L’agriculture urbaine en plein renouveau ! Préparez-vous pour l’été.

Publié le 15 février 2018
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc. B. Sc., M. Env.

L’agriculture urbaine en plein renouveau ! Préparez-vous pour l’été.

L’agriculture a presque toujours fait partie de la réalité des citadins. Après tout, une grande concentration de population équivaut à une forte demande de nourriture, et quoi de mieux que de faire pousser ses propres aliments ?

 

Or, la majorité des experts s’entendent pour dire qu’une nouvelle génération d’agriculteurs urbains est en plein essor. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? Cette nouvelle génération est en fait la troisième.

 

Cette nouvelle génération est en fait la troisième.

 

Agriculture urbaine de 1re génération

Saviez-vous qu’à Montréal, par exemple, avant l’industrialisation au début du XXe siècle, il y avait plus de jardins potagers que de surface bâtie ? À partir de cette période, cependant, « la ville de Montréal se développe et les industries se multiplient. L’espace dédié aux potagers se fait de plus en plus rare. » (Agriculture urbaine Montréal, s.d.a.).

 

Toujours à Montréal, le premier jardin communautaire apparaît en 1936 (arrondissement de LaSalle), mais ce n’est qu’à partir des années 1970 que la 2e génération d’agriculture urbaine s’installe.

 

Agriculture urbaine de 2e génération

C’est effectivement en 1974 que Montréal lance son programme des jardins communautaires :

 

« [Le premier jardin communautaire est né] suite à un incendie qui a anéanti un quadrilatère complet dans le Centre-Sud de Montréal. Quelques habitants de ce quartier défavorisé ont alors demandé la mise sur pied d’un jardin dans cet espace qui leur permettrait d’assurer leur sécurité alimentaire.

 

Le premier jardin communautaire à l’intersection des rues Alexandre-Desève et Lafontaine venait de prendre forme, avec l’aide de l’Office d’embellissement de la Ville et du Jardin botanique. » (Agriculture urbaine Montréal, s.d.b.)

 

Depuis, la quantité de jardins communautaires n’a qu’augmenté avec les années : 43 en 1981, 72 en 1996, 76 en 2001 et 97 en 2011 (ce qui représente une superficie de près de 25 hectares). (Agriculture urbaine Montréal, s.d.b.)

 

Nous sommes tous habitués au fonctionnement de ces jardins, où les jardiniers membres cultivent leur petit lot à l’intérieur d’un espace désigné. La méthode fonctionne très bien, mais je la décris parce que le fonctionnement de la troisième génération y est diamétralement opposé.

 

Agriculture urbaine de 3e génération

Les Incroyables Comestibles, cette révolution que plusieurs surnomment l’« agriculture urbaine participative », est marquée par le désir d’un bien commun et d’un partage entre les citadins :

 

« Les plantations comestibles sont directement implantées sur l’espace public ouvert à tous : chacun peut venir participer aux opérations de plantation, chacun peut participer à l’entretien de nos plantations, et chacun peut venir récolter… et ce ne sont pas forcément les mêmes personnes ! Les Incroyables Comestibles ne plantent pas pour eux, mais pour la communauté humaine ! » (Les Incroyables Comestibles en France, s.d.a.)

 

On parle donc de planter des végétaux comestibles partout où c’est possible et de partager les récoltes avec tout le monde ! Le mouvement, né en Angleterre sous le nom d’Incredible Edible en 2008, est maintenant implanté dans 25 pays, sur tous les continents. Au Canada, le mouvement est particulièrement actif au Québec, où des citoyens s’impliquent dans toutes ces villes : Saint-Élie-de-Caxton, Montréal (Westmount et Le Plateau-Mont- Royal, entre autres), Saint-Georges, Ham-Nord, Salaberry-de-Valleyfield, Rimouski, Baie-Comeau, Drummondville, Trois-Rivières, Québec, Sherbrooke et Victoriaville.

 

Le potager de la discorde

Vous vous souvenez peut-être de cet épisode en 2012 (le dossier avait été très médiatisé, à l’époque) : Michel Beauchamp et Josée Landry, deux citoyens de la ville de Drummondville, avaient installé un jardin potager au-devant de leur résidence. La municipalité avait réagi très négativement, car les règlements les obligeaient à gazonner au moins 30 % de la superficie avant de leur terrain. Une lettre reçue en juillet 2012 les menaçait même d’une amende de 100 à 300 $ par jour d’infraction… pour faire pousser des fruits et légumes à l’avant de leur maison ! Devant le ridicule de la situation et toute l’attention médiatique, la Ville a finalement changé son fusil d’épaule, et le couple a réussi à garder son jardin. La Ville a même modifié sa législation pour autoriser une telle utilisation de l’espace un peu partout sur son territoire (Corriveau, 2012).

 

Pourquoi est-ce que je vous parle de cette histoire ? C’est simple, le potager de Michel Beauchamp et Josée Landry fait partie du mouvement des Incroyables Comestibles au Québec !

 

Vous pouvez suivre leurs aventures sur leur blogue, lepotagerurbain.blogspot.ca/, et même y télécharger un incroyable guide gratuit : Le potager urbain.

 

Malheureusement, encore plusieurs villes au Québec interdisent les potagers à l’avant… Essayez de vous renseigner auprès du service d’urbanisme de votre municipalité avant d’entreprendre de telles démarches !

 

Participer au mouvement

Tout d’abord, il ne sert à rien de réinventer la roue ; si une association des Incroyables Comestibles existe déjà dans votre ville, communiquez avec eux pour vous joindre au mouvement !

 

Si les Incroyables Comestibles ne sont pas encore implantés dans votre coin de pays, voici « la méthode simple en 5 étapes » pour réussir la démarche citoyenne :

  1. On se prend en photo devant la pancarte du mouvement (tout le matériel est disponible gratuitement sur le Web : bienvenue.lesincroyablescomestibles.fr/ressources) ;
  2. On partage des photos sur Internet et on communique aux autres ;
  3. Chacun fait sa part devant chez soi avec les Incroyables Comestibles ;
  4. On réalise des actions collectives pour devenir une force citoyenne ;
  5. On sensibilise les élus pour soutenir le mouvement citoyen solidaire.

(Les Incroyables Comestibles en France, s.d.b.)

 

D’autres projets d’agriculture urbaine

Affirmer que le mouvement des Incroyables Comestibles englobe totalement la nouvelle génération d’agriculteurs urbains serait réducteur : il existe une panoplie impressionnante d’initiatives dans ce milieu. En voici quelques- unes qui ont retenu mon attention.

 

Potager biologique sur le toit d’une épicerie

Au moment où le IGA de la famille Duchemin a changé de local en 2016, le Comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement Saint- Laurent leur a demandé de se doter d’un toit vert recouvrant au moins 50 % de la superficie. Or, au lieu de s’y conformer, les propriétaires sont allés plus loin dans leur réflexion et ont plutôt décidé d’installer un énorme potager biologique sur leur toit. À l’été 2017, le marchand devenait donc le premier super- marché au Canada à vendre des produits cultivés directement sur son toit ! Effectivement, le potager, installé et entretenu par la compagnie La ligne verte, y cultive plus de 30 espèces de légumes, fruits et fines herbes (Muckle, 2017). Il serait difficile de trouver un produit plus local ! Espérons que le concept fasse une percée un peu partout.

 

Des serres sur les toits d’immeubles commerciaux

L’idée de cultiver des végétaux sur les toits n’est pas nouvelle ; Les Fermes Lufa le font depuis plusieurs années. En effet, l’entreprise a construit la première serre commerciale sur toit au monde en 2010, sur le dessus d’un toit de 31 000 pi2 près du Marché Central, à Montréal. En utilisant les méthodes de l’hydroponie, la serre produit depuis plus d’une quarantaine de variétés de légumes, totalisant près de 140 cultivars. L’entreprise a depuis construit une 2e serre commerciale sur toit à Laval en 2013 qui est encore plus grosse, soit de 43 000 pi2. (Parent-Leblanc, 2013.)

 

Des végétaux et des poissons en symbiose dans des conteneurs

En 2016, l’entreprise Écosystèmes alimentaires urbains (ÉAU) se donne un défi ambitieux, celui de l’installation d’une ferme verticale éducative à Montréal. Et pas selon n’importe quels paramètres : les installations, composées de deux conteneurs situés près du marché Jean-Talon, utilisaient l’aquaponie, produisant ainsi « jusqu’à dix fois plus de rendement par mètre carré que l’agriculture conventionnelle. » (Marchal, 2016, et Écosys- tèmes alimentaires urbains, s.d.)

 

Qu’est-ce que l’aquaponie ?

Extrait de mon article « L’aquaponie : une solution aux problèmes de monoculture et de surpêche », publié dans le magazineVitalité Québec en juin 2015.

 

Aquaculture + Hydroponie = Aquaponie

 

Aquaculture : Élevage de différentes espèces rentables en milieu aquatique fermé ou ouvert.

 

Hydroponie : Culture de plantes dans un environnement sans sol, majoritairement dans un substrat poreux dans lequel une eau riche en nutriments circule.

 

L’aquaponie est la fusion de deux techniques déjà utilisées un peu partout à travers le monde, l’aquaculture et l’hydroponie. En reliant les deux systèmes, vous obtenez une symbiose telle que définie par l’illustration ci-après :

 

Traduction libre d’une illustration présente sur le site The Aquaponic Source.

 

Bref, il est aisé de constater que l’agriculture urbaine est en pleine mutation. Un peu partout à travers les villes du Québec, le phénomène des Incroyables Comestibles transforme les espaces publics et privés en potagers dont la nourriture est partagée à tous. Et que dire de tous ces projets innovants qui voient le jour dans nos villes… J’ai parlé succinctement des potagers sur le toit du IGA de la famille Duchemin, des serres commerciales sur toit des Fermes Lufa et de l’aquaponie dans les conteneurs d’Écosystèmes alimentaires urbains, mais il existe une panoplie d’initiatives qui auraient également mérité une mention.

 

Nous sommes en début d’année, c’est un excellent moment pour entamer la planification d’un projet pour l’été prochain… Comptez- vous participer à cette nouvelle vague d’agriculture urbaine ?

 

 

Références

Disponibles à la demande du lecteur.