L’avenir de la planète se joue dans notre assiette – PARTIE 1

Publié le 15 octobre 2018
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc. B. Sc., M. Env.

L’avenir de la planète se joue dans notre assiette – PARTIE 1

Avez-vous eu chaud, cet été ? Gageons que oui, avec les nombreuses canicules qui ont balayées le Québec…

 

Le phénomène ne s’est pas fait ressentir qu’au Québec, c’est tout l’hémisphère nord de la planète qui a vécu des vagues de chaleur accablante cette année :

 

  • Dans le nord de l’Europe, la température au niveau du cercle polaire arctique a dépassé les 30 ºC, du jamais vu depuis l’apparition des instruments de mesure modernes ;

 

  • Au Japon, les températures au-dessus de 40 ºC (record de 41,4 ºC à Kamagaya, le 23 juillet) ont causé la mort de plusieurs dizaines de personnes et l’hospitalisation de milliers d’autres (Bottollier-Depois, 2018) ;

 

  • Au Québec, la canicule extrême, au début du mois de juillet, a causé 54 morts (La Presse canadienne, 2018). Une situation désolante, considérant que les victimes étaient principalement des personnes seules provenant de milieux défavorisés.

 

Déjà, les experts s’entendent pour dire que « 2018 s’annonce comme l’une des années les plus chaudes jamais enregistrées, avec des températures record dans de nombreux pays » (Bottollier-Depois, 2018).

 

Enfin, bref, tout cela pour illustrer qu’il est de plus en plus difficile de ne pas croire au changement climatique. Pour ceux et celles qui seraient moins à l’aise avec le sujet, voici un encadré résumant les causes de la problématique.

 

Qu’est-ce qui cause le réchauffement climatique ?

(Extrait de l’article Vitalité Québec d’avril 2014 « Est-il trop tard ? Le point sur les changements climatiques »)

 

Celui-ci est engendré par les gaz à effet de serre, qui « absorbent dans les longueurs d’onde de la radiation infrarouge et retiennent ainsi de la chaleur dans les basses couches de l’atmosphère […] ». A priori, les gaz à effet de serre offrent un réchauffement utile à l’humanité : sans ceux-ci, la température moyenne de la planète chuterait de 15 à -8 °C. Cependant, l’activité humaine a fait augmenter la concentration de ces gaz à un tel point qu’une hausse de la température a déjà été enregistrée.

 

En effet, « les concentrations de dioxyde de carbone sont passées de 0,0280 % (280 parties par million), en 1850, à 0,0395 % (395 parties par million), en 2013, une variation qui excède largement les changements observés au cours des cycles glaciaires qui se sont succédé au cours des derniers 800 000 ans ». Même son de cloche du côté du méthane […] avec une concentration de 1 800 parties par milliard en 2010, soit plus de deux fois les valeurs historiques enregistrées.

 

L’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre provient du mode de société néolibéral, centré autour de la consommation de matériel. En fait, « dans les 50 dernières années, le PIB de l’économie mondiale a été quintuplé en dollars constants. Pour arriver à ce résultat, la consommation énergétique a quadruplé pendant la même période. Cette énergie est fournie à 85 % par des carburants fossiles ». Notre présence apporte de si grands impacts environnementaux que plusieurs scientifiques identifient une nouvelle ère géologique débutant au début des années 1980, l’anthropocène. « Notre époque va laisser des traces géologiques. »

 

Lorsqu’on réfléchit aux sources des émissions de gaz à effet de serre (GES) reliées aux activités humaines, on pense tout de suite aux industries polluantes et au secteur du transport. Et avec raison, car en prenant en exemple les émissions de GES au Canada en 2016, l’industrie de l’exploitation pétrolière et gazière était responsable de 25,9 % de celles-ci, alors que la part du transport et de l’industrie lourde était de respectivement 24,6 % et 10,6 % (Environnement et Changement climatique Canada, 2018).

 

Cependant, un secteur que l’on ne soupçonne jamais assez est celui de l’alimentation, plus particulièrement l’élevage d’animaux pour la viande.

 

Éviter la viande et les produits laitiers est la « meilleure façon de réduire votre impact sur la Terre »

 

(Traduction libre de Carrington, 2018)

 

Effectivement, saviez-vous que le secteur de l’alimentation est responsable de près du quart (24 %) des émissions de GES mondialement ? À lui seul, le secteur de l’élevage d’animaux de rente représente 14 % des émissions de GES, soit autant que tout le secteur du transport (Greenpeace, s.d.) ! Vous avez bien lu, l’élevage d’animaux pour la viande a pratiquement le même impact sur le climat que toutes les voitures, les camions, les avions et les bateaux réunis (Greenpeace, 2018).

 

Qui plus est, de nombreux pays anciennement considérés comme « en voie de développement » se retrouvent à consommer de plus en plus comme les habitants des pays « riches » (exemple : la Chine). Ces hommes et femmes anciennement moins fortunés avaient une alimentation presque exclusivement végétarienne, la viande étant onéreuse et donc vue comme un luxe. Mais voilà qu’en raison de plus grands moyens monétaires, la quantité de viande produite et consommée ne cesse d’augmenter.

 

Si cette trajectoire continue sans correction, en 2050, le secteur de l’alimentation représentera 52 % des émissions de GES mondialement (20,2 milliards de tonnes de CO2e par an). Or, « les émissions de GES issues uniquement de l’agriculture utilisent presque la totalité du quota d’émissions permettant de ne pas dépasser 1,5 ºC d’ici à 2050 pour tous les secteurs, y compris l’énergie, l’industrie, les transports et d’autres secteurs (21 tonnes de CO2e par an) » (Greenpeace, 2018).

 

Comme vous pouvez le constater, il ne resterait qu’une infime partie du quota (~0,8 milliard de tonnes de CO2e par an) pour tous les autres secteurs, rendant ce scénario incompatible avec un monde sain exempt des conséquences graves du réchauffement climatique.

 

« Dans le milieu universitaire et la société civile, nous sommes nombreux à penser que la question « Qu’est-ce qu’on mange? » est l’une des plus cruciales pour dessiner notre avenir. La réponse déterminera quel genre d’avenir auront nos enfants, et peut-être le destin de notre espèce et de beaucoup d’animaux, de micro-organismes et de plantes vivant sur Terre » (Greenpeace, 2018)

 

« Dans le milieu universitaire et la société civile, nous sommes nombreux à penser que la question « Qu’est-ce qu’on mange? » est l’une des plus cruciales pour dessiner notre avenir. La réponse déterminera quel genre d’avenir auront nos enfants, et peut-être le destin de notre espèce et de beaucoup d’animaux, de micro-organismes et de plantes vivant sur Terre » (Greenpeace, 2018)

 

Bien plus que le climat

L’élevage d’animaux à des fins alimentaires n’a pas que des conséquences au niveau du climat, malheureusement.

 

Afin de soutenir une demande de plus en plus forte, toujours plus d’animaux doivent être élevés. Mais où les place-t-on ? Majoritairement là où ça coûte le moins cher, sur des milieux naturels qui sont déboisés entièrement pour accueillir d’énormes élevages. La problématique est telle qu’aujourd’hui, environ 26 % de la superficie du globe est utilisée par les pâturages (Greenpeace, 2018).

 

« Qu’est-ce qu’on mange? » est l’une des plus cruciales pour dessiner notre avenir. La réponse déterminera quel genre d’avenir auront nos enfants, et peut-être le destin de notre espèce et de beaucoup d’animaux, de micro-organismes et de plantes vivant sur Terre »

(Greenpeace, 2018)

 

L’étude la plus complète sur le sujet vient à la conclusion que si tous les êtres humains avaient une alimentation exclusivement végétarienne, l’utilisation des terres par l’agriculture diminuerait de plus de 75 % (Carrington, 2018). L’ampleur de la déforestation causée est telle qu’environ « 80 % des espèces de mammifères et d’oiseaux terrestres menacées le sont en raison de la perte de leur habitat, elle-même causée par l’activité agricole »

(Greenpeace, 2018).

 

Vous en conviendrez, il est d’une évidence même qu’un changement de régime alimentaire s’impose. Et il est possible de le faire… Après tout, actuellement, la viande ne fournit que seulement 18 % des calories et 37 % des protéines dans l’alimentation des humains (en usurpant 83 % des terres) (Carrington, 2018). C’est ce que l’on appelle un « aliment de luxe », un statut que la viande devra reprendre si la civilisation humaine veut survivre…

 

De plus, il est à noter que les effets de l’élevage d’animaux ne se limitent pas qu’au réchauffement climatique, à la déforestation et à la perte de biodiversité. J’aurais également pu parler de l’enjeu de l’eau (sa pollution et sa consommation excessive) et de la maltraitance des animaux par l’industrie, mais j’ai manqué d’espace dans cet article !

 

Pas que la santé de la planète en jeu

En plus d’avoir un impact disproportionné sur le climat et la déforestation, il semblerait que la viande cause d’autres problèmes, une fois ingérée dans nos corps. Effectivement, en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) « a classé la consommation de la viande rouge comme probablement cancérogène pour l’homme ». Les preuves étant plus significatives pour les viandes transformées, celles-ci furent plutôt classées « comme cancérogènes pour l’homme ». L’organisation a conclu que la consommation d’à peine 50 g de viande transformée consommée quotidiennement augmente de 18 % le risque de cancer colorectal (Organisation mondiale de la Santé, 2015).

 

À noter que les viandes rouges et transformées auraient également des effets néfastes au niveau de l’obésité, du diabète, des maladies cardiovasculaires, etc. Au contraire, « la consommation de fruits, de légumes, de légumes secs, de céréales complètes et/ou de fruits à coque s’accompagne de résultats positifs pour la santé, tels que la réduction de l’incidence des maladies coronariennes, du diabète, des AVC (accident vasculaire cérébral) et de certains types de cancers »

(Greenpeace, 2018).

 

Réduire sa consommation de viande

La solution aux problématiques énoncées plus haut est évidente : il faut manger moins de viande. Mais quelle quantité de viande exactement ?

 

Pour ceux et celles qui consomment beaucoup de viande, il serait intéressant d’y aller un pas à la fois. Pouvez-vous remplacer une portion de viande par des protéines végétales de temps à autre ? Commencez ainsi, et amusez-vous à expérimenter de nouveaux aliments et de nouvelles recettes !

 

Vous pourriez également participer au mouvement Lundi sans viande, qui comme son nom l’indique, vous invite « à réduire votre apport en produits animaux au moins une journée par semaine » (Lundi sans viande, s.d.).

 

Parce qu’il existe une multitude de méthodes, de trucs et de recettes pour faciliter l’intégration du végétal et remplacer la viande dans votre alimentation, un deuxième article consacré sur le sujet suivra celui-ci.

 

Bref, notre consommation de viande représente une bombe climatique à retardement et l’on en parle trop peu. En plus de sa contribution au réchauffement climatique, la demande de plus en plus élevée pour ce produit de luxe engendre la déforestation massive de milieux naturels pour y installer des pâturages, ce qui menace la biodiversité de la planète. En fait, les problématiques reliées à la consommation de viande sont telles que nous n’aurons pas vraiment le choix d’intégrer plus de végétaux dans notre alimentation, du moins si nous voulons léguer un monde viable aux prochaines générations. Afin d’atténuer suffisamment ces effets négatifs, Greenpeace propose dans son rapport Moins mais mieux – moins de viande et de produits laitiers pour une planète en bonne santé une diminution de 50 % de la production de viande et de produits laitiers par rapport aux niveaux actuels d’ici 2050. Pensez-vous être en mesure de diminuer votre consommation de moitié ? Si c’est un défi qui vous intéresse, surveillez la prochaine édition du magazine Vitalité Québec pour des astuces et des recettes !

 

Références

Bottollier-Depois, A. « Des records de chaleur dans tout l’hémisphère nord », Le Devoir, [En ligne], 2018, [https://www.ledevoir.com/societe/environnement/533211/des-records-dechaleur-dans-tout-l-hemisphere-nord] (Page consultée le 31 juillet 2018).

Carrington, D.. « Avoiding meat and dairy is ‘single biggest way’ to reduce your impact on Earth », The Guardian, [En ligne], 2018, [https://www.theguardian.com/environment/2018/may/31/avoiding-meat-and-dairy-is-single-biggest-way-to-reduce-your-impact-onearth]

(Page consultée le 1er août 2018).

Environnement et Changement climatique Canada. « Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement : Émissions de gaz à effet de serre », [En ligne], 2018,

[www.canada.ca/fr/environnement-changementclimatique/services/indicateursenvironnementaux/emissions-gaz-effet-serre.html] (Page consultée le 31 juillet 2018).

Greenpeace (s.d.). Atlas de l’alimentation végétale, [En ligne], [https://lessismore.greenpeace.org/wpcontent/uploads/2018/02/AtlasDeLAlimentationVegetale_FR.pdf]

(Page consultée le 1er août 2018).

Greenpeace. Moins mais mieux – moins de viande et de produits laitiers pour une planète en bonne santé, [En ligne], 2018,

[https://drive.google.com/file/d/1Y73h8jR0XdiBEENMHJCHPYOldkSTx_GU/view] (Page consultée le 1er août 2018).

La Presse canadienne. « Canicule : le bilan s’élève maintenant à 54 morts », Le Devoir,

[En ligne], 2018, [https://www.ledevoir.com/societe/531881/vague-de-chaleur-le-bilan-seleve-maintenant-a-39-morts] (Page consultée le 31 juillet 2018).

Lundi sans viande (s.d.). « À propos du mouvement », [En ligne], [https://www.lundisansviande.net/a_propos/] (Page consultée le 3 août 2018).

Organisation mondiale de la Santé. « Le Centre international de recherche sur le cancer évalue la consommation de la viande rouge et des produits carnés transformés », [En ligne],

2015, [http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/cancer-red-meat/fr/]

(Page consultée le 2 août 2018).