L’arbre millénaire pour vivre centenaire ?

Publié le 9 avril 2021
Écrit par Dr Éric Simard, Ph. D., docteur en biologie et chercheur dans le domaine du vieillissement

L’arbre millénaire pour vivre centenaire ?

Dans mon premier livre, Vivre jeune plus longtemps, je présentais le Ginkgo biloba comme un des ingrédients importants à considérer pour une longévité en santé. Je ne pouvais pas encore mentionner à l’époque que nous y avions aussi découvert de nouveaux modulateurs du vieillissement primaire durant nos recherches en collaboration avec l’Université Concordia. Ces découvertes sont maintenant publiées dans une revue scientifique à fort niveau d’impact en recherche fondamentale sur le vieillissement primaire, et des demandes de brevet ont été déposées. Je pourrai donc faire le lien entre nos recherches, les bénéfices santé bien démontrés du Ginkgo biloba et sa pertinence dans un contexte de vieillissement.

 

Parlons de qualité avant tout

Lorsque l’on parle des bénéfices santé des plantes et des extraits de plantes, il est toujours très important de parler de la qualité de la matière première, surtout dans le cas du Ginkgo biloba. Il est considéré comme l’ingrédient le plus contrefait, présentant les plus hauts taux d’adultération sur le marché. Il peut s’agir de l’ajout de substances externes, de la présence de contaminants, de l’usage de la mauvaise plante ou encore de la mauvaise partie de la plante. Souvent, même le fabricant n’est pas au courant de la présence d’un ingrédient adultéré. Plusieurs études scientifiques ont démontré des irrégularités dans la concentration des extraits standardisés commercialisés. Par exemple, une analyse rapporte que sur 29 extraits testés, seulement 4 contenaient exactement les doses mentionnées (25 étaient erronés ; 86 %). 

Pour le Ginkgo biloba, les principes actifs sont extraits à partir de la feuille. Il s’agit de polyphénols du groupe des flavones glycosides, des terpènes lactones et des proanthocyanidines. Les plus abondants seraient les flavones glycosides, dont la quercétine et la catéchine. Les terpènes lactones contiennent des molécules uniques au Ginkgo biloba, nommées « ginkgolides ». Les terpénoïdes, flavonoïdes et anthocyanidines sont connus pour être les éléments actifs de cette plante. Les terpénoïdes sont probablement responsables de ses bénéfices santé uniques. Les extraits de qualité sont standardisés à raison de 24 % de flavonoïdes et de 6 % de terpénoïdes.

 

Sarrasin, soya, Ginkgo ?

Les problèmes de l’adultération sont très complexes. Par exemple, une des flavones du Ginkgo biloba est la rutine. La source de rutine la moins chère sur le marché est le sarrasin (Fagopyrum esculentum M). Un producteur d’extraits peut ainsi ajouter suffisamment d’extraits de sarrasin à son produit pour obtenir 24 % de flavonoïdes. Est-ce que ce produit aura les mêmes propriétés que le Ginkgo biloba ? Probablement pas. Le profil obtenu par l’analyse à la HPLC (chromatographie en phase liquide à haute performance) sera pratiquement le même ! Les isoflavones de soya peuvent aussi être utilisées pour tromper cette standardisation. La grande variation de composition et de qualité des extraits sur le marché pourrait aussi expliquer la variabilité des résultats cliniques rapportée dans la littérature scientifique. 

Par exemple, plusieurs méta-analyses ont conclu à l’inefficacité des extraits de Ginkgo biloba pour les problèmes d’acouphènes. Pourtant, une méta-analyse, publiée en 2011, concluait qu’il y a un effet significatif évident pour l’acouphène. Il s’agit d’extraits standardisés de Ginkgo biloba. L’étude souligne spécifiquement l’efficacité de l’extrait EGb 761®. L’auteur mentionne que les deux facteurs importants sont la qualité des études considérées et la qualité des extraits. Un autre exemple : si la prise d’un produit de Ginkgo biloba entraîne des réactions cutanées comme de l’urticaire (rash) ou des maux de tête, ce produit contient probablement de l’acide ginkgolique (un défaut de fabrication ; il est de mauvaise qualité). Ne le consommez plus.

 

D’hier à aujourd’hui

Le Ginkgo biloba est un grand arbre qualifié de fossile vivant, car il est le dernier représentant inchangé d’une famille d’arbres qui s’est éteinte il y a plus de 300 millions d’années. Les dinosaures ont croisé les Ginkgoacées. Il peut vivre plus de 1 000 ans et atteindre 40 mètres de hauteur. On utilise la feuille principalement pour ses vertus antioxydantes, neuroprotectrices et vasodilatatrices. Le Ginkgo biloba est utilisé en médecine traditionnelle depuis des siècles. Il s’agit d’une des plantes les plus utilisées pour son usage médicinal à travers le monde. Une étude réalisée en Allemagne auprès de gens de 60 à 94 ans rapporte que 66 % des répondants consomment des suppléments alimentaires. Pour le Ginkgo biloba, 57 % des utilisateurs confirment avoir eu la recommandation de l’utiliser de leur médecin.

Lorsqu’on considère les médecins et pharmaciens, ils représentent 73 % des raisons de consommation par ces gens âgés en Allemagne. De toute évidence, il s’agit d’une confirmation très claire des perceptions positives du corps médical allemand vis-à-vis de l’usage du Ginkgo biloba. Le gouvernement allemand reconnaît l’usage du Ginkgo biloba pour :

• les pertes de mémoire et de concentration, les états dépressifs, l’acouphène, les étourdissements et les maux de tête associés au syndrome organique cérébral et toutes les formes de démence ;

• l’amélioration de la circulation périphérique dans les syndromes vasculaires occlusifs, dont la claudication intermittente ;

• les vertiges et l’acouphène d’origine vasculaire.

 

Contre la démence 

Une étude (2013) a comparé l’utilisation du Ginkgo biloba à celle du piracetam, médicament sous prescription aux États-Unis pour la démence et les troubles cognitifs. Il s’agit d’une étude de suivi, sur une période de 20 ans, durant laquelle les capacités cognitives de 3 612 personnes de 65 ans et plus ont été évaluées. Cette étude a démontré une amélioration des capacités cognitives des gens prenant un supplément de Ginkgo biloba standardisé (le EGb 761®), alors que les patients prenant le piracetam n’ont eu aucune amélioration, mais une détérioration. 

Il ne faut toutefois pas remettre en question l’utilisation des médicaments de notre médecine moderne, mais plutôt savoir que certaines solutions peuvent être tout aussi valables si elles sont appuyées par une science de qualité. La principale utilisation du Ginkgo biloba, très bien soutenue cliniquement, concerne la mémoire et la prévention du déclin cognitif ou de la démence. 

 

Une grande quantité d’études

Le Ginkgo biloba demeure le produit naturel le plus étudié pour ses effets préventifs sur la démence. Une étude a relevé plus de 1 142 études scientifiques sur le Ginkgo biloba. En ne considérant que les études cliniques de plus haute qualité (9 études totalisant 2 578 patients), les auteurs concluent que les extraits de Ginkgo biloba sont supérieurs au placébo pour la prévention du déclin cognitif et la conservation des capacités de tous les jours. Ces résultats sont significatifs seulement pour les plus jeunes participants (N. B. : dont l’âge moyen est inférieur à 75 ans). Ce dernier point souligne probablement que pour prévenir, il faut agir assez tôt, mais qu’à 75 ans, il n’est pas trop tard. Il est aussi intéressant de mentionner que ces études durent habituellement six mois. Donc, une période de six mois est déjà suffisante pour voir une amélioration des capacités cognitives, mais généralement un usage d’un à trois mois pourrait déjà donner des résultats.

 

Mécanismes d’action et vieillissement

Concernant les voies métaboliques du vieillissement, les extraits standardisés de Ginkgo biloba ont démontré des effets positifs chez la levure, le nématode et les neurones humains en culture. Il y aurait augmentation des défenses contre l’oxydation et augmentation de la capacité de réparation de l’ADN.

Chez le nématode, cet effet bénéfique s’est traduit par une augmentation de 8 % de la durée de vie et une augmentation de la résistance aux stress thermique et oxydatif de 33 % et 25 % respectivement. Un flavonoïde purifié à partir de l’extrait de Ginkgo biloba, le tamarixetine, augmente la durée de vie des nématodes de 25 %.

Il fut aussi démontré que les extraits de Ginkgo biloba améliorent la production d’énergie par nos mitochondries. Il s’agit d’un des plus importants aspects pouvant réduire les effets négatifs du vieillissement. 

Dans la pharmacopée chinoise, le Ginkgo biloba est utilisé pour traiter l’asthme, grâce à son effet inhibiteur du facteur d’activation plaquettaire (platelet-activating factor (PAF)). L’extrait de Ginkgo biloba démontre aussi des effets vasodilatateurs périphériques, antioxydants et neuroprotecteurs. Ces effets peuvent expliquer son action sur la mémoire, en particulier en présence d’artériosclérose chez les personnes âgées. Il présente aussi des effets sur la claudication intermittente, sur la démence sénile et l’Alzheimer. Notez que l’usage du Ginkgo biloba ne prévient pas nécessairement l’Alzheimer.

 

Des recherches québécoises

Durant nos recherches avec l’Université Concordia (https://esimard.com/recherches/), nous avons identifié certaines molécules du Ginkgo biloba qui ont un impact significatif sur la longévité des cellules. Le modèle retenu pour ce type de recherche, le plus pertinent selon les études publiées, est l’usage des levures (cellules eucaryotes similaires aux cellules humaines, mais sans processus de différenciation). Il est important de souligner que nous avons considéré comme positifs les résultats supérieurs à ceux de la restriction calorique. Par exemple, le curcuma et la rhodiole n’ont pas permis d’obtenir des résultats suffisamment importants pour être retenus. Le Ginkgo biloba est un des 21 extraits identifiés jusqu’à maintenant par nos travaux, à l’origine de l’identification de nouveaux modulateurs du vieillissement primaire. L’extrait utilisé permet une augmentation de la longévité moyenne de 133 % et de la longévité maximale de 100 %. 

Les impacts sur le vieillissement primaire sont confirmés par des analyses très poussées de l’évaluation de la respiration mitochondriale, du potentiel des mitochondries, de l’oxydation des mitochondries, de l’oxydation des protéines, des dommages oxydatifs aux lipides, des mutations à l’ADN mitochondrial, de la résistance des cellules au stress oxydatif, de leur résistance au stress thermique et une augmentation de la consommation des lipides neutres (ce dernier point étant un processus d’assurance de longévité). 

Sans entrer trop profondément dans les détails, l’impact sur le vieillissement primaire de certaines molécules du Ginkgo biloba est relié à une inhibition de l’axe provieillissement du PKA (protéine kinase A) et à la stimulation de l’axe antivieillissement SNF1 (sucrose non-fermenting pathway). L’identification des voies métaboliques en cause permet aussi de choisir d’autres molécules qui peuvent ajouter des effets synergiques très importants sur le vieillissement primaire. Par exemple, les agents gérosuppresseurs que nous avons identifiés dans l’actée à grappes noires ont un mécanisme d’action trop rapproché de ceux du Ginkgo biloba, ce qui fait qu’ils n’ont pas d’effet synergique. En revanche, ceux de la valériane ou de la graine de céleri permettent des effets synergiques pour atteindre sur la longévité moyenne respectivement + 367 % et + 478 % (comparativement à 133 % pour les molécules du Ginkgo biloba seules). 

Il est évident que les agents gérosuppresseurs que nous avons identifiés dans le Ginko biloba ont un effet sur les mécanismes du vieillissement primaire, et cet effet pourrait, du moins en partie, expliquer les nombreux bénéfices de cette plante utilisée en médecine traditionnelle chinoise depuis des centaines d’années. 

 

Doses effectives

Les recherches cliniques sérieuses sont effectuées avec des extraits standardisés : 120 à 360 mg d’un extrait (ratio moyen 50:1, c’est-à-dire 50 fois plus concentré que la plante originale), titré à 24 % en flavonoïdes et 6 % en terpénoïdes. Nous devrions viser une dose moyenne de 200 mg par jour. Attention aux produits ne contenant que des feuilles pulvérisées : la dose devrait alors atteindre environ 10 000 mg par jour ! 

 

Indications

Pour les troubles de circulation périphérique (ex. : syndrome de Raynaud), les problèmes de mémoire et pour favoriser une meilleure concentration, surtout chez les personnes vieillissantes. Peut diminuer les vertiges et les altérations de l’ouïe dues à une mauvaise circulation ou à l’artériosclérose. Les altérations de l’ouïe incluent les acouphènes, ces bruits divers que notre oreille perçoit, avec ou sans la présence réelle de bruits.

Une étude de bonne qualité a démontré une efficacité contre les troubles anxieux, et des mécanismes d’action sont connus. Utile comme adjuvant dans le traitement des migraines, des maux de tête et des jambes lourdes (insuffisance veineuse). Peut être considéré pour la dysfonction érectile et les hémorroïdes.

 

Interactions possibles avec des médicaments

Les Ginkgolides ont des effets agonistes des récepteurs des facteurs d’activation plaquettaire (PAF). Ces molécules PAF ont la fonction de provoquer des réactions inflammatoires et/ou l’agrégation plaquettaire (la coagulation sanguine). Cette activité biologique est reliée aux bénéfices physiologiques du Gingko biloba, mais elle peut modifier l’efficacité des médicaments anticoagulants et donc pourrait causer une interaction dommageable. Bien que la dose qui pourrait être problématique n’est pas encore clairement établie et pourrait ne pas être atteinte par l’usage de suppléments courants, il est recommandé de s’abstenir de prendre des suppléments contenant du Gingko biloba si vous prenez des médicaments anticoagulants.

Éric Simard est docteur en biologie et chercheur dans le domaine du vieillissement, président de l’entreprise Idunn Technologies. www.esimard.com.

 

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