainsi de perdre des aliments. Les centres d’économie familiale souhaitent que les personnes à faibles revenus soient munies d’un congélateur, afin de profiter des promotions et de réduire les pertes.

Pourtant, il suffit de peu pour bien manger, même quand on est seul. Le tissu social est important dans sa globalité, tant par rapport à l’alimentation qu’au coût de la vie, au moral, etc.

Suivez des cours d’alimentation saine, prenez part aux cuisines communautaires. Cuisiner est une activité à privilégier entre amis, parce que c’est économique, pratique et agréable ! Une fois les recettes choisies, on partage les dépenses et les tâches !

Soyez multidisciplinaire et optimisez l’utilisation de l’énergie : la vôtre, celle du four ou de toute autre méthode de cuisson et de préparation, le temps et les aliments, afin de vivre plus et manger mieux.

 

Avez-vous remarqué qu’il y a deux grilles dans le four ? Si vous faites cuire des muffins, des galettes ou des biscuits, du pain de viande avec ou sans viande, un poulet, un poisson, un gratin (aubergine, chou-fleur, brocoli), une lasagne végé ou une casserole… surtout, profitez de la deuxième grille pour faire, par exemple :

  • des croustilles de pita un peu sèches ;
  • des croûtons avec du pain un peu rassis ;
  • des chips de chou frisé ou des noix aromatisées grillées ;
  • griller des légumes qui commencent à être un peu « fripés » (betteraves, rutabagas, courges, carottes, chou-fleur, brocoli, etc.), pour en faire de délicieuses et savoureuses salades, potages ou sandwichs, etc. ;
  • cuire de l’ail en bulbe avec un peu d’huile d’olive en papillote.

 

Les fruits un peu vieux sont aussi bons en papillotes, de délicieuses options s’offrent à vous : pommes au four, poires, courges en desserts, pour en faire des compotes, des purées, ou en coupes avec du granola, des noix, du yogourt, etc.

Si vous avez un lopin de terre ou un balcon, jardinez seul ou entre amis ou chez des connaissances, de façon communautaire. C’est bon pour le moral, et vous aurez la satisfaction d’avoir des légumes frais et des herbes fraîches !

D’un point de vue pécuniaire, si vous devez faire attention à vos sous, surtout à la retraite ou lors d’une convalescence, voici quelques éléments qui peuvent être polyvalents et permettre de varier sans rien perdre. La variété est importante, tant pour équilibrer les nutriments que pour motiver l’appétit !

On peut être seul dans une foule, au sein d’une famille, au milieu de centaines d’utilisateurs de services d’un établissement. Mais, soyons solidaires avec nous-mêmes, dans nos cœurs, dans nos pensées, quant à notre santé, notre bien-être et notre assiette. Et, comme je le dis souvent lors de mes rencontres, « partagez votre joie et votre bonheur avec ceux qui vous entourent ! »

Avec le beau temps qui est là, sortez et trouvez toutes sortes d’occasions pour échanger vos recettes, vos plaisirs gustatifs, et retissez des liens, c’est ça, un tissu social sain et en santé, le partage ! Et permettez-moi, en ce mois de mai, de saluer toutes ces femmes, ces mères, ces grands-mamans qui ont cuisiné et cuisinent encore, afin de s’assurer que leur monde soit attablé ensemble. Mesdames, vous méritez de vous faire plaisir et de bien manger. Bonne fête des mamans, et je vous souhaite à toutes de grandes tablées d’amour !