Publié le 14 juin 2021
Écrit par Dr Éric Simard, Ph. D., docteur en biologie et chercheur dans le domaine du vieillissement
Si nous revenons en arrière de quelques milliers d’années, la nourriture ne devait pas être facile à se procurer, et manger régulièrement à sa faim devait être assez rare. Les êtres humains vivaient la restriction calorique ou le jeûne partiel parce qu’ils y étaient forcés et non par choix.
Cela explique probablement pourquoi l’appel du sucre est parfois si fort. L’être humain ayant plus de difficulté à combler ses besoins énergétiques devait consommer des aliments riches en calories pour obtenir plus d’énergie, se développer et se reproduire. La recherche de quantité suffisante de nourriture et surtout d’aliments sucrés lorsque possible faisait partie du quotidien, à cette époque. Il s’agissait d’une question de survie. Cela n’est plus le cas aujourd’hui.
De nos jours, le jeûne et la restriction calorique sont un choix, puisque, pour la majorité des gens, nous n’avons plus le défi de chercher sans cesse de la nourriture pour subvenir à nos besoins énergétiques. Le plus intéressant est que les recherches récentes dans le domaine du vieillissement démontrent un effet pervers de cet apport calorique soutenu. La raison est simple et elle réside dans le lien entre la croissance et le vieillissement. Ces deux étapes de la vie sont intimement reliées par les mêmes mécanismes cellulaires. Les organismes vivants vieillissent à la même vitesse qu’ils se sont développés. Par exemple, les souris se développent très rapidement (20 jours de gestation) et vieillissent aussi rapidement pour mourir de vieillesse à l’âge de trois ans.
Les études ont démontré que si le corps est limité en apport calorique durant la croissance, il utilise alors ses ressources énergétiques pour la réparation et les mécanismes de maintenance cellulaire. Il a la capacité de changer ainsi ses priorités pour limiter la croissance et augmenter l’entretien. Étant donné qu’il s’agit des mêmes mécanismes qui sont responsables du vieillissement, si le corps a un apport limité en calories après la période de reproduction autour de 35 ans, il ralentira le vieillissement de l’organisme et optimisera l’état de santé général en stimulant la réparation et la maintenance cellulaire.
Évidemment, la restriction calorique ne doit pas engendrer de déficit nutritionnel, sinon, d’autres problèmes de santé surviendront et ils pourraient annuler les bénéfices recherchés.
Le jeûne comme outil médical
Partant de ces principes, le jeûne peut bien sûr être considéré comme un outil de prévention ou un outil de traitement : un outil de la santé intégrative. L’année 2019 a été marquée d’un moment décisif important par la publication d’une revue de littérature sur le sujet par le New England Journal of Medecine (NEJM).
Le NEJM est le périodique médical le plus important au monde.
Pour publier dans cette revue, il faut être considéré comme une sommité dans notre domaine, apporter des informations qui sont d’une très grande qualité scientifique et qui sont applicables comme outil médical. L’article dont je vous parle, paru en décembre 2019, porte le titre : « Effects of intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease ». Je vais vous lire un petit passage important (traduction libre) : « Ici, nous avons revu les études chez l’animal et chez l’humain qui ont démontré comment le jeûne intermittent affecte les indicateurs généraux de santé et ralentit ou inverse le vieillissement et le processus des maladies. » Vous avez bien lu, ralentit ou inverse le vieillissement et les processus des maladies. Ce qui permet ces bénéfices santé pour le moins spectaculaires, ce sont les mécanismes du vieillissement primaire (la longévité cellulaire). Il s’agit de mon domaine de recherche.
Ralentir ou inverser le vieillissement et les processus des maladies
Personnellement, je considère que les recherches sur la longévité cellulaire sont aussi importantes en santé humaine que la découverte des cellules souches il y a de ça 30 ans déjà. Les cellules souches sont les cellules qui ont encore la capacité de créer de nouvelles cellules saines pour différents tissus et de régénérer des organes endommagés. La médecine régénérative évolue rapidement.
Pour sa part, la recherche sur la longévité cellulaire permet de ralentir ou d’inverser le vieillissement en réduisant l’incidence des maladies associées. L’article du New England Journal of Medecine vient expliquer les bénéfices de ces processus, ici stimulés par le jeûne, nous y reviendrons, sur une multitude de facettes de santé :
Bien que la recherche dans ce domaine ait débuté par une observation réalisée en 1935, ce n’est que tout récemment que les mécanismes responsables du vieillissement primaire ont été déterminés. Entre 2010 et 2015, un grand nombre de publications scientifiques se sont succédé. Lorsqu’il y a des changements importants relativement à de grands paradigmes scientifiques, il n’est pas rare que 15 ans soient nécessaires avant que l’on commence à l’enseigner dans nos universités.
Les agents gérosuppresseurs
Grâce à la restriction calorique, il a été possible de comprendre la longévité cellulaire tout en identifiant des molécules qui agissent sur les mécanismes de base. Ces molécules sont aussi appelées « mimétismes de la restriction calorique » ou « agents gérosuppresseurs ». Elles permettent de préserver les fonctions biologiques d’un organisme plus jeune.
Le docteur James Kirkland de la Clinic Mayo a mentionné en 2016 dans son livre intitulé Aging: The Longevity Dividend qu’en se concentrant sur ces mécanismes du vieillissement primaire, toutes les maladies importantes qui y sont liées pourraient être prévenues, repoussées, réduites ou même traitées, toutes ensemble d’un seul coup. Il s’agit d’un impact préventif au potentiel très important.
Les mimétismes de la restriction calorique permettraient donc à l’organisme de rester en santé plus longtemps ! Quand je me suis rendu compte qu’il serait possible d’agir sur le vieillissement, il y a déjà de ça 10 ans maintenant, j’ai commencé à élaborer un ambitieux programme de recherche que l’on a mis en place en 2013 avec l’Université Concordia. Avec l’équipe de l’Université Concordia, nous avons fait plus de 40 000 essais en laboratoire et découvert les meilleurs mimétismes jamais décrits jusqu’à maintenant. Nous avons démontré l’effet synergique d’utiliser plusieurs mécanismes cellulaires en même temps. On ne parle pas ici d’effet additif, mais bien synergique. Des bénéfices qui sont beaucoup plus importants que la somme des deux effets séparés. Nous avons été en mesure d’obtenir des résultats pratiquement 10 fois supérieurs à ce qui avait précédemment été démontré.
Il y a très peu de ces molécules bien décrites actuellement, et surtout, supportées par des démonstrations cliniques. Pour les curieux, les mieux démontrés pour leurs multiples effets bénéfiques chez l’homme sont le resvératrol et les polyphénols d’olives (l’hydroxytyrosol). N’hésitez pas à m’écrire si vous voulez en discuter : esimard@idunntechnologies.com.
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