La sténose spinale lombaire

Publié le 27 janvier 2023
Écrit par Nicolas Blanchette, D.O, B. Sc. kinésiologie

La sténose spinale lombaire
Bio-Strath Novembre

Dans l’absence d’explications approfondies, il peut être tout à fait normal de s’inquiéter, voire d’éprouver de la peur, en lisant certains diagnostics médicaux. Celui de « sténose spinale lombaire » peut certainement susciter cette réaction ! C’est bien connu : les gens peuvent craindre ce qu’ils ne comprennent pas, particulièrement quand il est question de l’état physique de leur colonne vertébrale.

Malheureusement, dans un système de santé sous pression qui va toujours de plus en plus vite, rarement prend-on suffisamment le temps d’expliquer le diagnostic, ce qu’il implique et de s’assurer que le patient le comprenne bien. Ceci est regrettable, sachant que la peur, l’inquiétude, l’anxiété et la déprime sont autant d’éléments pouvant exacerber une expérience douloureuse.

Faisons ici la lumière sur le sujet !

 

Est-ce que c’est fréquent ?

Oui ! Si vous ou l’un de vos proches avez reçu ce diagnostic, vous n’êtes pas seul. Le diagnostic de sténose spinale lombaire serait donné à plus de 103 millions de personnes dans le monde. Aux États-Unis seulement, on estime sa prévalence dans la population adulte à 11 % des gens, une proportion qui augmente avec l’âge (Katz et coll,, 2022).

Le diagnostic est défini ainsi : un syndrome douloureux au niveau de la fesse, de la cuisse ou de la jambe avec ou sans la présence de maux de dos. Ces signes et symptômes sont associés à un rétrécissement de l’espace disponible pour les structures nerveuses et vasculaires dans une portion de la colonne vertébrale lombaire (North American Spine Society, 2007).

 

Qu’est-ce que c’est ?

Le terme « sténose » est dérivé du grec et signifie tout simplement « rétrécissement ». Dans les sciences de la santé, on parle de « sténose » lorsque l’on observe sur un examen médical qu’une structure cylindrique comme un canal (foramen) ou un vaisseau est rétréci par rapport à son diamètre original.

Ainsi, on peut retrouver une sténose chez différentes structures anatomiques de type canalaire ; la sténose œsophagienne (système digestif) ou aortique (système cardiovasculaire) en sont des exemples.

La sténose spinale, elle, concerne la colonne vertébrale. On peut trouver des sténoses à n’importe quel étage du rachis, bien qu’on en retrouve plus fréquemment dans la région lombaire. Par de petits trous situés entre chaque vertèbre, qu’on appelle les « foramina intervertébraux », les nerfs émergent de la moelle épinière et se divisent. Les nerfs peuvent ainsi cheminer, par exemple vers les bras (colonne cervicale) ou vers les jambes (colonne lombaire), afin de donner de la force et de l’endurance à nos muscles (fonctions motrices) et de nous permettre de ressentir des sensations (fonctions sensitives).

Deux types de sténoses sont possibles : la sténose foraminale et la sténose spinale centrale. La sténose foraminale est la plus commune. Elle se situe au niveau du foramen intervertébral, un espace entre deux vertèbres par lequel cheminent une racine nerveuse et des vaisseaux sanguins. La sténose foraminale affecte un seul membre (la jambe pour la sténose au niveau lombaire). La sténose centrale se produit quant à elle dans le canal rachidien central. Elle peut causer des symptômes dans les deux membres à la fois.

 

Quels sont les signes et symptômes que l’on peut ressentir ?

Outre une douleur dans la jambe (et parfois au bas du dos), les symptômes peuvent inclure des manifestations neurologiques comme des engourdissements (paresthésies). Les jambes peuvent aussi se fatiguer rapidement. Ces symptômes sont habituellement amplifiés par l’extension lombaire (arquer le dos) ou la station debout prolongée. À l’inverse, les symptômes sont souvent soulagés par la flexion (arrondir le dos, par exemple en s’appuyant contre un comptoir ou un panier d’épicerie) et la position assise.

 

Pourquoi le canal se retrouve-t-il rétréci ?

La réduction de la largeur du foramen peut s’expliquer par différents facteurs. Parmi ceux-ci, on retrouve :

  • La modification des contours osseux par le processus d’arthrose
  • Une poussée inflammatoire
  • Un bombement ou une hernie discale
  • Un kyste des facettes articulaires
  • L’épaississement d’un ou des ligaments de la colonne vertébrale
  • Une masse graisseuse dans l’espace postérieur épidural
  • Une congestion veineuse
  • Une ancienne fracture
  • Une scoliose
  • Des facteurs héréditaires (un canal congénitalement étroit)
  • Certains éléments plus graves (rares)*

*Même si cela est beaucoup plus rare, certains problèmes graves peuvent se cacher derrière une sténose spinale : une tumeur qui prendrait de l’espace dans le canal intervertébral, par exemple. C’est pourquoi un examen médical pour écarter ces risques, même faibles, se révèle souvent important, particulièrement si vous présentez d’autres symptômes de nature systémique, par exemple une grande fatigue, des douleurs nocturnes, de la douleur généralisée, une perte de poids rapide, une atteinte des fonctions fécales et urinaires, etc.

Les sténoses spinales touchent davantage la population plus âgée. La majorité du temps, c’est le processus d’arthrose associé au vieillissement qui l’entraîne.

En prenant de l’âge, de façon généralement très lente, les disques intervertébraux vont voir leur contenu en eau diminuer et s’amincir. Puisque les disques agissent un peu comme des petits coussins entre chaque vertèbre, leur perte de hauteur apporte une réduction de l’espace pour le nerf. Avec le vieillissement, les contours osseux des vertèbres vont aussi fréquemment changer : ils peuvent s’épaissir ou développer de petits reliefs osseux. On parle parfois d’« affaissement discal » ou de « dégénérescence discale », d’autres termes qui peuvent être très effrayants à lire sur un examen médical ! Toutefois, cette perte de hauteur des disques en vieillissant est tout à fait normale et n’est pas forcément associée avec de la douleur (Brinjikji, 2015).

Ainsi, une sténose peut être « fixe » ou plutôt transitoire, selon les éléments qui l’entraînent. Une poussée inflammatoire finit par se résoudre une fois la structure réparée par l’organisme. On sait qu’une hernie discale peut se résorber avec le temps. Si la sténose est temporaire, les symptômes entraînés se résorberont habituellement en même temps que la résolution du mécanisme qui l’entraîne.

Lorsque ce sont les contours osseux qui rétrécissent le foramen, les symptômes de la sténose sont plus difficilement modifiables avec le temps. Il est cependant intéressant de savoir que la pathologie est généralement très stable, c’est-à-dire qu’elle ne se détériore pas rapidement du tout (North American Spine Society, 2007) !

Aussi, puisque la douleur est un phénomène multifactoriel, il est souvent possible de l’influencer et de réduire considérablement les désagréments, même si l’apparence de la colonne vertébrale ne se retrouve pas modifiée sur un futur examen médical !

 

Comment le diagnostic est-il établi ?

Habituellement, le diagnostic est donné en associant les symptômes relevés par le patient à un examen médical démontrant une réduction d’un foramen correspondant aux symptômes. La résonance magnétique est traditionnellement l’outil utilisé par les radiologistes pour rapporter une sténose.

Toutefois, des recherches récentes ont démontré qu’il n’existe pas de standard fiable pour normaliser à partir de quelles mesures une sténose devient problématique. Par exemple, une étude a trouvé des sténoses spinales chez 65 % des adultes d’une cohorte de sujets asymptomatiques ! Eh oui, ce n’est pas parce qu’on a une sténose que cette dernière entraîne obligatoirement des répercussions négatives !

D’autres études ont montré que l’électromyographie (EMG) constituait un examen plus fiable et relié aux symptômes de la sténose que la résonance magnétique seule. Cet examen permet aussi d’éliminer les autres causes pouvant donner des symptômes similaires dans le membre inférieur (Yagci et coll., 2009). Pour un patient qui soupçonne que ses symptômes dans le membre inférieur sont liés à une sténose lombaire, il serait donc intéressant de procéder à une résonance magnétique accompagnée d’un EMG pour valider le diagnostic.

 

Que peut-on faire ?

Sténose ou pas, les maux de dos persistants proviennent rarement d’un seul élément physiologique. La majorité du temps, des facteurs psychosociaux et associés aux habitudes de vie viennent exacerber la pathologie (Chou et coll., 2009). Par exemple, la dépression, l’obésité, les troubles du sommeil et le déconditionnement physique représentent autant de facteurs connus de douleur chronique sur lesquels il est possible d’agir concrètement. La réhabilitation physique avec un accent sur l’exercice est souvent efficace pour réduire la douleur et les limitations associées aux maux de dos persistants.

Dans une recherche récente, des patients avec une sténose spinale symptomatique ont été pris en charge avec des méthodes non chirurgicales pour mesurer leur effet par rapport à l’approche chirurgicale. Parmi les interventions utilisées, on leur suggérait certaines modifications de leurs habitudes (par exemple s’asseoir quelques minutes lors de l’apparition ou de l’amplification des symptômes), la prise de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens à utiliser au besoin, ainsi que la thérapie par l’exercice.

Trois ans plus tard, un tiers d’entre eux environ rapportaient des améliorations considérables de leur état. Seulement 15 % des patients rapportaient que leur état s’est détérioré durant cette période. Ce n’est pas un miracle, mais cela vaut définitivement la peine de l’essayer avant de penser à une chirurgie !

 

Ceci nécessite-t-il une intervention chirurgicale ?

Lorsque la réhabilitation par l’exercice et la prise en charge de la douleur par une équipe multidisciplinaire n’entraînent pas de changement sur une période de plusieurs mois ou années, il existe une chirurgie avec un taux de satisfaction avoisinant les 75 % (Ogura, 2020). En effet, la laminectomie décompressive semble montrer un meilleur taux de succès, ainsi que des risques de complications plus faibles que la fusion lombaire, une autre opération couramment pratiquée (Katz, 2022).

 

En conclusion

La sténose spinale lombaire est un diagnostic commun, particulièrement chez les aînés. En se fiant à la littérature scientifique disponible en 2022, l’intervention de choix devrait comporter les éléments suivants : modification de la position ou du temps dans certaines activités, gestion de la douleur à l’aide de modalités analgésiques (pharmacothérapie, thérapie manuelle, thermothérapie, etc.) et thérapie par l’exercice.

Pour ceux dont la qualité de vie est profondément affectée, et qui ont essayé des modalités conservatrices sous la supervision d’un professionnel de la santé pendant plusieurs mois sans aucune amélioration ou détérioration de la pathologie, la chirurgie peut alors être envisagée. La procédure de choix selon la littérature semble être la laminectomie décompressive. Les avantages à long terme des injections épidurales n’ont pas encore été prouvés dans la littérature pour cette pathologie.